La science défiée et le mystère réhabilité
Suisse: Journée sur les nouvelles thérapies et les cultes de guérison
Marie-José Portmann, APIC
Morges, 11 mars 2001 (APIC) Les nouvelles thérapies et les cultes de guérison ont attiré un public plutôt éclectique, composé de prêtres, de pasteurs et de personnes d’âge mûr voire âgées, samedi 11 mars à Morges. Lors de la table ronde, animée par le prêtre journaliste fribourgeois Claude Ducarroz, avec les intervenants de la journée, le Dr Jacques Diezi du CHUV, le pasteur genevois Christian Van den Heuvel et le Père français Jean Vernette, l’assistance a exprimé sa défiance face au monde scientifique, se référant à l’Evangile de façon radicale et appelant à la réhabilitation du mystère. On ui a répondu ouverture, tolérance, et «discernement entre la paille et le grain».
Approcher les nouvelles thérapies de l’intérieur, avec des critères de discernement solides, pour éviter les techniques dangereuses et la charlatanerie, tel était le projet du dicastère «Pastorale et sectes» de l’Eglise catholique vaudoise et de la Commission œcuménique d’étude des religions et des sectes (COERS) de ce canton.
Les organisateurs avaient invité le Dr Jacques Diezi, professeur au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), qui a confronté le phénomène de guérison au regard scientifique de la médecine traditionnelle, le responsable des cultes «Renouveau et Guérison», le pasteur genevois Van den Heuvel, qui a présenté le ministère d’intercession célébré au sein des paroisses réformées de Genève depuis 1955, et le responsable de la pastorale «Secte et Nouvelles croyance», en France, le Père Jean Vernette, qui a finalement emmené l’assistance dans un vaste périple à travers les nouvelles quêtes de guérison. Tout en fournissant des critères d’évaluation de ces nouvelles techniques – provenant d’Asie, dans leur grande majorité.
Des charlatans aussi zélés qu’ignorants
Directement interpellé en ouverture de la discussion sur le manque d’écoute des médecins allopathes, le Dr Jacques Diezi a réfuté le grief, prenant l’exemple des prescriptions en homéopathie qui, une fois le type du patient «cerné», dure quelques minutes à peine. Dans la multitude des pratiques de tous ordres, il existe des zones grises qui ressortissent de l’exercice illégal de la médecine, lorsqu’un «rebouteux», par exemple. fait métier de réduire les luxations et les fractures, a poursuivi le médecin. Il faut se méfier des catégories de thérapies qui ne valorisent aucune pratique médicale. Aussi zélés que tout puissants, les charlatans présentent un réel danger par leur ignorance, surtout quand ils prétendent soigner le cancer ou le sida.
Toutes les médecines alternatives ne sont pas «douces» et peuvent entraîner des dégâts irréversibles, même si elles sont soutenues par un discours non-violent, a averti le médecin pour qui l’exigence légale d’une formation médicale avant toute reconnaissance professionnelle dans les médecines parallèle est un bon garde-fou.
Tout ce qui est scientifiquement faisable se fera
Le Dr Diezi comprend que des patients mortellement atteints refusent les traitements lourds et l’acharnement thérapeutique. Il prône le recours généralisé aux soins palliatifs pour les personnes en fin de vie, s’oppose à toute forme d’euthanasie active et affirme que toute opposition aux progrès de la science est illusoire. Interrogé sur les risques de dérapages dans les thérapies géniques, le Dr Diezi estime que tout ce qui est scientifiquement faisable se fera, ici ou ailleurs».
Les malades n’ont pas besoin de la foi pour être guéris par Jésus, a lancé ensuite une participante à l’adresse du pasteur Christian Van den Heuvel. Qui ne l’a pas nié. Pour lui, les guérisons du Christ (dont le récit occupe un tiers des Evangiles!) font appel à la confiance et à la simplicité. Les personnes sauvées dans les Evangiles ont toutes perçu quelque chose de l’amour de Dieu à travers le Christ. Mais il y a autant de guérisons à l’extérieur qu’à l’intérieur de la foi chrétienne, assure le pasteur. «Les sectes rassemblent des gens convaincus d’avoir raison. Si l’on veut éviter les guerres de religion, il faut accepter de ne connaître qu’un infime fragment de la réalité, que certaines choses nous dépassent et que les «autres» empruntent d’autres voies que nous.
L’imposition des mains et l’onction: des signes retrouvés
Le ministère de Renouveau et Guérison dans l’Eglise (RGE) à Genève, né sous l’impulsion du pasteur genevois Bernard Martin, ne fait aucun lien entre cause et effet, entre appel, prière et mieux-être ou retour à la santé. A la différence de certaines médecines parallèles qui promettent monts et merveilles.
