La décision devrait être prise le 23 novembre
Suisse: 16 cantons contre 10 favorables à l’introduction de la pilule abortive RU 486
Berne/Fribourg, 17 novembre 1995 (APIC) La décision de demander aux propriétaires de la RU 486 l’enregistrement en Suisse de la pilule abortive devrait être prise à Berne le jeudi 23 novembre prochain lors de la séance plénière de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS). L’opposition se mobilise pour faire pression sur la CDS, qui devra vraisemblement faire les démarches pour l’enregistrement. Une manifestation dans la rue est prévue à Zurich mardi 21 novembre.
La Suisse pourrait ainsi être le quatrième pays – après la France, la Grande-Bretagne et la Suède – à autoriser la pilule abortive. En Allemagne et aux Etats-Unis, la RU 486 est fortement contestée et Roussel-Uclaf (dont la firme allemande Hoechst est l’actionnaire majoritaire) doit faire face à des menaces de boycott qu’elle prend très au sérieux.
En Suisse, après le revirement des cantons de Zurich et Thurgovie et la prise de position de Nidwald, les cantons favorables à l’introduction de la RU 486 sont désormais 16 contre 10 opposés. Lors de la première consultation en mai dernier, ils n’étaient que 13 contre 12 (Nidwald n’avait alors pas pris position).
La CDS n’a pas à prendre position sur la pilule abortive, elle ne peut que faire des recommandations. On laisse cependant entendre à la CDS, qu’étant donné la majorité favorable des cantons, «il y a une forte possibilité» pour que la Conférence soit chargée de transmettre la demande des cantons aux propriétaires de la RU 486. C’est Hoechst-Pharma AG à Zurich qui est censée transmettre à son tour la demande d’enregistrement auprès de Roussel- Uclaf à Paris, à qui appartient la décision.
A la recherche du «consensus social»
En 1993, la Société suisse de gynécologie et l’Association des chefs de clinique de gynécologie des hôpitaux suisses se prononçaient à une majorité claire en faveur de l’introduction de la RU 486. En septembre de la même année, le Dr. Ditmar Lubini, directeur général de Hoechst-Pharma AG à Zurich, déclarait à l’agence APIC qu’»il n’y a pas actuellement de consensus social» à ce propos en Suisse. A l’époque, aucune demande officielle n’était parvenue et rien n’avait bougé.
La distribution ne sera faite ni par Hoechst, ni par Roussel-Uclaf
Interrogé vendredi par l’APIC, Ditmar Lubini précise que la CDS devrait demander à Roussel-Uclaf à Paris de mettre à disposition le dossier d’enregistrement à déposer à l’Office intercantonal de contrôle des médicaments (OICM) à Berne, chargé de vérifier le produit. Roussel-Uclaf va tout d’abord discuter avec les Directeurs cantonaux de la santé publique pour savoir qui va prendre la responsabilité de l’enregistrement et de la distribution du produit. Certes, Roussel-Uclaf a bien l’intention de mettre à disposition la RU 486, si les autorités de santé dans leur majorité le demandent.
En effet, dans les pays où la RU 486 est disponible, la responsabilité a été prise par les autorités sanitaires. Le propriétaire de la pilule abortive est d’accord de mettre son produit à disposition d’une institution de santé capable de maîtriser des produits pharmaceutiques. Mais, précise Ditmar Lubini, «la distribution ne sera faite ni par Hoechst, ni par Roussel Uclaf». Quant aux manifestations de protestation contre l’introduction en Suisse de la RU 486, D. Lubini estime qu’elles pourraient avoir une première influence dans la mesure où la pression populaire ferait changer les cantons d’avis. D’autre part, l’opposition pourrait aussi influencer la décision de Roussel-Uclaf de mettre les dossiers à disposition d’une institution suisse de santé (éventuellement un pharmacien cantonal) pour procéder à l’enregistrement auprès de l’OICM.
Encadré
L’avortement banalisé, signe d’une mentalité contre la vie, estime l’Eglise
Concernant l’introduction de la RU 486, la position des évêques suisses a été très claire dès le départ. Le 19 août 1992, Mgr Pierre Mamie, alors président de la Conférence des évêques suisses (CES), disait dans un communiqué non à tous ceux, et d’abord aux médecins, qui demandent en Suisse que la pilule RU 486 soit autorisée, commercialisée et utilisée, «car elle cause directement la mort des innocents».
Le 7 septembre dernier, à l’issue de son assemblée d’automne, la CES rappelait que «les évêques tiennent à confirmer à nouveau qu’ils ne pourront jamais approuver l’emploi de cette pilule». En effet, «l’accord donné à l’utilisation de la RU 486, non seulement dissimulerait la problématique effective de l’avortement, mais encouragerait l’avortement».
Interrogé par l’agence APIC, le Père Roland-B. Trauffer, secrétaire de la CES, confirme «avec force et conviction» qu’à propos de la pilule abortive, il n’y a aucun doute sur l’attitude des évêques «qui n’a pas changé et ne changera pas». «Tout euphémisme dans ce contexte est cynique», souligne-t- il. A son avis, la banalisation de l’avortement que représente la RU 486 est le signe que se développe une mentalité contre la vie. (apic/be)