Soeur Blandina, religieuse du Far West, au coeur d'une série TV

Sœur Blandina Segale, immigrante italienne arrivée dans le Far West à l’âge de 22 ans, en 1872, est le personnage central d’une nouvelle série télévisée américaine. Fondatrice d’écoles et d’hôpitaux, elle a aussi lutté contre les hors-la-loi et les lyncheurs dans l’Ouest sauvage.

L’histoire de la ville de Trinidad, dans le Colorado des années 1870, a inspiré une série télévisée en cours de développement dont Sœur Blandina Segale sera le personnage principal, rapporte Catholic News Agency (CNA).

Brendan Fitzgerald, l’un des auteurs du projet, a connu Sœur Blandina grâce à ses lettres rassemblées dans un recueil intitutlé At the End of the Santa Fe Trail (Au bout de la piste de Santa Fe). »Je suis tombé amoureux de son récit et de son charme, de son intelligence, de son auto-dérision et de son humilité», a-t-il déclaré à CNA. «En tant qu’écrivain, vous avez besoin de quelqu’un comme ça pour ancrer une histoire».

La majeure partie de ce que l’on sait de la vie de Sœur Blandina provient de cette série de lettres écrites à sa sœur, Sœur Justina Segale, qui vivait dans l’Ohio. La correspondance, publiée pour la première fois en 1941, couvre les années 1872-1894.

Entrée en religion à l’âge de 16 ans

Maria Rosa Segale est née dans la petite ville de Cigana, près de Gênes, en Italie, le 23 janvier 1850. L’histoire veut que le premier mot qu’elle prononça fut ‘Jésus’. À l’âge de 4 ans, elle émigre avec ses parents à Cincinnati, aux Etats-Unis. Dès l’âge de 16 ans, elle rejoint les Sœurs de la Charité et reçoit le nom de Soeur Blandina.

En tant que jeune religieuse à Cincinnati, elle aide une jeune fille de 14 ans qui avait été enlevée pour se prostituer à trouver le courage de confronter ses agresseurs et de les poursuivre en justice.

Six ans plus tard, en 1872, elle est envoyée seule à Trinidad, dans le sud du Colorado, quatre ans avant que ce territoire ne devienne un État. Dans cet ‘Ouest sauvage’ elle s’occupe d’orphelins et de pauvres, défend les droits des Amérindiens, fonde des écoles et construit des hôpitaux. Elle meurt en 1941 à Albuquerque à l’âge de 91 ans.

Rencontres avec Billy the Kid

Parmi les épisodes les plus plus célèbres de sa vie, on raconte celui où elle a intercédé en faveur du père d’un de ses élèves qui avait tiré sur un homme et était menacé de lynchage par la foule. Sœur Blandina réussit non seulement à convaincre le tireur d’écrire une confession, mais aussi à persuader la victime de pardonner au tireur avant qu’elle ne meure. Le meurtrier jugé régulièrement, fut condamné à la prison à vie, puis libéré au bout de neuf mois afin qu’il puisse s’occuper de ses quatre enfants. On raconte aussi que Soeur Blandina a même rencontré à plusieurs reprises le fameux Billy the Kid et les membres de sa bande de hors-la-loi.

En 1966, cette histoire de bravoure avait été racontée dans l’épisode The Fastest Nun in the West d’une série télévisée, où elle a affrontait les canons des armes à feu pour obtenir justice. La religieuse a aussi empêché que des Hispaniques et des Amérindiens perdent leurs maisons et leurs terres à cause d’escrocs. Parmi ses hauts-faits, on rapporte également le sauvetage d’un chariot et de ses passager lors d’un blizzard hivernal.

La bande-annonce de la série Trinidad la décrit comme «une héroïne méconnue de l’Ouest qui n’a jamais porté d’arme. Sœur Blandina n’a jamais reculé et a porté son habit comme un super-héros porte sa cape». «Je pense que sa foi a joué un rôle énorme. C’était la seule motivation dans tout ce qu’elle faisait», commente Brendan Fitzgerald. «Elle croyait en la justice. Elle croyait en la charité.»

Une vision différente du Far West

Selon la Colorado Springs Gazette, l’actrice et réalisatrice Robin Wright sera chargée de la mise en scène et de la production du projet. La série présentera aussi d’autres personnages qui ont joué un rôle dans la Trinidad des années 1870 comme Dolores Baca, matriarche d’une famille fondatrice de Trinidad; Royal Red Bransford, tenancière d’une pension de famille et sœur du chef sioux Oglala Red Cloud ou encore Cathay Williams, une femme noire qui s’est fait passer pour un homme afin de servir en tant que soldat Buffalo dans l’armée américaine. Selon B. Fitzgerald, le genre cinématographique du western a été très dominé par les hommes et raconte trop souvent la même histoire. »Le personnage de Sœur Blandina et les nombreuses autres femmes extraordinaires qui vivaient à la même époque à Trinidad font contrepoids à une vision mythifiée de notre histoire qui n’est pas vraie.»

«Les femmes ont eu une influence énorme. Et les sœurs de la Charité n’ont pas reçu le crédit qu’elles méritent. Elles ont fourni des services sociaux qui n’existaient pas dans le Colorado de l’époque: des hôpitaux et des écoles. Elles ont eu un grand impact civilisateur».

Pour l’auteur, Trinidad offre l’image d’un «microcosme du monde d’aujourd’hui». Elle était «désordonnée, politiquement divisée, un véritable creuset culturel» où l’on parlait aussi régulièrement l’espagnol que l’anglais.

10 à 15 millions de dollars encore nécessaires

Brendan Fitzgerald travaille sur le film avec son père, Michael, lui même connu comme cinéaste et auteur de plusieurs westerns. Il espère que le fait de raconter l’histoire de la ville et de ses habitants, en mettant l’accent sur la «véritable histoire du Colorado», contribuera à équilibrer les  représentations de l’Ouest américain. »C’était très différent de ce que les gens imaginent», a déclaré Michael Fitzgerald. Les producteurs ont besoin de 10 à 15 millions de dollars supplémentaires pour mener à bien le projet «Trinidad».

L’industriel Jay Cimono, originaire de Trinidad, figure parmi les soutiens de la série. Petit-fils d’immigrés italiens, il a fréquenté le lycée Holy Trinity, fondé par les sœurs. Pour lui «cette série montre comment une personne a défendu toute une communauté avec honneur, intégrité et courage. Sœur Blandina était une personne de petite taille, qui est venue au Colorado à cheval et en buggy. Sans armes ni violence, mais avec gentillesse et ingéniosité, elle a fait la différence pour de nombreuses personnes. Nous avons besoin de plus d’exemples de ce genre.»

La cause de sainteté

Sœur Blandina a quitté Trinidad en 1877, lorsque ses supérieures l’ont envoyée à Albuquerque, puis à Santa Fe. Elle a contribué à la mise en place du système de santé publique et du système scolaire public au Nouveau-Mexique et a participé à la construction des premiers hôpitaux et écoles à Albuquerque.

En 2014 l’archidiocèse de Santa Fe a ouvert la cause de béatification de Soeur Blandina. Les  enquêteurs ont reçu des rapports sur 42 miracles présumés impliquant son intercession. Son dossier a été transmis au dicastère pour la cause de saints à Rome en 2015. Les défenseurs de sa cause ne sont pas impliqués dans la série «Trinidad» mais ont conseillé les auteurs de la série. (cath.ch/cna/mp)