Morges: Culte d’installation du pasteur Nicolas Charrière, aumônier de La Tuilière à Lonay Une première
Un culte au sein de la prison qui a permis de réunir deux mondes
Morges, 3 juillet 2011 (Apic) Le culte d’installation du pasteur Nicolas Charrière, aumônier réformé de la prison de La Tuilière à Lonay, près de Morges, samedi 2 juillet, était en quelque sorte une première dans une prison vaudoise. Le pasteur Charrière, avait invité ses amis et ses anciens paroissiens de Corcelles-près-Payerne à un événement original. En effet, son culte d’installation a réuni dans l’enceinte carcérale des gens de l’extérieur et des détenus, hommes et femmes de tous régimes confondus (conditionnelle, exécution de peine, etc).
Ce samedi matin, une centaine de personnes attendent en effet devant l’établissement pénitentiaire de La Tuilière. Nicolas Charrière accueille alors ses invités. «Le conseil d’aumônerie, dont M. Hübner [le directeur de la prison] est membre, a suggéré que mon culte d’installation se fasse à La Tuilière. J’ai accepté à condition que tous les détenus puissent participer», explique l’aumônier des prisons d’Orbe et de La Tuilière, en fonction depuis janvier déjà.
Ainsi, les détenus, hommes et femmes soumis à des régimes différents et ne se mélangeant jamais, vont sortir de leur univers cloisonné le temps d’un culte «entre les murs». Une initiative qui livrera des moments touchants.
Rasez ces murs, qu’on voie l’horizon !
Les invités se dirigent vers la halle de gym de la prison où se déroulera la cérémonie, en présence de huit gardiens et de 45 détenus. Ces derniers entrent; les hommes s’installent dans une rangée de chaises, les femmes dans une autre. Les invités, eux, ont leur propre secteur. Nicolas Charrière et sa collègue catholique, Lilo Durussel, se placent parmi les prisonniers. Le directeur, Florian Hübner, relève que «c’est une première et un événement plutôt positif». En effet, pour la première fois, le culte d’installation d’un aumônier a lieu dans une prison, en présence des détenus et des gens de l’extérieur. «Nous sommes unis tout en étant séparés», souligne le directeur.
«Père très bon, merci de nous réunir ce matin autour de ta parole, autour de ta promesse de liberté», dit à la foule le pasteur Jan de Haas dans sa prédication. «Quelle parole peut être pertinente ici, aujourd’hui, avec tout ce qui nous sépare, tous les murs, tous les questionnements», s’interroge-t-il.
Le pasteur rappelle le stage que Nicolas Charrière a accompli à la pastorale de la rue, durant lequel il a utilisé l’image d’une montagne face au travail à accomplir. Cette métaphore, qui revient dans la lecture de l’Evangile (Marc, chapitre 11, versets 22-25), s’applique aussi au monde carcéral. «Rasez ces murs, qu’on voie l’horizon !», s’écrie Jan de Haas. L’image de la montagne utilisée par Jésus est une allusion à la prière, «lieu de la rencontre qui nous est offert jour après jour en Dieu» et qu’on «ne peut pas enlever», même en prison, explique le pasteur.
«Dieu est au plus près de nous dans la faiblesse et le dépouillement. Dans ce terreau peut naître l’espérance, la lumière et la prière», conclut-il. Pascale Gilgien, représentante du conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), dresse le portrait de Nicolas Charrière, un pasteur apprécié par ses paroissiens et amateur de musique. Roland Besse, représentant le Département «Présence et Solidarité» de l’EERV, lui remet son certificat de nomination et procède à l’acte d’installation. Des détenus s’adressent ensuite à leur aumônier. «Je voudrais dire un grand merci», dit une jeune femme, «on sait qu’on peut se confier à vous». Une autre détenue ajoute: «Vous voyez en nous la joie, la paix et la lumière». Le pasteur Jan de Haas remercie alors «tous les gens qui ont rendu cet événement invraisemblable possible à vivre» et particulièrement les détenus musulmans «pour ce beau signe d’ouverture et de cheminement commun».
«I have a dream»
Florian Hübner, le directeur de la prison, prend à son tour la parole: «Je voudrais partager l’émotion que j’ai. Un moment comme celui-ci est le ›I have a dream’ de ce pénitencier». «Je suis un directeur de prison heureux grâce à vous», adresse-t-il à ses collègues et aux détenus. Après la bénédiction, les invités se rendent au terrain de sport pour partager le verre de l’amitié tandis que les détenus retrouvent leurs secteurs respectifs et leur quotidien.
«Les prises de parole spontanées des détenus m’ont beaucoup touché. Il y avait un côté authentique», confie Nicolas Charrière. Anthony Brovarone, chargé de communication du service pénitentiaire vaudois (SPEN), voit l’importance de ce culte d’installation: «La place de la religion en prison est importante. Pour certains, c’est un moyen de ne pas sombrer dans le désespoir».
Ce culte, relève émotionné le directeur Florian Hübner, «c’est un moment emprunt d’humanité. On est tous des êtres humains. En reconnaissant la dignité humaine de ces paroissiens et paroissiennes [les détenu(e)s], on a reconnu notre propre dignité humaine». Il se dit satisfait d’avoir été «bousculé» par les aumôniers pour l’organisation de ce culte.
La prochaine fois avec les enfants ?
La collègue catholique de Nicolas Charrière, Lilo Durussel, ressent «une grande joie face à cette chose à dimension humaine». Elle regrette toutefois l’absence des enfants: «On aurait pu faire une fête familiale avec les enfants des détenus». Peut-être pour une autre occasion ? «Je trouve les cultes longs d’habitude, mais celui-là était interminable», plaisante Jacky Chabloz, sous-chef des agents de détention. Qui a eu sa «dose de stress», durant la matinée, face au caractère inédit de l’événement.
Son collègue Frédéric Genoud a remarqué que les détenus sont vraiment restés à l’écoute et centrés sur la raison de leur venue, le culte. «Je les ai trouvés très recueillis». Il souligne avoir senti cette foi qui était présente. «Les invités l’ont sentie aussi». Des invités qui ont pu, le temps d’un culte, entrevoir une autre image de ces paroissiens pas comme les autres. (apic/hg/be)