«Sur le P. Marie-Dominique Philippe, il faut regarder le réel en face»

France : Le fondateur de la Communauté St-Jean n’a pas été fidèle à son vœu de chasteté

Saint-Jodard, 15 mai 2013 (Apic) Le Père Marie-Dominique Philippe fondateur de la communauté St-Jean, décédé en 2006, a manqué à son vœu de chasteté à l’égard de plusieurs femmes adultes qu’il accompagnait, rapporte le 14 mai 2013 le journal La Croix . L’aveu de la part d’ombre de leur fondateur, a été fait par le Père Thomas Joachim, prieur général de la communauté, à l’occasion du chapitre général tenu du 9 au 29 avril à St-Jodard, dans la Loire.

La révélation de ces zones d’ombre dans la vie du Père Philippe jette un voile sur la personnalité d’un homme vénéré par beaucoup de ses disciples et qui semblait promis à la béatification. Le Père Thomas s’en explique dans une interview au quotidien français. Selon le porte-parole de la communauté, le Frère Renaud-Marie, les cas se comptent entre cinq et dix, sans «union sexuelle» consommée. Ils n’ont pas donné lieu à des poursuites de nature judiciaire.

Depuis son élection comme prieur général en 2010, le Père Thomas a eu accès à un certain nombre de témoignages concernant les comportements déplacés du Père Philippe. «J’ai senti que la communauté était mûre pour regarder en face les choses, sans les édulcorer, sans se cacher les zones d’ombre de notre fondateur, tout en reconnaissant aussi tout ce qu’il nous a apporté.» Selon lui, les faits reprochés au Père Philippe ne semblent pas avoir été connus des responsables de son vivant.

Regarder les problèmes en face

Le Père Thomas explique aussi avoir été conforté dans sa volonté de clarté par une parole du pape Fançois du 13 avril : «N’ayez pas peur du réel, ne cherchez jamais à maquiller la vie, ce n’est pas comme cela qu’on résout les problèmes, il faut les regarder en face pour les résoudre.»

Depuis trois ans, le Père Thomas a senti un mûrissement de la communauté. Durant les chapitres régionaux dans le monde entier, il a sondé les frères. La majorité reconnaissait que le Père Philippe était par bien des aspects un homme étonnant qui les a conduits au Christ, mais en même temps avec ses limites.

Le Père Philippe n’est pas un Marcial Maciel

Le prieur de la communauté St-Jean rejette cependant vivement toute comparaison avec Père Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ (père de plusieurs enfants illégitimes, coupable d’abus sexuels sur des adultes et des mineurs et consommateur régulier de drogues ndlr).

La communauté St-Jean a aussi souffert au cours des dernières années de plusieurs cas de religieux coupables d’abus sexuels sur mineurs. Le Père Thomas indique que depuis une dizaine d’années, un plus grand discernement a été mis en place à l’entrée, dans la formation des jeunes frères et dans l’appel aux ordres.

Pour expliquer les dérives du fondateur, le religieux revient aussi sur l’aspect psychologique de la question. «La plupart des fondateurs ont des tempéraments de leaders charismatiques. Et le leader charismatique est quelqu’un qui crée toujours une communauté émotionnelle autour de lui. Psychologiquement, je pense qu’il doit être très dur d’avoir une telle aura, qui avive les failles que nous portons tous.»

En conclusion le Prieur se dit prêt à une demande de pardon. «Si des personnes se reconnaissent blessées, qu’elles sachent que nous les prenons en compte et allons les aider, si nous le pouvons.»

Le Père Marie-Dominique Philippe

Né le 8 septembre 1912 à Cysoing (Nord), et décédé le 26 août 2006 à St-Jodard, le Père Philippe est le huitième d’une famille de douze enfants qui a donné à l’Eglise trois dominicains et quatre moniales contemplatives. Philosophe métaphysicien, fondateur en 1975 de la Communauté Saint-Jean (dits les «petits gris»), le Père Marie-Dominique Philippe a été professeur à l’Université de Fribourg pendant quatre décennies, de 1945 à 1982. Le religieux était aussi très connu par les retraites prêchées dans le monde entier ainsi que par ses nombreux livres de philosophie et de théologie.

De son vivant déjà, le Père Philippe se voyait reprocher de recruter sans discernement, de créer un lien trop affectif envers sa personne et d’être trop traditionaliste. On a critiqué aussi sa volonté de se maintenir à la tête de la communauté jusqu’en 2001 à l’âge de 89 ans.

(apic/cx/mp)

15 mai 2013 | 09:55
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
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