Turquie: 91 femmes tuées dans des crimes d’»honneur» depuis 2000
Du Pakistan à la Jordanie, des centaines de filles sont assassinées
Ankara, 18 août 2006 (Apic) Les crimes d’»honneur» ont coûté la vie à 91 femmes depuis l’an 2000 en Turquie. Les violences infligées aux épouses par leurs maris y sont très répandues, selon un rapport de la police, cité par la presse. Ce genre de crimes dit d’»honneur se très répandus, notamment en Jordanie et au Pakistan. En toute impunité ou presque.
Ces 91 femmes, âgées de 19 à 25 ans, ont été tuées pour laver l’»honneur familial», selon le rapport. Les auteurs de ces crimes sont originaires pour la plupart des régions de l’est et du sud-est anatolien, peuplées majoritairement de kurdes et largement régies par des règles claniques.
Selon un sondage réalisé par des organisations féminines à Diyarbakir, la principale ville du sud-est, 37,4% des gens interrogés approuvent les «crimes d’honneur», précise le document.
Les familles se réunissent en «conseil» pour désigner le membre du clan qui sera chargé de tuer la femme qui, à leurs yeux, a entaché «leur honneur», le plus souvent en ayant une liaison hors mariage.
Les violences conjugales sont aussi devenues pratiquement banales dans l’ensemble de la Turquie. D’après le rapport, 62% des femmes sont victimes de violences au foyer et ces incidents sont d’autant plus répandus dans les métropoles comme Ankara et Istanbul.
La Turquie, qui souhaite adhérer à l’Union européenne, a été enjointe par Bruxelles d’améliorer le statut des femmes. Ankara a ainsi renforcé les sanctions prévues pour les auteurs de crimes d’honneur, qui peuvent désormais être condamnés à la prison à vie.
Plus de 1’000 personnes assassinées au Pakistan en 2005: «crimes d’honneur»
La Turquie n’est pas le seul pays à constater ces pratiques. En 2005, plus de 1’000 personnes ont été assassinées dans des «crimes d’honneur» au Pakistan, révèlait «Madadgaar Help Line». L’ONG pakistanaise, dont le siège est à Karachi, relevait récemment que l’année dernière 1015 femmes et hommes sont morts «au nom de l’honneur». L’immense majorité étant des femmes.
En réalité, les chiffres pourraient être beaucoup plus élevés. En effet, les médias locaux ne rapportent que le 10% des cas, car souvent ces assassinats ne sont pas dénoncés par peur de représailles, relevait alors l’agence de presse catholique AsiaNews à Milan.
Malgré les lois en vigueur pour prévenir la violence contre les femmes, pas toujours défendues dans les tribunaux pakistanais, les cas de «crimes d’honneur», appelés aussi «karo kari», sont encore nombreux, notamment dans les campagnes de la province méridionale du Sindh.
Dans d’autres parties du pays, ce sont avant tout les femmes qui sont accusées de mauvaise conduite sexuelle et mises à mort pour soi-disant «sauver l’honneur de la famille».
Crimes d’un autre âge, commis au sein de la famille
Le rapport de la «Madadgaar Help Line» offre des estimations précises: plus de 475 délits d’honneur ont été répertoriés dans la seule province du Sindh, 337 dans le Punjab, 128 au Baloutchistan et 76 dans la Province de la Frontière du Nord-Ouest (North-West Frontier Province/Nwfp). Parmi les victimes de ces crimes d’un autre âge, 536 sont des femmes mariées, 75 des femmes célibataires, 373 des hommes et 6 des enfants. 85 hommes et femmes ont été exécutés pour avoir choisi librement, sans contrainte, le partenaire qu’ils voulaient épouser.
Dans 380 cas, les responsables des assassinats sont inconnus, mais pour la majeure partie, il s’agit de parents de la victime. Selon ce rapport, 146 femmes mariées ont été exécutées par leurs frères, 240 par leurs maris, 60 par leurs beaux-parents, 11 par leurs soeurs, 2 par leurs beaux-fils, une par un beau-frère, une autre par son ex-mari, une autre encore par sa mère, et 71 par des parents à des degrés divers.
Dans le cas des femmes non mariées, l’ONG estime d’après les informations parues dans la presse, que 49 sont été assassinées par les parents, 33 par les oncles paternels, 16 par les frères, une par la soeur.
En tout, 618 victimes ont été accusées de zina (fornication) et 337 de supposées relations sexuelles illicites. Selon le rapport, 901 victimes sont mortes sur le coup; 5 ont été gravement blessées; des victimes ont été trouvées mortes sans que l’on puisse définir précisément les causes du décès.
Au Pakistan, certains décrets, ordonnances et lois maintiennent la discrimination féminine, en violation de la Constitution pakistanaise et des textes internationaux, à commencer par la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qu’Islamabad a ratifiée en mars 1996. Ceux qui se mobilisent pour le respect de ces textes (associations, organisations humanitaires, presse, avocats) sont souvent l’objet de violentes campagnes de dénonciation.
En Jordanie enfin, le crime d’»honneur» est également largement répandu. L’an dernier, une adolescente fugueuse a été battue à mort par son père, qui prétendait qu’elle avait violé l’honneur de la famille. Elle n’était impliquée dans aucune relation sexuelle, a affirmé l’Hôpital qui l’a examinée.
En 2004, au moins 19 femmes ont été tuées pour des «crimes d’honneur» en Jordanie, la plupart d’entre elles par des hommes de la famille les suspectant de relations avec un homme. En avril 2005, l’ONG Human Rights Watch avait accusé le gouvernement de Jordanie de manquer à la plus élémentaire protection vis-à-vis de tels crimes contre des femmes et fillettes.
Ces crimes sont malheureusement également commis en Europe par des musulmans Ce fut le cas en Allemagne, comme aussi en Italie ou récemment Hina Saleem, une Pakistanaise de 21 ans résidant près de Brescia, dans le nord-est de l’Italie, a été victime d’un crime perpétré par son père . La victime avait défié la volonté de son père concernant le choix de son fiancé et de son avenir. (apic/ag/arch/pr)