Synode: comment les amendements ont modifié la synthèse finale (1/2)

Le rapport de synthèse voté à Rome dans la soirée du 28 octobre 2023 par les membres du Synode sur l’avenir de l’Église est le fruit d’intenses discussions qui ont eu lieu dans les derniers jours de la session d’octobre. La première version présentée le 25 octobre aux membres de l’assemblée a fait l’objet de 1’251 amendements. L’agence I.MEDIA, qui s’est procuré le brouillon du rapport de synthèse, revient sur les changements les plus significatifs.
Décisif pour la suite du Synode sur la synodalité, ce rapport doit servir de guide jusqu’à la session finale qui se tiendra à Rome en octobre 2024. D’ici là, les diocèses du monde entier doivent s’en emparer et faire remonter à Rome leurs impressions, répondant ainsi au vœu des organisateurs du Synode de poursuivre ce va-et-vient initié en 2021 entre le local et l’universel, pour prendre en compte les aspirations de tout le «peuple de Dieu».
«Le retrait du terme LGBTQ+ est significatif»
Long d’une quarantaine de pages, le rapport a été préparé durant le Synode par des experts sous le pilotage de deux secrétaires spéciaux. Une commission composée de 13 membres du Synode, dont le cardinal français Jean-Marc Aveline, était en charge de superviser sa réalisation. Le brouillon de ce texte, qui devait condenser les réflexions soulevées durant le mois de travail, a été présenté le mercredi 25 octobre à tous les membres de l’assemblée. En tout, 1251 amendements ont été déposés pour le modifier: 1.125 demandes de modifications collectives, venues des groupes linguistiques et 126 demandes individuelles. Selon les informations d’I.MEDIA, les demandes collectives ont naturellement été davantage prises en compte alors que certaines demandes individuelles n’ont pas eu d’échos dans le texte définitif.
La version finale du rapport présente des modifications importantes. Entre contournements et reformulations, les variations expriment les tensions inhérentes aux travaux, notamment sur les questions de sexualité, les ministères des laïcs et en particulier des femmes, ou encore la conception du partage des responsabilités.
Les questions sexuelles ne font pas l’unanimité
L’une des différences les plus notables entre les deux textes est la disparition des mentions de «divorcés en deuxième union » et de « personnes qui s’identifient comme LGBTQ+». Elles ont été remplacées par une proposition plus générale parlant des «personnes qui se sentent marginalisées ou exclues […] à cause de leur situation matrimoniale, identité et sexualité».
«Même en Occident, la question de la pastorale des personnes homosexuelles fait débat»
Le retrait du terme LGBTQ+ est significatif puisqu’en plus d’être présent dans le brouillon, il faisait déjà partie de l’Instrument de travail du Synode, ce document public sur lequel ont travaillé les membres du Synode. Les questions liées à l’accompagnement des personnes homosexuelles sont très sensibles dans l’Église. Les catholiques allemands, par exemple, ont récemment officiellement exprimé leur souhait de revoir l’enseignement de l’Église à ce sujet et d’autoriser les prêtres à bénir les couples homosexuels. Une position réformiste que ne partagent pas d’autres régions du monde, comme l’Afrique ou le Moyen-Orient notamment.
Crispation africaine
La disparition du terme «LGBTQ+» et de toute mention de l’homosexualité témoigne d’une crispation d’un nombre non négligeable de membres de l’assemblée. Durant le Synode, «l’Afrique a fait entendre sa voix, mais pas seulement, c’est aussi le fait de l’Europe et des États-Unis», confie un évêque. «La voix de certains Africains a pu porter, mais il faut nuancer. Même en Occident, la question de la pastorale des personnes homosexuelles fait débat et les épiscopats sont divisés», abonde un observateur.
Il relève par ailleurs que le pape a donné une clé de lecture, avec une distinction entre les «personnes» homosexuelles, qui sont des «enfants de Dieu», et les «groupes» qui défendent les homosexuels. «Les lobbys, c’est autre chose», avait affirmé le pape, lors de son voyage au Soudan du Sud en février dernier.
