Suisse: Le Conseil fédéral veut contrer l’initiative «contre la construction de minarets»
Message au Parlement avant l´ouverture de la session d´automne
Berne, 20 août 2008 (Apic) Le Conseil fédéral a décidé mercredi 20 août de présenter au Parlement fédéral son message visant à contrer l’initiative populaire «contre la construction de minarets». Il va le faire avant l’ouverture de la session d’automne, qui débute le 15 septembre prochain. Suite aux remous provoqués au plan international par cette initiative émanant de milieux de droite (Union démocratique du centre/UDC et Union démocratique fédérale/UDF), le Conseil fédéral tient à rassurer les pays musulmans.
L’initiative populaire «contre les minarets», lancée le 1er mai 2007 par le «Comité d’Egerkingen», a été déposée le 8 juillet dernier à la Chancellerie fédérale de Berne munie de 114’895 signatures. Le texte a abouti avec 113’540 signatures valables. La disposition prévoyant que «la construction de minarets est interdite», en cas d’acceptation par le peuple suisse, serait ajoutée à l’article 72 de la Constitution fédérale. Cet article charge la Confédération et les cantons de la responsabilité de préserver la paix religieuse en Suisse.
Pour les initiateurs, des parlementaires fédéraux de l’UDC comme le Valaisan Oskar Freysinger ou l’UDF bernois Christian Waber, «le minaret en tant que bâtiment n’a pas de caractère religieux» et n’est même pas mentionné dans le Coran et dans les autres écritures saintes de l’islam. «En fait, estiment les initiants, le minaret est le symbole d’une revendication de pouvoir politico-religieuse qui, au nom d’une dite liberté religieuse, conteste des droits fondamentaux, par exemple l’égalité de tous, aussi des deux sexes, devant la loi. Il symbolise donc une conception contraire à la Constitution et au régime légal suisse». Les initiants prétendent qu’avec leur initiative, ils vont stopper «les tentatives de milieux islamistes d’imposer en Suisse aussi un système légal fondé sur la charia», le droit islamique.
Dès le dépôt des signatures, le 8 juillet dernier, le Conseil fédéral avait fait connaître son intention d’appeler le peuple et le Parlement à rejeter l’initiative populaire. Le président de la Confédération Pascal Couchepin avait alors souligné que plusieurs membres du Conseil fédéral s’étaient déjà exprimés publiquement contre l’interdiction prônée par l’initiative. Berne, préoccupée par son image à l’étranger, a depuis longtemps réagi en mettant sur pied un groupe de travail interdépartemental et en donnant des instructions aux ambassades.
L’an dernier, la Commission «Islam» de la Conférence des évêques suisses (CES) avait exprimé sa volonté de ne pas se lancer dans une campagne contre les minarets. Mais elle appelait à ne pas faire preuve de laisser-aller dans l’organisation interne des mosquées en Suisse, en invitant toutes les personnes concernées au respect des lois et à un discernement sérieux.
La Commission relevait que beaucoup de mosquées existent sans minaret et déclarait qu’en Suisse, «la légalité et le contrôle des activités d’une mosquée sont plus importants que la pertinence ou non de la construction d’un minaret», d’autant qu’une mosquée peut abriter, en plus du lieu de prière, «bibliothèque, bureau de l’imam, cafétéria, salles d’enseignement, magasins voire boucherie». A la même période, le Groupe de travail pour la coopération interculturelle (AGIK), une émanation de l’Alliance Evangélique Suisse, estimait pour sa part que les chrétiens ne devaient pas s’engager dans des campagnes politiques contre les minarets. En contrepartie, l’AGIK disait attendre des musulmans qu’ils respectent la culture chrétienne et s’abstiennent de provocations, tout en estimant que cette discussion était une chance pour les chrétiens. (apic/com/be)