Marine Pontoise a marché durant 45 jours depuis Canterbury | © Bernard Litzler
Suisse

St-Amédée, l’accueil lausannois des pèlerins de la Via Francigena

Un hébergement sobre et accueillant: voici l’offre de la paroisse St-Amédée, dans les hauts de Lausanne, aux pèlerins de la Via Francigena. Au croisement avec le chemin de Saint-Jacques, il reprend vie avec les beaux jours. Rencontre avec une responsable de l’accueil et une marcheuse partie d’Angleterre.

Bernard Litzler, pour cath.ch

De l’extérieur, c’est un gros cube de béton. L’église paroissiale se trouve en haut de l’escalier. Mais au rez-de-chaussée, St-Amédée se fait accueil autrement. A droite, l’entrée vers le secrétariat. Et là une des portes ouvre, de manière inattendue, vers un logement pour randonneurs: une enfilade de deux pièces meublées de lits, d’une cuisine simple, d’une table. C’est pratique, sans fioritures. Tout ce qu’il faut pour les pèlerins de la Via Francigena ou du chemin de Compostelle.

Ainsi Marine Pontoise, vaillante marcheuse partie de Canterbury en Angleterre. Elle achève un périple de 45 jours à travers la France et le Jura suisse. «Les accueils en paroisse sont ceux que je préfère, dit d’emblée la dynamique retraitée française. Car ils sont sobres, dans l’esprit du pèlerinage. Après Orbe et Cossonay, Lausanne.» Gilberta Corday reçoit la nouvelle arrivante et lui présente les lieux: le couchage, le coin repas, et plus loin, la salle de bains et le lave-linge.

25 km par jour

Dans la salle voisine, une fête africaine laisse échapper sa musique: «J’espère qu’ils ne vont pas jouer toute la nuit, car je suis fatiguée», lance Marine, un peu surprise. «Je vais aller me renseigner, mais en principe, ils auront fini à 22 heures», la rassure Mme Corday. Un retour sonore à la vie urbaine, après plusieurs semaines «sans rencontrer personne», indique la marcheuse.

Marine a marché 25 km par jour. Elle est arrivée à Lausanne après 45 jours de marche | DR

A un rythme soutenu de 25 km par jour, Marine a atteint Lausanne. Elle fera encore une journée jusqu’à Vevey avant de retourner en France. «Ce parcours est, pour moi, déjà la troisième portion de la Via Francigena. J’ai déjà marché de Lucca, en Toscane, à Rome. Et plus loin que Rome, jusqu’à Santa Maria di Leuca, au bout du talon de la botte.» Ne lui restera que le parcours entre la Suisse et la Toscane pour boucler la Via dans sa totalité.

20 francs

Le tour des lieux semble satisfaire Marine. «Nous avons quatre lits, un cinquième si jamais, et une machine à café, deux plaques électriques. Cela suffit aux pèlerins», précise la responsable des locaux. Elle sort le tampon de la paroisse, le fameux «stempel» qui va attester dans la crédenciale du passage dans la capitale vaudoise. Marine appose le sceau dans son carnet de pèlerin.

Le tarif est de 20 francs pour la nuit. «C’est raisonnable», lâche la marcheuse, désolée de n’avoir pas eu de telles possibilités en France. «J’ai même dû dormir à l’hôtel», dit-elle. Sa longue expérience de randonnées solitaires lui a enseigné la patience. «Car il est parfois difficile de trouver un hébergement. Et on passe beaucoup de temps à téléphoner, par avance. Je passe aussi par les mairies qui ont parfois des logements chez l’habitant à proposer. Ou bien par Booking ou Air B&B.»

Les logements sous forme de donativo (le pèlerin donne ce qu’il veut) sont en diminution, car, note-t-elle, certains marcheurs ne jouent plus le jeu, «oubliant» de payer ou n’assumant pas le nettoyage des locaux.

«Havre de paix»

«La Suisse reste chère pour les pèlerins, poursuit Marine. Mais le chemin me plaît. Car je suis motivée par ces rendez-vous avec moi-même. En marchant, je me coupe du chaos du monde. Et j’aime marcher seule. Et même si je ne suis pas croyante, je rentre dans les églises.»

Coup de tampon sur la crédenciale pour attester du passage à Lausanne | © Bernard Litzler

Cela fait trois ans, déjà, que Gilberta pratique l’accueil à St-Amédée, à la demande de l’ancien curé Joseph Ngo. Une équipe de sept bénévoles se relaie ainsi pour offrir une réception souriante. Et l’année sainte 2025 fait ressentir ses effets: le nombre de pèlerins est en augmentation. Si tous les chemins mènent à Rome, Lausanne figure comme étape pour certains marcheurs et marcheuses.

Deux des membres de l’accueil sont elles-mêmes d’anciennes marcheuses et connaissent la valeur d’un bon hébergement. Le livre d’or de St-Amédée, rempli de dédicaces, en témoigne: «Petit havre de paix», «Chaleureux et bien équipé», «Le rêve du pèlerin après des heures de marche», «Simple et efficace, tout ce que j’aime», «Un de mes préférés de tout le pèlerinage».

WhatsApp

L’organisation de l’accueil est fluide. Le secrétariat paroissial reçoit un premier message pour la réservation. Le reste se passe par échanges sur le réseau social WhatsApp pour préciser l’heure d’arrivée du marcheur. Si la personne arrive tard, une boîte avec la clé du local est mise à disposition.

Marine semble conquise. Elle va encore visiter la ville, accompagnée des conseils de Gilberta pour les transports en commun. «J’aime rencontrer les gens, confie-t-elle. Je me suis même fait des amis sur les parcours.» Elle sort son téléphone portable pour photographier son hôte d’un soir. Demain, elle visitera la cathédrale de Lausanne et y cherchera un autre tampon pour sa crédenciale. (cath.ch/bl/bh)

Depuis trente ans
A l’initiative de l’abbé Jean-François Cherpit, un premier accueil, modeste et ponctuel, se fait dans les années 1990, avec deux lits. Le curé Joseph Ngo assume ensuite la relève, mobilisant des paroissiens. Le local s’agrandit, permettant de recevoir les hôtes d’une nuit de manière plus confortable. Quelques dizaines de pèlerins sont ainsi reçus chaque année. La plupart d’entre eux marchent seuls, mais les duos, couples ou petits groupes d’amis sont également reçus. BL

Marine Pontoise a marché durant 45 jours depuis Canterbury | © Bernard Litzler
19 juin 2025 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture : env. 4  min.
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