«Le terme ‘LGBTQ+’ peut évoquer pour certains ces groupes de pression. Sans doute que, dans la salle, des membres ont ressenti cette pression», ajoute l’observateur.
Entendre les personnes en «situations irrégulières»
Un autre élément manifeste la volonté qu’a eue l’assemblée de pas renier l’actuel enseignement de l’Église sur certaines questions délicates. Les membres ont ainsi ajouté un paragraphe dédié aux personnes qui vivent une «solitude» en ayant fait le choix de «fidélité à la tradition et au magistère de l’Église en matière matrimoniale et d’éthique sexuelle». Cette mention, qui n’était pas présente dans la première version, est une façon d’encourager notamment les personnes divorcées qui font le choix de ne pas vivre une nouvelle union, ou bien les personnes homosexuelles qui vivent dans la continence.
«On dénonce la condition des consacrées ‘trop souvent considérées comme de la main-d’œuvre à bas prix’»
En revanche, sur les questions «doctrinales, pastorales et éthiques» qui sont «controversées», le document final a ajouté la possibilité de recourir à «la voix des personnes directement touchées par les controverses» pour les affronter. À rebours des atténuations précédentes, on peut voir ici la volonté d’ouvrir la porte pour mieux entendre les personnes vivant dans des situations jugées irrégulières par l’Église.
Les voix des femmes résolument plus actives
En termes de nouveautés, la version finale est plus incisive sur le besoin de valoriser la femme dans l’Église catholique. Le texte a été énormément retravaillé. Ainsi, elles apparaissent davantage protagonistes et incluses que dans la première version qui faisait état de leurs «besoins», un mot supprimé. Dans le nouveau texte, c’est l’assemblée – et non plus seulement les femmes à part – qui demande pour les femmes qu’elles «dialoguent» avec les hommes pour être «ensemble protagonistes, sans subordination, exclusion, ni compétition».
Les propositions réservées aux femmes sont un peu plus ambitieuses que dans la première version. On plaide ainsi pour qu’elles assument des «rôles de responsabilité», sans les conditionner à un précautionneux «où cela est possible». Dans un ajout très concret, le Synode demande de voir dès l’assemblée de 2024 les résultats d’une étude sur l’accès au diaconat pour les femmes que le pape avait commandée mais dont les résultats sont restés secrets.
«Le ‘langage inclusif’ souhaité dans les textes liturgiques et les documents de l’Église a été corrigé»
Encore en termes de nouveautés, on dénonce la condition des consacrées «trop souvent considérées comme de la main-d’œuvre à bas prix». Et on souhaite des femmes juges dans tous les procès canoniques, ou bien que «l’apport féminin» soit valorisé dans la formation des prêtres.
Prêtrise des femmes au conditionnel
En revanche, un paragraphe visiblement contesté a disparu, où il était fait mention de «points de vue différents sur la façon dont […] la différence sexuelle doit façonner l’ecclésiologie et l’approche aux ministères». L’ouverture vers de «nouveaux ministères» pour les femmes est tournée au conditionnel, dans une formule plus prudente que la première version.
En outre, le «langage inclusif» souhaité dans les textes liturgiques et les documents de l’Église a été corrigé pour devenir «un langage qui tienne compte de façon égale des hommes et des femmes». Pour rappel, des paragraphes sur la place et le rôle des femmes dans l’Église ont été les plus débattus. Près de 20% des membres (69 sur 277) se sont par exemple opposés à l’article mentionnant des «positions diverses concernant l’accès des femmes au ministère diaconal».
«Durant le Synode, des hommes ont pris la parole, des cardinaux par exemple, pour parler de la valeur de la femme dans l’Église», témoigne un observateur. «La place de la femme me semble en effet être le thème qui a suscité le plus d’échanges pendant les discussions de préparation du document», confirme un évêque ayant participé aux discussions. (cath.ch/imedia/hl/ak/rz)
La première version du rapport de synthèse du Synode, présentée le 25 octobre aux membres de l’assemblée a fait l’objet de 1'251 amendements. L’agence I.MEDIA, qui s’est procuré le brouillon du rapport de synthèse, revient sur les changements les plus significatifs.