«Sollicitudo rei socialis» : jean paul ii

reactualise l’enseignement de «populorum progressio» (2)

bruxelles, 19 fevrier (APIC/CIP)

pour un developpement humain authentique

Dans le quatrième chapitre, le pape plaide pour «un développement humain

authentique». Le développement, dit-il, n’est pas un processus linéaire:

une telle conception, liée davantage à la notion de «progrès», est démentie

par l’histoire récente. La conception «économiste» du développement est elle aussi mise en question : la pure accumulation des biens ne suffit pas à

réaliser le bonheur humain. Jean Paul II fait ici allusion à la tentation

de la possession et de la jouissance immédiate qui caractérise la société

de consommation, ou un objet dépassé est mis au rebut, «une forme de

matérialisme grossier, et en même temps une insatisfaction radicale».

Le pape rappelle ici la distinction déjà faite par Paul VI entre

l’»avoir» et l’»être», sans en faire non plus une antinomie. Le problème,

dit-il, c’est que tandis qu’un petit nombre n’arrivent pas vraiment à

«être», empêchés qu’ils sont par le culte de l’»avoir», le plus grand

nombre n’arrivent pas à réaliser leur vocation humaine fondamentale, étant

privés des biens les plus élémentaires.

Le mal n’est donc pas dans l’»avoir» en tant que tel, mais dans le fait

de ne pas respecter la qualité ni l’ordre des valeurs des biens que l’on a,

lesquels «découlent de la subordination des biens et de leur mise à disposition de l’»être» de l’homme et de sa vraie vocation». En fait, le développement «ne consiste pas seulement dans l’usage, dans la domination, dans

la possession sans restriction des choses créées et des produits de l’industrie humaine, mais plutôt dans le fait de subordonner la possession, la

domination et l’usage à la ressemblance divine de l’homme et de sa vocation

à l’immortalité. Telle est la réalité transcendante de l’être humain (…)

qui est donc fondamentalement sociale». Pour le chrétien, qui sait que

l’homme est créé à l’image de Dieu, ajoute le pape, «le véritable développement doit être fondé sur l’amour de Dieu et du prochain, et contribuer à

faciliter les rapports entre les individus et la société. Telle est la «civilisation de l’amour» dont parlait souvent Paul VI».

Un mal moral

Dans «Lecture théologique des problèmes modernes» (ch. V), Jean Paul II

discerne, au-delà des causes économiques et politiques, des causes d’ordre

moral. Un monde divisé en blocs, ou dominent diverses formes d’impérialisme

au lieu de l’interdépendance et de la solidarité, ne peut être qu’un monde

soumis à des «structures de péché», lesquelles «ont pour origine le péché

personnel et, par conséquent, sont toujours reliées à des actes concrets

des personnes…»

Jean Paul II met l’accent sur deux éléments qui lui paraissent les plus

caractéristiques et qui sont indissolublement liés : le désir exclusif du

profit et la soif du pouvoir, de la part des invividus comme des nations et

des blocs. Il invite chacun à emprunter le «chemin long et complexe» pour

surmonter le mal moral. Et son appel ne s’adresse pas aux seuls croyants.

Ceux qui n’ont pas une foi explicite doivent eux aussi être convaincus que

les obstacles au développement ne sont pas seulement d’ordre économique,

mais «dépendent d’attitudes plus profondes s’exprimant, pour l’être humain,

en valeurs de nature absolue». C’est pourquoi le pape dit son souhait que

ceux qui exercent une responsabilité, qu’ils soient ou non inspirés par une

foi religieuse, «se rendent pleine- ment compte de l’urgente nécessité d’un

changement des attitudes spirituelles qui caractérisent les rapports de

tout homme avec lui-même, avec son prochain, avec les communautés humaines

même les plus éloignées et avec la nature».

Quant aux chrétiens, le pape les appelle à la conversion, grâce à une

conscience croissante de l’interdépendance entre les hommes et les nations.

Il fait de cette interdépendance une «catégorie morale», dont la réponse

correspondante est la solidarité, comme attitude sociale et morale et comme

«vertu». Non pas un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel, précise-t-il, mais «la détermination ferme et perséverante de

travailler pour le bien commun» le même critère s’applique d’ailleurs aux

relations internationales.

Le rôle de la doctrine sociale de l’Eglise

«Quelques orientations particulières» sont proposées dans le sixième

chapitre. Le pape y montre que si l’Eglise n’a pas de solutions techniques

à offrir face au sous-développement (lequel ne peut du reste se ramener à

un problème technique), elle n’en a pas moins une parole à dire : c’est sa

doctrine sociale, qu’elle propose comme «experte en humanité».

«La doctrine sociale, précise le pape, n’est pas une troisième voie entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées : elle constitue une

catégorie en soi. Elle n’est pas non plus une idéologie, mais la formulation précise des résultats d’une réflexion attentive sur les réalités

complexes de l’existence de l’homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. Son but

principal est d’interprêter ces réalités, en examinant leur conformité ou

leurs divergences avec les orientations de l’enseignement de l’Evangile sur

l’homme et sur sa vocation à la fois terrestre et transcendante; elle a

donc pour but d’orienter le comportement chrétien. C’est pourquoi elle

n’entre pas dans le domaine de l’idéologie, mais dans celui de la théologie

et particulièrement de la théologie morale.»

Après avoir évoqué quelques orientations récentes du magistère, parmi

lesquelles «l’amour préférentiel», une option «dont témoigne toute la tradition de l’Eglise», le pape en appelle à des réformes urgentes.

Les premières intéressent les pays développés : «la réforme du système

commercial international, grévé par le protectionnisme et le bilatéralisme

grandissant; la réforme du système monétaire et financier international,

dont on s’accorde aujourd’hui

(apic/cip/bd)

(a suivre)

19 février 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!