Netanyahou, fonds en déshérence et outrances contre la Suisse
Suisse: Les dons aux organisations juives sont en chute libre
Zurich/Jérusalem, 28 septembre 1998 (APIC) Les organisations juives en Suisse récoltent annuellement plusieurs millions de francs à destination d’Israël. Mais pour certaines d’entre elles, les rentrées sont en chute libre. 4000 donateurs suisses du Fonds National Juif ont fait défection l’an dernier et les dons ont reculé de moitié. Le résultat de 1998 ne s’annonce pas meilleur. Les outrances des organisations juives américaines dans le dossier des fonds en déshérence et le blocage du processus de paix israélo-palestinien ont détourné nombre de Suisses qui soutenaient Israël.
Plus d’une centaine d’organisations juives font appel à la générosité du public suisse. L’Agence juive pour Israël en Suisse (Keren Hayessod – KH), est la plus importante. Elle annonce actuellement près de 7 millions de francs de rentrées. Comme elle, le Fonds National Juif KKL (Keren Kayemeth Leisraël) ou la Wizo ont enregistré des baisses notables. La KH récoltait naguère quelque 10 millions de francs par an dans le but de faciliter l’émigration juive en Israël et l’intégration sur place des nouveaux immigrants.
Par tête d’habitant, la population suisse fait partie des plus généreux donateurs en faveur d’Israël. Pour combien de temps encore ? A Zurich, René Braginski, ex-président de l’Agence juive en Suisse, confirme ce recul généralisé. Une tendance appelée à durer.
Interrogé par l’APIC, l’ancien président de la KH n’exclut pas qu’il s’agisse là des effets désastreux de la polémique sur les fonds juifs et des conséquences de la mauvaise image du gouvernement Netanyahou suite à la paralysie du processus de paix. Comme partout ailleurs les quelque 18’000 juifs de Suisse sont eux-mêmes divisés à ce sujet. Les responsables de la KH, à l’instar de son actuel président, Paul Wyler, estiment que les déclarations d’Edgar M. Bronfmann, président du Congrès juif mondial, ou d’Avraham Burg, chef de l’Agence juive, ont eu des conséquences négatives. R. Braginski considère cependant que la chute des cours de la bourse a encore davantage d’influence sur les rentrées de la KH, qui compte proportionnellement moins de petits donateurs que le KKL.
Réorientation de l’aide
De l’avis de R. Braginski, il y a tout simplement trop d’organisations récoltant des fonds pour toutes sortes de projets. «Je ne suis pas du tout persuadé que les dons destinés à aider des juifs ont dans l’ensemble reculé, mais ils prennent moins qu’auparavant la destination d’Israël: certains préfèrent aider directement une communauté juive en Europe de l’Est ou une école juive en Suisse.» Les donateurs aident toujours Israël, mais souhaitent davantage soutenir des projets ciblés (écoles, hôpitaux, projets sociaux, centres de recherche, etc.)
Il faut par ailleurs reconnaître que la diaspora juive à l’étranger se sent moins concernée par Israël. L’Etat hébreu n’apparaît plus comme la nation désarmée à la merci de puissants ennemis et le pays en voie de développement qu’il était il y a 50 ans.
Arthur Plotke, président du Fonds National Juif KKL, admet que son organisation a perdu 40 à 50% de ses recettes provenant de dons. Il ne veut cependant pas en dire plus: «Nous ne publions jamais des chiffre, parce que nous n’y sommes pas obligés». Le recul est général dans toute la Suisse, mais un peu plus marqué en Suisse alémanique. Tout comme les responsables de l’Agence juive, le président du KKL – une organisation sioniste fondée à Bâle en 1901 dans le but d’acquérir des terres en Palestine et qui allait fournir la base foncière du nouvel Etat d’Israël – souligne que son organisation est «apolitique». Il reconnaît lui aussi que le retard dans le processus de paix rejaillit négativement sur les organisations juives, de même que le débat sur le rôle des banques suisses durant la dernière guerre mondiale.
En Israël, le Fonds National Juif accusé d’être l’instrument de colons extrémistes
En Suisse, le KKL présente ses magnifiques réalisations dans des publications au look léché: Forêts suisses de Tibériade et du Carmel, Parc suisse d’Eilat, projet sur le site biblique de Sataf, près d’Aïn Karem, plantations de forêts et reboisement, lutte contre la désertification et autres projets écologiques utiles… L’image de marque est excellente. La réalité palestinienne passée et présente n’est pas même effleurée dans ces brochures.
En Israël pourtant, l’image du KKL est écornée, les milieux de défense des droits de l’homme et le mouvement pacifiste «La Paix Maintenant» accusent la vénérable institution d’être devenue un instrument entre les mains de colons juifs extrémistes. Dirigé par Shlomo Gravetz – son nouveau président mondial, un activiste de longue date du parti de droite Likoud – l’organisation est le plus grand propriétaire foncier d’Israël. Le KKL, dont le budget annuel dépasse 200 millions de dollars, déclare avoir acheté quelque 650’000 hectares de terrains pour l’agriculture et les habitations, exclusivement réservés à la population juive.
Le quotidien israélien «The Jerusalem Post», sous la plume de Larry Derfner, décrit en août dernier l’appui donné par le KKL à l’organisation nationaliste ELAD. Ses militants cherchent par tous les moyens à évincer une famille arabe de 28 personnes, les Gozlan, qui ont construit leur maison il y a 32 ans dans le village de Siloé (Silwan). Cette localité arabe se trouve juste de l’autre côté des murailles de la vieille ville de Jérusalem, annexée illégalement par Israël après la Guerre des Six Jours en 1967. (voir encadré)
«Le KKL, qui possède environ 20% des terres d’Israël, est une organisation tout à fait neutre. Elle s’occupe surtout de reforestation, conteste Arthur Plotke. Nous avons planté plus de 200 millions d’arbres en Israël. Nous créons des réservoirs d’eau pour lutter contre la désertification; nous faisons des recherches sur l’écologie, nous préparons des terrains pour les immigrants juifs, nous créons des places de pique-nique, des places de jeux, accessibles à tout le monde. Nous n’avons pas de projets dans les territoires occupés». En Suisse, les responsables du KKL insistent sur le fait qu’ils ne font pas de politique et qu’ils ignorent tout du conflit de Silwan. (apic/be)