Le nombre de viols et de meurtres a augmenté en 2019 au Sénégal. | © Flickr/
Caraboudja/CC BY-NC-ND 2.0
International

Sénégal: débat autour du rétablissement de la peine de mort

Les dirigeants chrétiens, musulmans et l’Etat du Sénégal sont divisés sur la restauration éventuelle de la peine de mort, abolie en juillet 2004. L’idée vise à mettre fin aux meurtres et viols de femmes, ainsi qu’aux agressions et autres crimes crapuleux dans le pays.

Le débat s’est imposé la semaine dernière, après le meurtre à Tambacounda, à l’est du pays, d’une jeune fille de 23 ans, qui a résisté à une tentative de viol. Son présumé meurtrier est un ami de la famille, qui l’a étranglé après sa tentative de viol.

Le lendemain à Dakar, le corps en décomposition d’une femme de 40 ans a été découvert dans une partie abandonnée du marché du quartier populaire de Ouakam, au nord-ouest de la ville. Les prélèvements effectués sur les restes de son corps ont conclu à un viol, suivi de meurtre.

Quelques jours auparavant, le 14 mai, une fille de 16 ans a été tuée dans des conditions attroces à Thiès, nord de Dakar. Il y a une semaine, les médias sénégalais ont rapporté qu’une fille de 2 ans a été violée par son oncle. En mars, à Diourbel, dans le centre du pays, une élève a tué un enseignant dans une affaire mœurs.

«Tu ne tueras pas»

D’autres cas de viols ou de meurtres, d’agressions de femmes sont régulièrement rapportés par la presse sénégalaise. Durant l’année judiciaire 2017-2018, le seul tribunal de Dakar, la capitale, a traité 565 cas de viols et 176 meurtres sur 21’333 dossiers. Les statistiques des autres régions du pays n’ont pas été publiées. Le phénomène semble s’accentuer en 2019.

L’Eglise catholique s’oppose à tout retour à l’abolition de la peine de mort. L’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye, a certes, condamné les actes criminels, mais rejeté la peine de mort comme solution. «Dans la Bible, quand Dieu dit: ’tu ne tueras pas’, cela s’adresse à tout le monde. Ce n’est pas en supprimant le meurtrier qu’on va faire revenir cette vie. La société doit se donner les moyens pour éradiquer de son sein toute violence. Tuer, dans tous les cas, c’est un geste de violence», a-t-il remarqué. «Ne devons-nous pas alors nous convaincre qu’une culture pour la vie, est préférable à une culture pour la mort», s’interrogeait-il dans son message de Noël 2018.

Interrogé le 22 mai par le site dakaractu, l’Abbé Alphonse B. Ndour, curé de la paroisse saint-Paul de Grand-Yoff, au nord-ouest de la capitale, a relevé que l’abolition de la peine de mort au Sénégal est «une avancée sur laquelle on ne devrait jamais revenir».

«Pardonnez à vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous persécutent. La réponse à la violence, ce n’est pas la violence, mais l’amour. Quand vous répondez à la violence, par l’amour que vous pouvez distiller, les gens qui sont devant vous sont désemparés», a-t-il ajouté.

Dissuader les criminels

Face à cette situation, qui a fini par créer la psychose chez les femmes, les familles maraboutiques de Touba, fief des mourides, Léona (sièges des Niassène proches des tidjane), et de Ndiassane, (confrèrie des khadryas) sont montées au créneau pour dénoncer cette violence. Selon la presse sénégalaise, le Khalife général de la puissante confrérie des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, s’est dit très touché par la recrudescence des meurtres crapuleux au Sénégal. Il a réclamé le retour à la peine capitale qui, a-t-il dit, «va dissuader les criminels».

Lors d’une conférence de presse le 22 mai, son porte-parole Sérigne Bassirou Abdou Khadre Mbacké s’est offusqué de «ces tueries barbares», tout en appelant à revoir la loi sur les assassinats prémédités. Il a rappelé les préceptes de l’islam à travers les enseignements du Coran.

«Il faut appliquer la charia»

Au nom de la famille maraboutique des Niasse, Ahmed Babacar Niass, a déclaré que seule la peine mort peut freiner l’ardeur des meurtriers. «Il faut un retour au principe de l’islam et appliquer la Charia. Cela est très clair. Celui qui tue une personne, il faut le tuer», a-t-il souligné dans des propos rapportés par le quotidien Walfdjri.

Pour sa part, Serigne Bou Khalifa Kounta, porte-parole du khalife de Ndiassane, a estimé que le Sénégal doit maintenant revoir ses textes législatifs pour l’application de la loi du talion. «Il faut appliquer la Charia tout simplement. Celui qui casse le bras d’une personne doit subir le même sort», a-t-il affirmé.

Le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, et le secrétaire d’Etat aux droits humains, Mamadou Saliou Diallo, ont assuré, que le gouvernement ne reviendrait pas sur l’abolition de la peine de mort, malgré l’intensité du débat. (cath.ch/ibc/bh)

Le nombre de viols et de meurtres a augmenté en 2019 au Sénégal. | © Flickr/ Caraboudja/CC BY-NC-ND 2.0
28 mai 2019 | 16:58
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 3 min.
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