Suisse: Une première: Publication d’un «Manuel sur la pauvreté»
Réseau Caritas : 202,1 millions pour la pauvreté en Suisse
Par Valérie Bory, Apic
Lausanne, 7 mai 2007 (Apic) Une étude sociale sur la pauvreté en Suisse sort de presse. Edité en langue française par les Editions Caritas, Lucerne, un «Manuel sur la pauvreté en Suisse» a été présenté par les directeurs des Caritas romandes à Lausanne le 7 mai. Il n’y a plus de pauvreté absolue en Suisse. Chacun a un toit. Mais l’oeuvre d’entraide recense tout de même 1 million de pauvres, enfants compris.
Combien de pauvres en Suisse? Qu’est-ce qu’un «pauvre»? Approches socioculturelle, économique, filet juridique, la pauvreté dans l’UE. Bref, tout ce qu’on a envie de savoir sur le sujet est contenu dans les 224 pages de cet ouvrage de Caritas, très bien conçu typographiquement. Présenté à la presse 7 mai, il s’adresse aux travailleurs sociaux, aux politiques et à quiconque a besoin d’informations sur le système social suisse et ses bénéficiaires. Comblant une lacune, «il n’est pas destiné aux pauvres en priorité», lance Jean-Noël Maillard président des Caritas romandes. Dans le cadre de cette parution, les 6 responsables des Caritas présents ont également dressé un bref portrait de leurs activités cantonales.
D’emblée l’étude soulève la question de l’estimation statistique des pauvres en Suisse. Combien y en-a-t-il? Le chiffre avancé par Caritas, 1 million, ont déjà été contestés par la droite politique lors du lancement de l’étude en allemand. Cela paraît beaucoup. Mais tout dépend des critères utilisés pour mesurer la pauvreté. Ainsi, l’Office fédéral de la statistique (OFS), ayant changé certains paramètres en avril 2007, passant de 1 million à quelque 800’000 pauvres, Caritas s’en tient au premier chiffre. En outre l’oeuvre d’entraide comptabilise aussi les enfants, alors que l’OFS prend en compte seulement les personnes en âge de travailler. Selon les statistiques des bénéficiaires de l’aide sociale ce serait moins de 300’000 pauvres qui sont recensés dans notre pays. Les auteurs de l’étude, Christin Kehrli et Carlo Knöpfel, collaborateurs scientifiques de Caritas Suisse, affirment que près de la moitié des personnes qui pourraient bénéficier d’une aide ne font pas appel aux services de l’Etat.
Comment devient-on pauvre en Suisse? A cause d’un bas niveau de formation, d’un endettement, divorce (un risque qui touche 45% des couples en Suisse), chômage de longue durée, de la maladie, d’un bas salaire. Mais aussi. et cela est choquant, si l’on est une jeune famille avec plusieurs enfants. Nouveaux phénomènes, les jeunes ont de plus en plus besoin d’assistance et les étrangers sont surreprésentés dans la pauvreté.
Tour de Romandie de l’évolution de la pauvreté
Mais Caritas met le doigt sur une autre forme de pauvreté que celle qui relève du budget. Pour Jean-Noël Maillard, directeur de Caritas Jura et président de la Conférence des Caritas romandes, «dans notre région, nous avons le sentiment que la précarité de l’emploi, la pauvreté relationnelle, physique et psychologique sont ressenties encore plus douloureusement que la seule pauvreté financière». Une région où le taux d’aide sociale publique est inférieure à la moyenne nationale, relève-t-il.
Et à Genève, chaque mois ce sont 500 nouvelles personnes en détresse financière mais aussi humaine que Caritas reçoit. Soit davantage que la structure publique d’aide sociale. Beaucoup de personnes se situent à la limite des barèmes de l’aide sociale, comme dans beaucoup de cantons, note le directeur de Caritas Genève, qui a distribué plus d’un million de francs l’an dernier pour ces personnes.
A Caritas Fribourg, on constate aussi une augmentation des difficultés financières touchant différentes catégories. Dans un canton plus rural, comme le Valais, les personnes précarisées viennent plus volontiers à Caritas car cela leur semble plus discret que les services publics. Là aussi les demandes sont croissantes, note Alexandre Antonin.
