Sénégal: Crise dans «Al Falah», la plus ancienne organisation islamiste
Deux tendances s’affrontent et «s’excommunient» mutuellement
Dakar, 11 août 1998 (APIC) Le mouvement islamiste le plus ancien du Sénégal est en crise. «Al Falah» (le bonheur en arabe), une structure à caractère socio-éducative, a éclaté en deux camps opposés la semaine dernière. Chacune des deux parties revendique sa légitimité et accuse l’autre de détournement de fonds, de collusion avec une organisation intégriste terroriste et de déviance par rapport aux préceptes de l’islam.
La première tendance, dirigée par le président du mouvement, le Cheikh Khalil Maréga, un riche homme d’affaires sénégalais, vient d’exposer publiquement ses griefs. Elle reproche aux 9 membres du Bureau exécutif national (BEN), son instance dirigeante, d’avoir profité de la léthargie du mouvement depuis la guerre du Golfe de 1991 pour se rapprocher d’une organisation extrémiste musulmane saoudienne, «Al mountadah al islami» (la rencontre islamique), basée à Londres. Interdit en Arabie saoudite où ses dirigeants sont bannis et pourchassés, ce mouvement est soupçonné d’être l’un des plus gros bailleurs de fonds du terrorisme musulman dans le monde.
Les membres du BEN ont rejeté cette accusation, soulignant que leurs contacts avec le mouvement intégriste saoudien ont eu lieu à l’initiative du Cheikh Maréga et de son bras droit, Sadio Cissé, un ancien diplomate du Sénégal au Koweit.
A la suite de cette polémique, les responsables des deux camps en conflit ont réuni leurs sympathisants respectifs à des congrès séparés pour trancher la question et débattre de l’avenir de l’association. Résultat: des «excommunications» ont été décidées de part et d’autre. Les membres du BEN ont été exclus du mouvement, alors que ces derniers prononçaient la radiation du président Khalil Maréga et de son bras droit.
La léthargie du mouvement religieux sénégalais remonte à l’invasion du Koweit par l’Irak. Cette occupation avait créé un dilemme au sein des associations musulmanes du Sénégal. Celles financées par l’Arabie Saoudite l’ayant condamné, tandis que les plus radicaux des regroupements intégristes du pays, connus pour opposer l’islam aux religions juive et chrétienne, ont pris fait et cause pour Bagdad, prétextant l’occupation du royaume wahhabite, considéré à leurs yeux comme une terre sainte, par les «mécréants» américains. Les membres du BEN de Al Falah faisaient partie de ce dernier groupe de religieux ayant condamné l’intervention des troupes alliées contre l’Irak. En guise de représailles, les Saoudiens ont gelé leur assistance financière à l’association.
La tendance du Cheikh Khalil Maréga se propose de débloquer cette situation. Elle a adopté, au terme de son congrès, une «motion spéciale» de soutien à l’Arabie Saoudite et au Roi Fahd.(apic/ibc/ba)