Toulouse: La nomination d’un prêtre condamné pour viol crée la polémique
Mgr Guy de Kérimel a nommé, en juin 2025, chancelier, et délégué épiscopal du diocèse de Toulouse aux mariages, un prêtre condamné en 2006 à cinq ans de prison, dont un de sursis, pour viol sur mineur commis en 1993. Source de vives polémiques, cette affaire pose la question de la réintégration de prêtres condamnés par la justice pour des abus sexuels sur mineurs.
Pour les associations de victimes, voir un prêtre condamné pour abus sexuels sur mineurs obtenir une ‘promotion’ au sein de l’équipe de direction du diocèse de Toulouse, au mois de juin, en tant que chancelier est inconcevable. Même si les faits remontent à trente ans et que le coupable a purgé sa peine, il ne devrait pas se voir confier une telle charge.
Un prêtre condamné pour viol peut-il occuper un emploi administratif qui exige, selon le droit canon, que le titulaire soit «de réputation intègre et au-dessus de tout soupçon»? À mon avis, non, estime, entre autres, l’ancien directeur de l’hebdomadaire La Vie, Jean-Pierre Denis. D’autres responsables d’associations de victimes dénoncent «un déni et une provocation».
Mgr de Kérimel joue la miséricorde
«Considérant que nous n’avons rien à reprocher à ce prêtre depuis ces trente dernières années pour faits susceptibles de faire l’objet de poursuites judiciaires, canoniques ou civiles, j’ai donc choisi de le nommer dans cette fonction administrative», a expliqué de son côté, l’archevêque de Toulouse. Mgr Guy de Kérimel dit avoir «pris le parti de la miséricorde». Depuis 2020, le prêtre exerçait déjà des fonctions d’archiviste et de vice-chancelier.
Des négligences coupables
Au moment des faits, pendant et après le procès, les responsables ecclésiaux de l’époque, ont commis des négligences coupables, soit en ignorant les alertes soit en minimisant les faits. Mais en toute justice, les manquements de l’époque ne sauraient interférer dans les décisions actuelles.
Une fois la peine prononcée et confirmée en appel, le prêtre a suivi le parcours ‘normal’ pour un condamné avec une libération conditionnelle au bout d’un certain temps. Il n’a pas été renvoyé de l’état clérical et avait pu rejoindre le diocèse de Pau avant d’être transféré dans celui de Toulouse.
La réintégration des coupables
Au-delà de ce cas particulier, se pose la question de la réintégration de prêtres condamnés pour des abus sexuels sur mineurs. Pour l’heure aucun diocèse n’a trouvé de solution satisfaisante, expliquait en octobre 2024 à cath.ch Mari Carmen Avila, déléguée à la prévention pour le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF).
«En droit pénal, lorsqu’une personne a été condamnée et a accompli sa peine, elle réintègre la société. Dans l’Église, nous sommes moins favorables à réintégrer un prêtre qui a commis un abus, même s’il a fait un chemin de demande de pardon, de pénitence et s’engage pour le futur à ne plus avoir de comportements inappropriés. Je crains la tentation de devenir une Église de parfaits où le péché et surtout la rédemption n’ont plus leur place. J’appartiens à une Église pécheresse dans laquelle nous cheminons tous. Quelle pourrait-être alors la démarche ecclésiale pour réintégrer le pécheur lorsqu’il est possible de le faire?» s’interrogeait Mari Carmen Avila.
La notion de péché public?
Avant de suggérer une piste de réflexion: «Dans les premiers siècles de l’Église, il y avait la notion de péché public. Le pécheur, qui était excommunié, devait faire un acte de pénitence devant toute la communauté pour être réintégré. Outre l’agression, la composante la plus grave est le scandale envers la communauté. Il y a peut-être là des pistes de réflexion. Mais pour l’heure, nous n’avons pas de réponse. Je pense qu’il ne peut pas y avoir de règle générale, mais qu’il faut voir au cas par cas.»
«Un agent pastoral qui a commis des abus, même s’ils n’étaient pas d’ordre pénal, a commis une sorte trahison envers la communauté. C’est difficile de le réparer, ajoutait Laure-Christine Grandjean, chancelière ad interim du diocèse de LGF. Mais le bannissement à vie d’une personne n’est pas une solution pour l’Église. Un évêque reste responsable de ses prêtres au-delà des circonstances, même si la société peine à l’admettre.»
La question de la réintégration est ignorée
Un avis partagé par le jésuite Guilhem Causse, enseignant aux facultés Loyola de Paris. «Dès 2016, les évêques de France se sont posé la question de la prise en charge des auteurs. Mais il faut bien reconnaître que concrètement, très peu de choses ont été faites à part quelques structures d’accueil très modestes et finalement peu sollicitées. Il n’y a pas de vue d’ensemble sur des problèmes comme la stigmatisation pouvant conduire à la dépression ou au suicide. La réflexion sur l’emprise et l’abus de pouvoir reste insuffisante. Le thème de la réintégration dans un service pastoral reste ignoré», relevait-il pour cath.ch en automne 2024.
Le pardon comme acte de libération
«La perspective du pardon reste compliquée pour les victimes. Surtout parce que le pardon a été instrumentalisé par l’Eglise pour leur demander de se taire. Or le vrai sens du pardon transmis par l’Evangile est exactement l’inverse. Il s’agit précisément de dénoncer le mal en vue d’une libération. (…)Mais le pardon reste une démarche personnelle qui demande un long processus.
Le pardon est un chemin à trois voies (ou voix): la victime, l’auteur et la communauté. L’une ne va pas sans l’autre. Il s’agit de retrouver un équilibre entre les trois entités. Il s’agit d’éviter les deux écueils du déni et de la vengeance», concluait Guilhem Causse. (cath.ch/mp)