Caritas Vaud tente entre autres, de son côté, d’aider près de 2’000 jeunes de 18-22 ans à quitter l’aide sociale en décrochant une place d’apprentissage ou un travail. Son service de désendettement ests également très actif, note Pierre-Alailn Praz son directeur. Dans le canton de Neuchâtel, pour le directeur de Caritas, Hubert Péquignot, l’importance d’un service d’entraide privé amortit le choc par rapport à des processus politiques de restrictions des aides. Une organisation d’entraide fonctionne alors comme «lobby des plus faibles».
Le seuil de pauvreté
Le seuil de pauvreté est fonction des critères qu’on y met. Ainsi, les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) définissent la pauvreté à 2200 francs. L’Apic a demandé au directeur des Caritas régionales, Jean-Noël Maillard, ses commentaires sur l’arrivée au pouvoir du nouveau Président français Nicolas Sarkozy, qui met l’accent sur l’économie privée et sur le travail. «Dans un passé proche, répond-il, on avait tendance à dire qu’il n’y a pas que le travail dans la vie, bien qu’on table toujours sur ce dernier quand il est question de réinsertion. Mais revenir à l’idée de travail comme valeur fondamentale, cela pose des questions sur le type d’emploi que vont trouver les personnes qui n’ont pas le profil adapté aux besoins de la société économique.» Que feront les exclus ou les working poors? «Ces gens veulent du travail. Quelle réponse le néo libéralisme va-t-il leur donner»?, s’interroge Jean-Noël Maillard. VB
Quelques données générales sur la pauvreté «Swiss made»
Il n’y a plus de pauvreté absolue en Suisse, constate Caritas. Personne ne souffre de la faim et chacun a accès à un toit et des soins médicaux de base. Les statistiques sont lacunaires. La statistique de l’aide sociale est parue pour la première fois en 2006, rappelle l’oeuvre d’entraide. Pour qui «chacun peut tomber dans la pauvreté». Même «avoir des enfants est un risque, de nos jours», affirme Christine Kehrli, co-auteure du livre.
Le filet de la sécurité sociale comporte des trous. La sécurité sociale va donc de plus en plus vers des organisations privées comme Caritas, le Centre social protestant, etc. Les auteurs rappellent qu’»il n’y a pas (encore) d’assurance sociale pour les chômeurs de longue durée».
Pour la majeure partie des gens concernés, la pauvreté est un état passager qui survient souvent lors de phases de transitions dans la vie. Mais pour une petite frange, l’adage Né pauvre, mort pauvre se vérifie. Le dernier chapitre de l’ouvrage s’attaque à la lutte contre la pauvreté et défend des politiques, comme par exemple un changement dans le système fiscal, en particulier pour les revenus minimum. VB
La consultation sociale – Le Réseau Caritas
Les Caritas régionales ont traité près de 8’000 dossiers en 2006. Autant d’hommes que de femmes sollicitent des aides. Les étrangers constituent près de la moitié des personnes qui consultent les services du Réseau Caritas en Suisse. Parmi la situation des personnes qui demandent une aide à Caritas, on trouve les bénéficiaires de l’aide sociale, les chômeurs, les migrants, les working poors, les familles monoparentales et les familles pauvres. Les services vont des conseils aux prestations financières en passant par des consultations juridiques, conjugales, l’accompagnement en fin de vie, etc. Le Réseau suisse Caritas offre 150 projets pour 150’000 personnes, emploie 771 collaborateurs et plus de 2’000 bénévoles rien qu’en Suisse romande. En 2006 les Caritas régionales ont dépensé 87,74 millions de francs pour leur engagement social. Le Réseau Caritas au niveau Suisse a consacré 201,12 millions à la lutte contre la pauvreté en Suisse.
Caritas Fribourg
La nouvelle directrice Petra Del Curto relève que Caritas Fribourg est le seul service dans le canton spécialisé dans la gestion du désendettement des personnes privées. De par la LASOC (Loi sur l’aide sociale cantonale), le service Caritas de désendettement est reconnu comme service officiel et financé par le canton, et cela depuis janvier 2007. 52% de la clientèle qui n’arrive plus à faire face à ses dettes met en cause la difficulté de gérer un budget et l’influence de la société de consommation. Le petit crédit touche surtout les jeunes. Les causes sont également liées aux séparations (26% des dossiers), à la maladie, à des difficultés professionnelles et familiales. Le revenu moyen par ménage endetté est de 4’912 francs pour des dettes de 55’500 francs. VB
(apic/vb)