Sénégal: protestations contre une mosquée au palais présidentiel

Un projet de construire une mosquée dans l’enceinte du palais de la présidence du Sénégal suscite une levée de boucliers dans le pays. Les opposants y voient une grave atteinte à la laïcité de la République.

L’initiative, sans précédent dans l’histoire du pays, d’implanter une mosquée au palais de la présidence a été annoncée par Cheikh Oumar Diagne, un proche collaborateur du nouveau président Bassirou Diomaye, installé le 2 avril 2024, après sa victoire à l’élection du 26 mars. «Nous pensons qu’il doit y avoir quelqu’un qui fait l’appel à la prière dans les lieux, et permettre à tous les employés du palais de venir faire leurs cinq prières», a déclaré le Cheikh Oumar Diagne. Il a ajouté que le futur lieu de culte islamique permettra de «rappeler constamment, au président de la République, ses devoirs et obligations face à la nation».

Un débat «rétrograde»?

Cheikh Omar Diagne est enseignant-chercheur à l’Université de Dakar, expert en finance islamique. Il est considéré comme un militant islamiste, farouche opposant à la franc-maçonnerie et à l’homosexualité. Il a été libéré de prison en février dernier, après 10 mois d’incarcération pour «appel à l’insurrection, appel à la violence contre les institutions et atteinte à la sûreté de l’Etat».

Ses propos ont déclenché une avalanche de critiques, montrant l’attachement des Sénégalais à la laïcité et au vivre-ensemble entres adeptes des différentes religions. Pour Paul Dominique Corréa, président de l’association Présence Chrétienne, «il devrait y avoir tant d’autres priorités et chantiers plutôt que de nous plonger dans un débat rétrograde, contre-productif et dangereux. Le palais de la République ne saurait être transformé en un lieu de culte au bénéfice exclusif d’une seule composante de la nation.»

Un islam sénégalais ouvert et tolérant

Le palais de la présidence abrite les bureaux et la résidence officielle du chef de l’Etat sénégalais. Il a été construit de 1902 à 1907 par les Français pour y loger le gouverneur général de l’Afrique-Occidentale française (AOF). Situé au cœur de Dakar, Il est le plus haut symbole de la laïcité du pays, ne comportant traditionnellement aucun signe religieux distinctif, ni lieu de prière aussi bien pour les musulmans que pour les chrétiens, les deux religions dominantes au Sénégal.

Sur une population totale de 18,5 millions d’habitants, l’islam est majoritaire à 95%, au Sénégal. Le pays compte 4% de chrétiens (catholiques et protestants). Malgré la dominance musulmane, les conflits interreligieux sont rares dans le pays, alors que l’islam pratiqué au Sénégal a la réputation d’être ouvert, modéré et tolérant. (cath.ch/ibc/ag/rz)