Responsable de RGE, le pasteur Van den Heuvel a été lui-même guéri à seize ans d’une polyarthrite chronique évolutive, à travers la prière d’un pasteur américain de passage. Il rappelle pourtant que la guérison n’est liée ni à un pouvoir, ni à une personne particulière. «L’onction d’huile et l’imposition des mains n’ont pas d’efficacité intrinsèque. Cette liturgie pour les malades existait dans l’Eglise primitive, avant d’être supplantée par le baptême et l’extrême onction dès le IVe siècle.
Dans la dizaine de paroisses de l’Eglise protestante du canton de Genève où ont lieu régulièrement des cultes de guérison, la communauté se solidarise de la démarche des personnes souffrant aussi bien d’une maladie, d’un mal-être, de l’exclusion, du chômage ou encore d’un deuil. Le projet de Jésus va au-delà de la guérison physique jusque dans les relations avec les autres, à travers le pardon, précise encore le pasteur genevois.
L’Esprit saint n’est pas assigné à résidence dans l’Eglise
Chercheur de Dieu «hors frontières», comme il se qualifie lui-même, le Père Jean Vernette souligne les parentés entre le phénomène de la guérison, inscrite dans l’Evangile, et l’appel des médecines asiatiques à considérer l’individu dans sa globalité et son unité. Les guides astraux, expression intérieure de la sagesse, rappellent les anges gardiens de l’Eglise catholique. Quant à la notion du monde des esprits, elle existe dans toutes les religions. Le Père Vernette rejette en revanche tout syncrétisme religieux, sorte de «copier-coller» religieux qui ne sert à rien sinon à «conforter l’ego».
Chacun doit aller jusqu’au bout de sa propre tradition spirituelle, creuser son propre puits et tous les croyants retrouveront alors la même nappe d’eau vive, cachée. «Même si l’Esprit saint a élu domicile dans l’Eglise, il n’y est pas assigné à résidence», a dit en forme de boutade le spécialiste français des sectes, qui est également exorciste officiel de l’Eglise catholique.
«Croyez-vous que l’on puisse jeter des sorts?»
«Je n’ai jamais rencontré de cas d’envoûtement ou de possession, ni quiconque qui soit capable de faire du mal à distance». Ce dont le Père Vernette est en revanche convaincu, c’est que la peur des sorts, et le trouble qui en découle, peuvent être à l’origine de phénomènes sensoriels anormaux et mettre en péril la santé psychique et physique de ceux qui en sont victimes. Le prêtre croit aussi aux mains qui font du bien, celles des guérisseurs que l’on a traités de sorciers et de sorcières dès le XVIe et XVIIe siècle. La règle de conduite lorsque l’on a un charisme, c’est la gratuité du don et sa mise au service du bien commun, a-t-il encore précisé.
Des critères de discernement dans un monde mal connu
Faire le tri entre la paille et le grain, dans le foisonnement des nouvelles thérapies qui se développent en parallèle de la médecine universitaire depuis le début des années septante, c’est distinguer celles qui rendent la personne autonome et plus vivante de celles qui cherchent à l’asservir.
Le prêtre recommande tout d’abord de vérifier sur quelle vision de l’homme se basent les nouvelles thérapies. Quelle confiance peut-on faire au soignant, sachant qu’aucune méthode d’hypnose n’est neutre? Il se peut qu’il cherche à mettre son patient sous son allégeance et qu’il profite de son don pour créer un groupe autour de sa personne. Le danger se précise lorsque la dépendance momentanée au groupe et au thérapeute se transforme en une aliénation durable et que l’ébranlement des certitudes est orchestré pour induire une fixation sur le seul thérapeute. Le Père Vernette enjoint à la plus grande prudence lorsque les éléments de thérapie sont présentés comme des nouveautés, plutôt qu’explicitement rattachées à des traditions.
Quelles que soient les méthodes adoptées, elles comptent toujours le même pourcentage d’imposteurs, estime encore le spécialiste insistant sur le devoir de vigilance de chacun, en fonction du mouvement rencontré, de ses fragilités personnelles et de sa propre histoire. Le Père Jean Vernette concède que l’on en n’est encore qu’aux balbutiements dans la connaissance et le contrôle des sectes. «Elles n’ont pas été étudiées en profondeur et l’image que l’on en a est celle, anecdotique, donnée par les procès, les morts collectives ou les scandales.» (apic/mjp)