Sénégal: Un dirigeant islamiste s’en prend à la laïcité de l’Etat, importée de l’Occident
Non à «une société où Dieu est exclu»
Dakar, 26 octobre 1998 (APIC) Le Cheikh Abdoulaye Dièye, dirigeant d’un petit parti islamiste sénégalais, a dressé un violent réquisitoire contre la laïcité de l’Etat au Sénégal. Le leader politique a estimé que la neutralité religieuse de l’administration s’apparente «à une société où Dieu est exclu». Pays à près de 95% musulman (environ 5% de chrétiens), le Sénégal est, d’après la Constitution, un Etat laïc.
Elu député lors des élections législatives du 26 mai dernier, le Cheikh est à la tête d’une petite formation politique, le Front pour le socialisme et la démocratie, qui revendique une islamisation plus poussée du pays. La laïcité de l’Etat sénégalais s’inspire des valeurs culturelles de l’Occident, a-t-il lancé la semaine dernière lors de «l’Université d’été» de son parti. Il a souligné à cette occasion que cette laïcité a été proclamée par les Européens dans le but essentiel de séparer l’Eglise et l’Etat afin que l’autorité de l’Etat s’affirme sur tout.
Le Sénégal, pays de près de 9 millions d’habitants, est régi par une Loi fondamentale qui garantit, tant dans son préambule qu’en son article 19, la liberté à chaque citoyen, de «vivre et de faire vivre sa religion». En application de ces dispositions, le gouvernement doit observer une stricte neutralité dans les affaires de religion, laissant aux chefs religieux musulmans et chrétiens le soin de se prononcer ou de régler toute question d’ordre religieux. Il en est ainsi du refus de l’Etat de faire obligation aux musulmans de célébrer chaque année à la même date une seule fête de korité, de tabaski ou de nouvel an.
Un islam tolérant et multiple
Depuis plus de 10 ans, ces différentes fêtes sont célébrées par les musulmans sénégalais à des dates séparées, selon qu’ils soient tidjanes ou mourides, deux grandes confréries islamiques du pays. Cette année, toutefois, les fêtes musulmanes marquant la fin du ramadan ou mois de jeun, ainsi que la fête de tabaski ont été célébrées aux mêmes jours par l’ensemble des musulmans sénégalais.
Il reste que l’islam sénégalais, relèvent les observateurs, contrairement à celui pratiqué dans les pays du Golfe arabe et dans beaucoup d’autres pays africains, est resté modéré et tolérant. Le pays compte une multitude d’associations et structures musulmanes. Le Ministère de l’Intérieur a recensé plus de 900 associations qui se réclament des préceptes de l’islam. Totalisant de 3,5 millions d’adhérents, ces associations sont considérées comme «la première force démocratique» du pays. Bien que certaines d’entre elles ne soient pas enregistrées officiellement, leurs activités sont tolérées et elles ont une existence bien réelle sur le terrain. (apic/ibc/be)