De Gregoire l’Illuminateur aux ombres du génocide
Suisse: Fête des 1’700 ans de l’Eglise arménienne apostolique à Fribourg et à Genève
Astrig Tchamkerten*, pour l’APIC
Fribourg, 21 mars 2001 (APIC) L’Arménie est le premier peuple au monde à avoir adopté le christianisme comme religion d’Etat en 301. Des festivités et des colloques universitaires marquent cette fin de semaine ä Fribourg et à Genève le 1’700e anniversaire de l’Eglise arménienne apostolique qui regroupe quelque 5’000 membres. Le rayonnement du premier saint de l’Eglise arménienne, Grégoire l’Illuminateur. ne peut cependant effacer les ombres du génocide turc contre les Arméniens, qui a connu son paroxysme en 1915. Il aura fallu attendre ces derniers mois pour que la France, la Suède et le Vatican reconnaissent les atrocités ottomanes et la volonté d’exterminer le peuple arménien.
Si le Parlement européen a invité en novembre dernier Ankara à reconnaître la tragédie alors qu’en Suisse, la Commission des Affaires étrangères a transmis une pétition dans ce sens au Conseil fédéral. La Suisse n’était pourtant pas restée indifférente face à ce qui a constitué le premier génocide du XXe siècle. Dès 1896, 454’291 signatures avaient été récoltées demandant au Conseil fédéral d’intervenir auprès des grandes puissances pour mettre fin à l’extermination d’un peuple à la civilisation trois fois millénaire.
Sur quelque deux millions et demi d’Arméniens établis dans l’Empire ottoman, plus d’un million et demi ont péri dans des conditions atroces. A côté de l’aide helvétique apportée aux orphelins arméniens depuis le Liban, la fondation «Le Foyer arménien» a ouvert des écoles dans les cantons de Vaud, à Begnins, et de Genève, à Champel. Les 5’000 Arméniens résidents actuellement en Suisse sont rattachés à la paroisse de Genève-Troinex, autour de l’église St-Hago, et à la paroisse de Zurich.
Le catholicos, image vivante de l’exil du peuple arménien
Aujourd’hui, les quelque 8 millions d’Arméniens dispersés à travers le monde par le génocide turc perpétuent leur culture plusieurs fois millénaire. L’Eglise catholique a donné à ce peuple une identité nationale et l’a préservé aux heures les plus sombres de son histoire. Ses dignitaires remplissent, en plus de leur rôle de guide spirituel, celui de chefs politiques.
L’Arménie avec ses 1’800’000 catholiques ne représente même pas le tiers des 8 millions d’Arméniens dispersés sur les cinq continents. La communauté arménienne, très attachée à son Eglise, compte en effet une diaspora importante en Russie (3 millions de personne), en Amérique du Nord et du Sud (1’200’000 personnes), en ex-Urss (775’000), au Moyen-Orient (700’000), en France (400’000) et dans le reste de l’Europe (100’000). Les Arméniens sont également 60’000 en Océanie et 2’000 en Extrême-Orient.
L’Eglise apostolique arménienne comprend deux Catholicossats. Le catholicos Karekine II Nersessian, actuellement patriarche suprême de tous les Arméniens, réside à Etchmiadzin, au pied du Mont Ararat. Sont placés sous sa tutelle, les patriarcats d’Istanbul et de Jérusalem. Quant au 132e catholicos de la Grande Maison de Cilicie, Aram Ier Kéchichian, il siège à Antélias au Liban. Il est l´héritier du trône patriarcal du royaume arménien de Cilicie (v.1070 – 1375, royaume situé au sud-ouest de l’Anatolie et ouvert sur la Méditerranée). Sa juridiction s’étend sur les Arméniens du Proche et du Moyen Orient. Ce siège symbolise l’image vivante de l’exil qu’a vécu le peuple arménien au travers de son histoire. Aram Ier est aussi l’actuel président du Conseil œcuménique mondial des Eglises (COE), sis à Genève. L’Eglise arménienne comprend aussi une soixantaine d’évêques et archevêques dans la diaspora.
La montagne de l’arche de Noé
Après le démantèlement de l’Union soviétique, le peuple arménien a proclamé son indépendance en 1991 sur un pays dont le territoire de 29’000 km2 correspond à peine au dixième de son étendue historique. A l’est de l’Anatolie, entre la chaîne de la Transcaucasie et la plaine de la haute Mésopotamie d’antan, l’Arménie est un véritable carrefour entre l’Europe et l’Asie, et a toujours occupé une position stratégique très convoitée. Elle a été envahie par les Mèdes, les Perses, les Grecs, les Romains, les Arabes, les Mongols, les Turcs ou les Russes.
Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ déjà, apparaissent les premières traces du peuple arménien en Asie mineure, sur les hauts plateaux d’Ourartou dont le nom biblique n’est autre qu’Ararat. Une montagne quasi mythique dont la Genèse raconte que Noé y aurait déposé son arche après le déluge. Quoi qu’il en soit, le peuple arménien est avant tout un peuple forgé et imprégné entièrement par sa foi. Evangélisé directement par les saints apôtres Thaddée et Barthélémy, il professe une foi intitulée «apostolique» et dont les préceptes sont très fidèlement ceux enseignés par les premiers pères de l’Eglise.
Dans la tradition de l’Eglise primitive
Après avoir reconnu les trois premiers Conciles œcuméniques de Nicée en 325, Constantinople en 381 et d’Ephèse en 431, l’Eglise arménienne ne peut participer au Concile de Calcédoine en 451, occupée qu’elle était à repousser. les Perses et la religion mazdéenne. Si elle avait choisi la tutelle de Bysance, elle n’aurait jamais joué son rôle d’avant poste au sein de populations non chrétiennes, estiment les observateurs.
Au VIe siècle déjà, l’Eglise arménienne avait son code de droit Canon. Elle sera autocéphale avec à sa tête un patriarche suprême, le catholicos. Aujourd’hui, Karekine II Nersessian est le 132e catholicos à diriger l’Eglise arménienne, dont le siège se trouve à Etchmiadzine, au pied du mont Ararat, en Arménie. L’Eglise arménienne se place dans la parfaite tradition de l’Eglise primitive du point de vue du dogme, qu’elle est en pleine communion avec l’esprit de l’Evangile. Ce qui la distingue encore aujourd’hui des autres confessions est essentiellement une question d’organisation et de rites, fidèles aux célébrations des premiers temps. (apic/at/mjp)