Derrière l’écran de l’ordinateur, l’exploitation des travailleurs
Suisse: Campagne de Carême 2007
Genève, 27 février 2007 (Apic) « Prix bas », « Ne coûte presque rien », est inscrit sur des pancartes brandies à une sortie de la gare de Cornavin. Par terre, des amoncellements d’écrans et de claviers. Sur le côté, des comédiennes en uniforme bleu représentent celles qui paient un « super prix ». En innombrables heures supplémentaires mal payées. C’est le lancement de la campagne Pain pour le prochain et Action de Carême pour le respect de la dignité humaine dans le travail.
Coordinatrice d’une ONG d’origine estudiantine fondée à Hong-Kong « contre la mauvaise conduite des entreprises », Jenny Chan est venue témoigner des lamentables conditions de travail en vigueur dans le secteur de l’électronique. Cette ONG a mené, entre décembre 2005 et octobre 2006, une centaine d’entretiens avec des ouvriers des usines d’une province méridionale de la Chine, celle de Guangdong. On y confectionne des claviers, des circuits imprimés etc. pour des multinationales de l’informatique. « Conclusion : les abus en matière de droit du travail sont largement répandus ».
Parmi ces abus, d’innombrables heures supplémentaires obligatoires et sous-payées, l’exposition à de dangereux produits chimiques, le recours à de la main-d’oeuvre enfantine, des amendes injustifiées. « Il s’agit maintenant pour nous de porter ces résultats à la connaissance des grandes marques d’ordinateurs. Elles doivent assumer leur responsabilité sociale et s’engager dans une collaboration avec les ONG pour améliorer la situation », souligne Jenny Chan.
Les deux organismes d’entraide ont commandé une étude à un institut de recherche hollandais, SOMO, qui a évalué 27 fournisseurs des grandes marques en Chine, aux Philippines et en Thaïlande. « Les 500 pages de rapports sont accablantes : elles montrent que nos ordinateurs sont produits par des ouvrières qui travaillent douze heures par jour, inhalent des substances toxiques et sont payées 50 centimes de l’heure », résume Chantal Peyer, responsable pour le politique de développement de Pain pour le prochain qui a elle-même enquêté dans le sud de la Chine.
Des marques moins mal notées que d’autres
Associée à cette démarche, la Fédération romande des consommateurs (FRC) s’est attachée à établir un classement comparatif des principales marques présentes sur le marché helvétique. Toutes les marques utilisant les services d’un nombre restreint de sous-traitants – tous les disques durs, par exemple, sont fabriqués par six entreprises – les différences sont réduites. « La responsabilité de la situation incombe donc à l’ensemble de la branche », estime ainsi Huma Khamis, collaboratrice scientifique de la FRC.
Pain pour le prochain et l’Action de Carême formulent trois revendications principales pour améliorer les conditions de travail dans les usines d’ordinateurs, déclare Charles Ridoré, le secrétaire romand de l’Action de Carême. Il s’agit d’abord pour les grandes marques de reconnaître leur responsabilité sociale sur toute la chaîne de production. Ensuite de garantir le respect des normes édictées par l’Organisation internationale du travail. Et enfin de permettre une formation des travailleurs pour qu’ils soient en mesure de faire valeur leurs droits. A noter que le code de conduite adopté par l’industrie électronique est encore loin d’être satisfaisant à cet égard. Les oeuvres d’entraide ne préconisent pas un boycott – il faudrait alors renoncer à tout achat d’ordinateur – mais invitent les consommateurs à envoyer des cartes postales aux représentants de ces marques en Suisse pour que celles-ci respectent les droits sociaux fondamentaux. Les oeuvres d’entraide ont déjà obtenu certains résultats dans un autre domaine avec leur campagne « Clean Clothes », pour des habits produits dans la dignité. (apic/mba)