Serbie: Le patriarche Pavle met des limites à la «guerre juste» (061291)

Des voix orthodoxes interpellent l’Eglise serbe

Vienne, 6décembre(APIC) Le patriarche orthodoxe de Serbie Pavle, se référant à l’Apocalypse, affirme qu’il ne peut y avoir de guerre juste que

«quand le Bien se défend contre les attaques du Mal». Mais les prises de

position du chef spirituel des Serbes orthodoxes, qui affirme que «la

patrie est attaquée» – ne font pas l’unanimité parmi les orthodoxes, et des

personnalités orthodoxes occidentales n’hésitent pas, à propos du conflit

yougoslave, à désigner clairement l’agresseur : «L’Etat serbe, qui mène la

guerre contre la Croatie».

Dans une interview publiée dans la dernière édition de l’hebdomadaire

catholique autrichien «Die Furche» à Vienne, le patriache Pavle met certes

des limites à la justification de la guerre: même contre l’ennemi, on ne

doit jamais se comporter de façon inhumaine; quand l’ennemi est fait prisonnier, on n’a le droit à aucun prix de le torturer ou de le massacrer.

«Là où l’on agit ainsi, il n’y a ni hommes ni héros, mais des criminels à

l’oeuvre».

Dans divers appels, dont l’un a été publié la semaine dernière dans le

quotidien parisien «Le Monde», des personnalités orthodoxes ont réfuté les

accusations de «génocide» lancées par Belgrade contre le gouvernement de

Zagreb et le peuple croate.

«Chacun sait bien qui est l’agresseur»

«Le peuple serbe est dans l’impasse, malgré la propagande officielle,

chacun sait bien qui est l’agresseur, qui se défend, qui tire le premier;

l’Eglise orthodoxe serbe ne doit pas se faire complice, serait-ce inconsciemmment, d’une machine de guerre ’national-communiste’», peut-on lire

dans «Le Monde» du 27 novembre sous la plume de divers théologiens orthodoxes, dont Olivier Clément et Nicolas Lossky. «C’est maintenant que votre

parole de pasteurs est indispensable, lancent-ils à l’adresse des évêques

serbes, pour demander l’arrêt des combats – car l’essentiel, c’est qu’on ne

tire plus». Et les signataires de souligner, après avoir constaté que «le

peuple (serbe) est entraîné dans une agression», que l’Eglise doit savoir

faire face au peuple pour lui demander de ne plus faire le mal.

C’est que l’Eglise serbe, qui se considère comme la «gardienne séculaire

de la spiritualité serbe, de l’identité nationale, culturelle et historique

serbe», n’a pas toujours contribué à l’apaisement du conflit. Ainsi, dans

une lettre adressée à Lord Carrington, président de la Conférence de paix

de La Haye, le patriarche orthodoxe serbe Pavle (Paul), n’a pas hésité à

écrire que «pour la deuxième fois en ce siècle, le peuple serbe fait face

au génocide et il est chassé de territoires où il vivait depuis des siècles». Le patriarche Pavle affirme que «près de 700’000 Serbes furent exécutés et assassinés d’une autre manière, généralement cruelle, à Jasenovac,

dans d’autres camps de la mort et dans de nombreux trous et gouffres. (…)

Tout cela était commis en exécution d’un programme de création d’un Etat

croate ethniquement pur et d’extermination de tous les Serbes». Et de souligner que durant le régime fasciste des «Oustachis» durant la dernière

guerre mondiale, la conversion forcée des orthodoxes serbes «représentait

la partie essentielle de ces desseins criminels».

Depuis la récente déclaration d’indépendance de la Croatie, affirme le

chef spirituel des Serbes orthodoxes, «les souffrances des Serbes de Croatie ont repris, avec des conséquences encore plus lourdes. Nos compatriotes

se trouvent confrontés à une cruelle alternative: ou bien ils choisissent

d’imposer par les armes et par les actes leur maintien dans le même Etat

que la mère-Serbie, ou bien ils seront contraints par ce nouvel ’Etat indépendant croate’ de s’exiler avant ou après. Il n’y a pas de troisième solution. C’est pourquoi l’Etat et le peuple serbe doivent les défendre par

tous les moyens légitimes, y compris l’auto-défense armée des vies serbes

et de toutes les provinces serbes».

Les personnalités orthodoxes qui écrivent dans «Le Monde» pour

interpeller les évêques serbes justifient leur démarche «parce que l’Eglise

que vous guidez semble contribuer, sans doute inconsciemment, à ces incitations à la haine». (apic/sop/kpr/be)

6 décembre 1991 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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