Syrie: Visite du pape Jean Paul II à Al-Quneitra, ville du Golan détruite par les Israéliens
Le pape «attristé» par la mort d’un bébé à Gaza
De notre envoyée spéciale à Damas Sophie de Ravinel
Damas, 7 mai 2001 (APIC) Visitant lundi la «ville fantôme» d’Al-Quneitra, ancien chef-lieu du plateau du Golan, Jean Paul II s’est dit «attristé» à l’annonce de la mort d’un bébé palestinien de 4 mois qui a péri lundi matin dans un bombardement israélien visant le camp de réfugiés de Khan Younès, à Gaza. Le pape a prié pour la paix «en Terre Sainte et dans le monde» dans l’édifice abandonné de l’église grecque-orthodoxe de St-Georges, à Quneitra.
«Comme vous le savez, des tristes nouvelles du conflit nous arrivent aujourd’hui de Gaza, notre prière se fait encore plus intense», a lancé Jean Paul II, qui a rajouté au dernier moment cette phrase dans la prière récitée le 7 mai lors d’une visite hautement symbolique à Quneitra, à 65km au sud de Damas. Cette ville en ruines, véritable «mémorial» que les Syriens font systématiquement visiter à leurs hôtes étrangers, a été conquise sur la Syrie lors de la Guerre des Six Jours en 1967. Une résolution de l’ONU condamne la «destruction massive et délibérée» de Quneitra perpétrée durant l’occupation et juste avant le retrait de l’armée israélienne en 1974.
«Bienvenue en Syrie, bienvenue à Quneitra, nous voulons la paix et nous sommes tous frères sur cette terre!», scandaient un bon millier de Syriens lors de l’arrivée du pape dans la ville en ruines située sur les hauteurs du Golan, en limite de la ligne de cessez-le-feu syro-israélienne, en bordure de la partie du plateau occupée et illégalement annexée par Israël.
Appel du pape à la paix et à la compassion
Dans cette «ville témoin», théâtre de violents combats israélo-syriens avant d’être systématiquement rasée, le pape a récité une prière pour la paix, écrite pour cette occasion. Jean Paul II a ainsi prié «pour les responsables civiles de cette région afin qu’ils s’efforcent de satisfaire les aspirations légitimes de leurs peuples», mais aussi «pour les hommes et les femmes qui habitent le pays où Jésus a vécu, afin qu’ils aient du respect et de la compassion pour les autres, en particulier pour ceux qui sont différents d’eux».
Sur les abords de la route qui mène de Damas à Quneitra – de plus en plus verte au fur et à mesure de la descente vers le sud – des forces de l’ordre escortent le cortège de Jean Paul II et des autorités religieuses et politiques. Des centaines d’enfants des écoles, en uniformes de type militaire, acclament le pape avec force drapeaux de la Syrie et du Vatican. Cette visite très préparée représente un enjeux de première importance pour le gouvernement.
De nombreux documents en anglais, en arabe ou en français sont distribués aux étrangers pour expliquer les relations entre Israël, qualifié d’»oppresseur perfide» et la Syrie, «pays de la fraternité, de l’amour et de la justice».
«Nous allons pouvoir récupérer nos terres»
«C’est sûr, affirment en chœur les jeunes Yasra, Nour et Amani, le pape va condamner les juifs et nous allons enfin pouvoir récupérer nos terres». Sœur Amira, religieuse syrienne et missionnaire du Bon Pasteur à Damas, explique: «la plupart des participants sont des familles habitant Quneitra avant 1967; contraintes de fuir vers Damas, elles s’entassent dans des quartiers pauvres alors que leurs terres étaient si riches ici». «Je suis venue, dit-elle, non pas parce que la ville était à majorité chrétienne, mais pour être solidaire de la population».
Sœur Amira ne veut pas faire de politique
Sœur Amira nous confie ne «pas vouloir faire de politique», ce qui l’intéresse, «ce sont uniquement les personnes». «Les relations entre les chrétiens et les musulmans sont très bonnes ici depuis 20 ans, a-t-elle conclu, l’adversité nous unit». Dans le dos de la foule, sur la montagne Ali qui fait partie des collines du Golan un imposant poste militaire israélien observe très certainement de près le rassemblement.
Les premières voitures officielles arrivent à proximité de l’église grecque-orthodoxe de Saint-Georges, où Jean Paul II récite sa prière pour la paix. Puis il bénit un petit olivier qui sera planté dans «le jardin de l’amitié», qui contient des oliviers plantés par toutes les personnalités venues découvrir ces ruines.
«Dans ce lieu si défiguré par la guerre, je désire que, de mon cœur et par ma voix, monte une prière pour la paix en Terre Sainte et dans le monde», la première phrase de sa prière a été immédiatement traduite en arabe. La foule en silence, bousculée par un vent violent qui forme des nuages de poussière, monte sur des parpaings et des murs écroulés pour mieux apercevoir le pape. Il est entouré, comme dans chaque étape de ses visites, des trois patriarches qui ont leur siège à Damas, ainsi que d’importantes autorités, politiques et religieuses.
«Nous te prions pour les peuples du Moyen-Orient, aide-les à abattre les murs d’hostilité et de division», poursuit le pape devant l’église, l’un des seuls monuments encore debout mais dont les fenêtres sont béantes. Jean Paul II prie encore pour «les dirigeants de cette noble terre de Syrie», afin que Dieu «leur accorde sagesse, clairvoyance et persévérance». Il prie ensuite pour que les chrétiens «portent le témoignage de la paix qui surpasse toute intelligence et de la lumière qui l’emporte sur l’obscurité de l’hostilité, du péché et de la mort».
Jean Paul II a encore tenu à exprimer sa gratitude à la Force internationale de l’ONU stationnée sur le Golan. «Votre présence est un signe de la détermination de la communauté internationale à apporter son aide pour hâter le jour de l’harmonie entre les peuples, les cultures et les religions de cette région». L’aumônier militaire du contingent autrichien des Casques Bleus, en uniforme et un béret bleu sur la tête, mais avec une étole, remercie alors le pape au nom de la force de l’ONU présente à la cérémonie. (apic/imedia/kna/bbc/sdr/be)