Le cardinal Louis Raphaël Sako tient l'ostensoir fabriqué par François Reusse (à d.) |  DR
Suisse

Un ostensoir suisse pour les chrétiens d’Irak

L’orfèvre genevois François Reusse est allé apporter en Irak, début avril 2024, un ostensoir de sa fabrication, en signe de soutien aux chrétiens locaux. Avec Naseem Asmaroo, prêtre chaldéen officiant en Suisse, ils ont pu prendre le pouls de la situation sur place.

L’objet est en bronze doré, décoré d’éléments d’émail coloré. De chaque côté d’un globe bleu surmonté d’une gloire (grand disque doré en forme de soleil) figurent l’Alpha et l’Oméga en alphabet araméen. Ce flamboyant ostensoir a été consacré par Mgr Najeeb Michaeel, évêque de Mossoul, le 7 avril 2024 à Mala Barwan (Kurdistan irakien). La cérémonie a donné lieu à une fête réunissant les chrétiens de la région. «C’était une grande joie de célébrer avec eux cet événement, confie François Reusse à cath.ch. Il y avait une incroyable ferveur et j’ai ressenti beaucoup de reconnaissance.»

Des objets liturgiques pour faire renaître l’espoir

L’orfèvre genevois tenait absolument à faire le voyage au nord de l’Irak pour apporter l’objet qu’il a spécialement créé pour la communauté chrétienne. Un geste  qui n’est pas une première puisque l’octogénaire avait déjà fait le déplacement en février 2022 pour offrir un tabernacle à l’Eglise locale. C’est en voyant à la télévision la terrible situation des chrétiens du nord de l’Irak, sous le joug du groupe Etat islamique entre 2014 et 2018, qu’il a voulu apporter sa contribution à leur renouveau en leur confectionnant des objets liturgiques. Alors que François Reusse avait mis plus de deux ans à fabriquer son tabernacle, l’ostensoir a nécessité près de 18 mois de travail.

L’orfèvre genevois François Reusse a offert aux chrétiens d’Irak un ostensoire et un tabernacle | DR

Durant son séjour en Irak, du 5 au 8 avril, le Genevois était accompagné de son frère Maurice et de Naseem Asmaroo. Le prêtre bi-rituel (chaldéen-latin) résidant dans la Broye vaudoise retourne régulièrement dans le nord de l’Irak, d’où il est originaire. Son épouse, Lusia Shammas, a fondé l’association Basmat al Qarib (le sourire du prochain), qui crée des ponts entre la Suisse et l’Irak.

Le dilemme de la reconstruction

Outre la présentation et la consécration de l’ostensoir, les trois hommes ont visité plusieurs lieux du nord du pays. Ils ont notamment assisté à l’inauguration de l’école et de l’église de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, dans le quartier de Dawassa, à Mossoul. Cette institution très connue et réputée avant la guerre a été restaurée avec l’aide de l’organisation française SOS chrétiens d’Orient.

(de g. à d.) Naseem Asmaroo, Maurice Reusse, Mgr Michaeel Najeeb, François Reusse | DR

«La réouverture de cette église et école, dans ce quartier populaire de Mossoul, est un grand événement, note Naseem Asmaroo. Tout le monde espère que cela incitera les familles chrétiennes à rester ou à revenir. Mais la communauté est toujours confrontée au même dilemme: faut-il attendre que les personnes reviennent pour développer les structures ou faut-il développer les structures pour inviter les gens à revenir? Au risque de réaliser des travaux ‘dans le vide’….La question n’est pas réglée.»

«L’exil» du cardinal Sako bientôt terminé?

Le groupe de Suisse a également pu rencontrer le cardinal Louis Raphaël Sako, patriarche de l’Eglise chaldéenne. «Il s’est montré très disponible et enthousiaste de notre démarche concernant les objets liturgiques, assure François Reusse.» Alors que le siège de son Eglise est à Bagdad, le responsable chaldéen réside actuellement à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien.

Un déplacement consécutif à des différends avec le gouvernement irakien actuel, marqué par la révocation, en juillet 2023, du décret présidentiel irakien reconnaissant le cardinal Sako comme patriarche des chaldéens. Une situation que les parties tentent toutefois actuellement de régler, précise Naseem Asmaroo. Il confirme que le prélat a récemment rencontré le Premier ministre irakien, Mohamed Shiaa Al-Sudani. Il n’est donc pas exclu que le décret puisse être restauré.

Consécration de l’ostensoire de François Reusse, à Mala Barwan (Irak), le 7 avril 2024 | DR

Naseem, François et Maurice ont également visité l’orphelinat chaldéen d’Alqosh, dans la Plaine de Ninive, accolé à un monastère de moines antonins, ainsi que le Centre des manuscrits, à Ankawa. Le bâtiment abrite de nombreux documents inestimables, sauvés in extremis de Daech par Michaeel Najeeb, alors que les djihadistes progressaient vers Qaraqosh, en 2014.

Un ostensoir et un tabernacle pour la cathédrale

Les visiteurs de Suisse se sont finalement rendus dans la région montagneuse au nord d’Erbil, où existent des villages à la population mixte de chrétiens, de musulmans et de yézidis. C’est dans l’un de ceux-ci, à Mala Barwan, qu’a eu lieu la consécration de l’ostensoir, à l’occasion d’une messe, suivie d’une procession et d’une fête.

L’objet liturgique aura une carrière tout d’abord itinérante. Il passera d’une paroisse chrétienne du nord de l’Irak à une autre, avant de trouver une place définitive dans la nouvelle cathédrale de Mossoul. Dévastée lors de l’occupation de la ville par l’Etat islamique, l’édifice reconstruit sera inauguré en octobre 2025. Le tabernacle de François Reusse, pour l’instant gardé dans l’église St-Paul de Mossoul, rejoindra également à ce moment-là le nouveau siège du diocèse.

«Le travail de François Reusse est un symbole fort pour les chrétiens sur place, souligne Naseem Asmaroo. D’abord parce qu’il est très important pour eux de savoir qu’ils ne sont pas oubliés.» (cath.ch/arch/rz)

Le cardinal Louis Raphaël Sako tient l'ostensoir fabriqué par François Reusse (à d.) | DR
5 mai 2024 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 4 min.
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