Le prêtre-rebelle Diamacoune toujours hébergé dans le centre

Sénégal: Reprise des hostilités en Casamance

diocésain de Ziguinchor pourtant contrôlé l’armée régulière

De notre correspondant Ibrahim Cissé

Dakar, 3 octobre 1997 (APIC) Le prêtre-rebelle indépendantiste Diamacoune Senghor, fondateur du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), dans le sud du Sénégal, est depuis plusieurs années une épine dans le pied de la hiérarchie de l’Eglise catholique au Sénégal. Mais les langues se délient aujourd’hui. Qui pour critiquer son action, qui pour l’appuyer. Critiqué par la hiérarchie, le prêtre-rebelle jouit en effet de la sympathie du clergé local.

Le débat rebondit depuis la reprise des hostilités. La récente attaque d’un village de Casamance par des indépendantistes a fait une dizaine de morts. Quelque 150 personnes auraient ainsi perdu la vie depuis août dernier.

L’Eglise catholique de Ziguinchor, dans le sud du Sénégal, est en effet embarrassée. Depuis avril 1993, elle héberge dans les locaux du Centre des œuvres sociales du diocèse le prêtre-rebelle Diamacoune Senghor, fondateur d’une guérilla en décembre 1982, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), pour obtenir l’indépendance de cette province méridionale. Les forces de l’ordre sénégalaises veillent aujourd’hui pour empêcher le prêtre-rebelle de sortir du Centre diocésain et de diriger son mouvement. Malgré la présence des forces de l’ordre, le centre poursuit ses activités d’assistance, notamment à des populations déplacées par le conflit.

Eglises et autorités interpellées

Naguère très animé, grouillant de monde dans une ambiance de kermesse, le Centre des œuvres qui abrite l’abbé-rebelle est ainsi devenu une résidence surveillée. Il faut se plier aux fouilles par des forces de l’ordre pour y avoir accès. Justifiant l’occupation des lieux par le fondateur du MFDC, un responsable du diocèse, qui préfère taire son nom, estime que le fait de maintenir Diamacoune dans cet endroit a des avantages: «Cela permet de l’avoir à l’œil…S’il n’est pas dans nos structures, on n’aura plus la main sur lui pour le ramener à la raison. L’Eglise adopte envers lui l’attitude de Jésus devant la femme adultère. Il ne la condamne pas, mais lui dit simplement: ’va et ne pèche plus’. Diamacoune est un frère dans le sacerdoce, c’est un prêtre. On peut condamner ses œuvres, son orientation, mais on ne peut pas condamner l’homme»

Pour le quotidien sénégalais «Le Matin», l’hébergement du leader indépendantiste au Centre diocésain est la pire des choses. «C’est la négation même de la vocation de cette structure de coordination des actions de bienfaisance de l’apostolat des laïcs».

Les contestataires interpellent autant l’Eglise que les autorités, pour savoir s’il y a lieu de continuer à garder dans un centre un homme qui, fût-il d’Eglise, est responsable d’une crise qui continue à faire des victimes innocentes. Depuis sa création, le MFDC a transformé la Casamance en un cercle infernal de violence, menant des opérations meurtrières contre l’armée sénégalaise qu’elle considère comme force d’occupation, ainsi que contre les populations civiles non armées.

La Conférence épiscopale du Sénégal a envoyé plusieurs fois une délégation auprès de l’abbé Diamacoune Senghor pour lui demander de renoncer à ses activités indépendantistes, indique-t-on de sources proches de l’Eglise à Dakar. «Jamais il n’a eu dans ce qu’il fait la sympathie ni l’assentiment, encore moins les encouragements de la hiérarchie catholique au Sénégal». Comme sanctions, l’Eglise a dénié à l’abbé en question tout droit de présider ou de prêcher dans les églises. Il peut en revanche célébrer la messe.

Origine confessionnelle

Au total plus de1’000 civils et militaires ont été tués depuis le début de la lutte armée en Casamance, une province coincée entre deux pays indépendants, la Gambie (anglophone) au nord et la Guinée-Bissau (lusophone) au sud. La Casamance partage la même culture et a les mêmes liens de parentés avec ces deux pays voisins. Elle n’est reliée au reste du Sénégal que par sa partie est.

Interrogé jeudi à Ziguinchor, un responsable laïc qui a requis l’anonymat, rappelle que l’origine de la lutte armée en Casamance est confessionnelle. Elle a été déclenchée pour contrer l’expansion islamique dans une région traditionnellement animiste. Jusqu’à l’éclatement du mouvement rebelle en fronts sud et nord en 1991, il y avait une discrimination entre combattants originaires de la Basse Casamance (catholique, plus favorisés) et ceux du nord (musulmans). Des protestations avaient du reste été soulevées par les combattants musulmans qui accédaient difficilement au grade de caporal, note de son côté le quotidien indépendant l’»Aurore de Dakar».

Accords non respectés

Depuis le déclenchement de la guerre, deux accords de paix non respectés ont été conclus en 1991 et 1993, entre le gouvernement et les séparatistes. En décembre 1995, le leader du MFDC, l’abbé Diamacoune Senghor, a lancé un appel pour un cessez-le-feu unilatéral. Cet appel a été respecté jusqu’en mars dernier quand les exactions contre les populations civiles ont repris.

Ces actions ont été souvent attribuées à des > supposés appartenir au MFDC. Depuis cet été la situation a tourné à la guerre ouverte, avec une reprise des hostilités entre l’armée sénégalaise et les combattants rebelles. Les affrontements militaires ont repris de façon effective en août dernier, après l’assassinat, par les rebelles, d’un groupe de 25 soldats sénégalais dont des officiers. Les incidents et attaques à mains armées se multiplient entre soldats et rebelles indépendantistes. Selon la presse, plus de 150 civils et militaires ont péri depuis la reprise des hostilités.

Le chef des indépendantiste Salif Sadio, commandant des forces combattantes du MFDC, aurait été tué le 22 septembre au cours d’une opération militaire dans le sud du Sénégal. L’information n’a été ni confirmée ni démentie. La violence de la reprise des hostilités est encore illustrée par l’attaque d’un village qui a fait le 27 septembre au soir une douzaine de morts et plusieurs blessés. (apic/ibc/pr)

10 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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