Le monastère de la Laure des grottes de Kiev est le symbole de la lutte de pouvoir entre l'Église d'Ukraine indépendante et l'Église ukrainienne historiquement liée au Patriarcat de Moscou | © Tim Adams/Flickr/CC BY 2.0
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Ukraine: l’Eglise orthodoxe ukrainienne doit rompre ses liens avec Moscou

Kiev a ordonné à l’Eglise orthodoxe ukrainienne, historiquement rattachée au patriarcat de Moscou, de rompre tous ses liens avec ce dernier d’ici le 18 août. Le préavis d’un mois est la dernière chance permise par la loi ukrainienne, avec une prolongation maximale d’un mois.

Avec Asianews

Le service d’État ukrainien chargé de la politique ethnique a ordonné, le 21 juillet 2025, à l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU), historiquement rattachée au patriarcat de Moscou, de rompre tous ses liens avec ce dernier, rapporte le site Asianews. Il lui donne jusqu’au 18 août pour être dissoute par les autorités pour «violation de la loi sur la liberté de conscience et les associations religieuses», en raison de son affiliation à l’Église russe, dont les activités sont interdites sur le territoire ukrainien. Les autorités accusent régulièrement les ecclésiastiques de collaboration avec l’ennemi russe. La direction ecclésiastique de l’EOU a toujours rejeté ces accusations.

Possibilité de saisir la justice

L’Eglise orthodoxe ukrainienne a le droit de faire appel auprès du service d’État, qui rendra son verdict dans un délai d’un mois. Si l’appel n’est pas accepté, l’EOU devra alors saisir le tribunal. La décision du tribunal mettra un terme à cette affaire qui dure depuis plus d’un an, suite à la décision, en août 2024, du Parlement de Kiev de soumettre l’Eglise ukrainienne à de tels contrôles.

Le patriarche Cyrille de Moscou est le chef de l’Eglise orthodoxe russe | © Larry Koester/Flickr/CC BY 2.0

En cas de condamnation, le tribunal désignera une commission spéciale chargée de mettre fin à toutes les activités des communautés religieuses, en les privant de leur droit d’utiliser les biens de l’État et des municipalités, et le clergé de cette Église n’aura plus le droit de célébrer des offices religieux dans aucun bâtiment public ou privé.

10’000 paroisses de l’Eglise rattachée à Moscou

Actuellement, il existe environ 10’000 paroisses de l’EOU, dont le nombre est désormais équivalent à celui de l’Église orthodoxe d’Ukraine (autocéphale, fondée en 2018 à la demande du président ukrainien d’alors, Petro Porochenko, et de la Rada, indépendante de Moscou) et plusieurs monastères sont encore ouvertement liés à l’Église russe. En fait, il n’existe pas d’entité juridique unique pour l’EOU, qui est organisée en différentes éparchies, paroisses et communautés monastiques, chacune d’entre elles devant faire l’objet d’une décision de justice spécifique.

En juin 2022, après l’invasion russe, le synode de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, dirigé par le métropolite Onuphre (Berezovski), a condamné l’agression de Moscou, mais sans formaliser juridiquement son indépendance vis-à-vis du patriarcat. De nombreux évêques et prêtres continuent de soutenir, plus ou moins ouvertement, les actions du gouvernement et de l’armée russes. On compte plusieurs cas d’arrestations pour collaboration.

«Le vrai berger»

 Le métropolite lui-même a été déchu, le 2 juillet dernier, de sa citoyenneté ukrainienne, qu’il détenait en même temps que sa citoyenneté russe. Ces dernières semaines, des groupes de fidèles orthodoxes appartenant à l’EOU ont organisé une série de manifestations de soutien au métropolite, lançant même une chaîne Telegram intitulée «We are with His Eminence Onufryj» (Nous sommes avec Son Éminence Onuphre), qui recueille des vidéos de soutien de nombreux citoyens ukrainiens qui se rangent du côté de «leur vrai berger».

Le métropolite de Kiev et de toute l’Ukraine Onuphre a été déchu de sa nationalité le 2 juillet dernier | © orthodoxie.com

Le métropolite Onuphre lui-même n’a pas réagi publiquement à la décision de révoquer sa citoyenneté et, en général, ces dernières années, il n’a pas souhaité émettre de messages explicites de condamnation ou d’approbation des deux parties au conflit, confirmant sa position d’équilibre entre le rejet de la guerre et le désir de ne pas rompre avec la tradition de l’Église ukrainienne dans son lien avec l’Église russe.

Le métropolite n’a pas participé aux réunions du Synode du Patriarcat et ne s’est pas rendu à Moscou depuis 2022, bien que plusieurs autres évêques et prêtres de l’EOU se soient rendus dans la capitale russe et aient assisté à des réunions et audiences avec le Patriarche Cyrille de Moscou. Ce dernier proteste à son tour contre les «violations de la liberté religieuse» en Ukraine, dans le cadre de la confrontation entre les deux Eglises de l’orthodoxie. (cath.ch/asianews/bh)

Le Parlement ukrainien a approuvé un projet de loi interdisant les activités des groupes religieux liés à l’Église orthodoxe russe ou de tout autre groupe religieux qui soutiendrait l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La Verkhovna Rada a approuvé le projet de loi, le 20 août 2024, avec 265 voix pour et 29 voix contre. Selon Kiev, les activités de l’Église orthodoxe russe constituent «une extension idéologique du régime de l’État agresseur» et «une complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité».

Le monastère de la Laure des grottes de Kiev est le symbole de la lutte de pouvoir entre l'Église d'Ukraine indépendante et l'Église ukrainienne historiquement liée au Patriarcat de Moscou | © Tim Adams/Flickr/CC BY 2.0
28 juillet 2025 | 16:20
par Rédaction
Temps de lecture : env. 3  min.
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