France: Décès du Père jésuite Jean-Yves Calvez

Un grand spécialiste de la pensée de Karl Marx et de la doctrine sociale chrétienne

Paris, 11 janvier 2009 (Apic) Philosophe et théologien, grand spécialiste français de la pensée de Karl Marx et de la doctrine sociale chrétienne, le Père jésuite Jean-Yves Calvez est décédé à 82 ans dans la nuit du 10 au 11 janvier. Le religieux d’origine bretonne, né le 3 février 1927 à Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, était un spécialiste des questions sociales. Il a écrit plusieurs dizaines d’ouvrages sur le sujet.

Jean-Yves Calvez a longtemps enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris et a dirigé successivement le centre Action Populaire, l’Institut d’Etudes Sociales de l’Institut Catholique de Paris et le CERAS (Centre de Recherche et d’Action Sociales). Dans son dernier ouvrage, «Traversées Jésuites. Mémoires De France, De Rome, Du Monde 1958-1988» (Cerf 2009), Jean-Yves Calvez – qui est entré dans la Compagnie de Jésus à l’âge de seize ans et demi – rappelle qu’il a traversé bien des périodes marquantes de l’histoire contemporaine.

Ainsi, dans l’après-guerre, il s’est beaucoup investi dans la pensée de Karl Marx et dans les réalités de l’Union soviétique, avant de se lancer dans la pensée sociale catholique en même temps que dans les problèmes de développement, à l’époque cruciale de la décolonisation.

Dans l’un de ses récents ouvrages, le «Petit dictionnaire de la mondialisation», paru en octobre 2008 chez Desclée De Brouwer, Jean-Yves Calvez présente un certain nombre de mots clés comme développement durable, commerce équitable, ingérence, écologie, financiarisation, libéralisme, avant de les croiser avec la pensée sociale de l’Eglise. Il se réfère souvent aux prises de position de l’Eglise catholique, aux papes récents, en particulier Paul VI (1963-1978), Jean Paul II (1978-2005) et au Concile Vatican Il (1962-1965). Le Père Calvez, propose, dans ce livre, une véritable pédagogie de la mondialisation, mais aussi une manière de lui donner «une âme et un sens».

Des chantiers encore inexplorés par l’enseignement social de l’Eglise

Le Père Clavez, dans «Les silences de la doctrine sociale catholique», (Les Editions de l’Atelier, 1999), dressait de façon critique le bilan de l’apport de Jean Paul II à la doctrine sociale de l’Eglise. Il y décrivait les chantiers inexplorés par l’enseignement social de l’Eglise: le chômage, la financiarisation de l’économie, la question de la propriété du capital des entreprises, les droit de l’homme et de la démocratie.

Pour le jésuite disparu, «la doctrine sociale chrétienne se doit de questionner le capitalisme». Dans une interview accordée à l’Apic en 2005, le Père Calvez reconnaissait que dans un monde devenu unipolaire depuis la chute du communisme, la doctrine sociale chrétienne devait avoir l’audace de questionner vigoureusement le système capitaliste dans ses différents aspects. Il pressentait le déraillement de l’économie financiarisée.

La doctrine sociale chrétienne se doit de questionner le capitalisme

«L’enseignement social chrétien s’est constamment développé, du Concile Vatican II à nos jours, mais il n’a pas encore pris toute la mesure de phénomènes comme la «financiarisation de l’économie». Le religieux jésuite admettait ainsi que certaines questions étaient demeurées en retrait dans les discours officiels de l’Eglise, comme l’emploi, la financiarisation de l’économie, la propriété du capital des entreprises, les droits de l’homme, la démocratie.

En matière de «financiarisation de l’économie», un aspect central de la mondialisation, le Père Calvez estimait que «la pensée sociale chrétienne est encore sous-développée». JB

Encadré

Le Père Calvez fut Provincial des jésuites de France et assistant général du Père Arrupe

Le Père Jean-Yves Calvez, décédé à l’âge de 82 ans, était l’un des grands spécialistes français de la pensée de Karl Marx et de la doctrine sociale de l’Eglise. Il fut Provincial des jésuites de France (de 1967 à 1971) avant de travailler durant près de 14 ans, de 1971 à 1983 à Rome comme assistant général du Père Pedro Arrupe, supérieur général de la Compagnie de Jésus de 1965 à 1983. En 1989, le Père Calvez succède dans un climat passionnel au Père Paul Valadier, connu pour son indépendance d’esprit, «remplacé» à la tête de la prestigieuse revue jésuite «Etudes». Il occupera durant six ans le poste de directeur de la revue «Etudes». Le Père Calvez enseignait au Centre Sèvres à Paris, où il dirigeait jusqu’à présent le Département d’éthique publique de cet Institut de philosophie et de théologie de la Compagnie de Jésus. Il a également longtemps enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris. Il avait dirigé successivement le Centre Action Populaire, l’Institut d’Etudes Sociales de l’Institut Catholique de Paris et le CERAS (Centre de Recherche et d’Action Sociales). Il fut également rédacteur en chef de la Revue de l’Action Populaire devenue ensuite «Projet» (1963-1965). Véritable professeur itinérant, il était très souvent sollicité pour donner des cours dans le reste du monde. (apic/be)

11 janvier 2010 | 14:53
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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