Brésil: La Justice interdit de rémunérer à la production les coupeurs de canne à sucre
Un ouvrier touchait 1,40 frs par tonne coupée à la main
Sao Paulo, 23 octobre 2013 (Apic) L’usine de production Santa Fé, implantée dans l’Etat de Sao Paulo, au sud du Brésil, sera obligée de rémunérer mensuellement les coupeurs de canne à sucre. C’est ce qu’a décidé le 22 octobre, le Tribunal Régional du Travail de Campinas. Un jugement qui permettra, selon le Ministère Public du Travail (MPT), de réduire considérablement les accidents du travail, parfois mortels, qui touchent des salariés encore majoritairement rémunérés à la tonne de canne à sucre coupée à la main.
Le Tribunal Régional du Travail de Campinas a confirmé en deuxième instance que l’usine de canne à sucre de Santa Fé sera désormais obligée de verser un salaire mensuel aux coupeurs de canne à sucre et ne pourra donc plus les rémunérer en fonction de leur production, comme c’est le cas encore aujourd’hui dans l’ensemble du Brésil. Cette sentence vient renforcer une décision prise en octobre 2012 par le tribunal de Matao, toujours dans l’état de Sao Paulo.
«Cette décision s’inscrit dans un processus de lutte contre l’exploitation de milliers de coupeurs de canne à sucre», a rappelé Rafaël Gomes, le procureur du Ministère Public du Travail (MPT). Pour l’entreprise, en revanche, la confirmation de cette décision en deuxième instance est un échec. Cette dernière avait, en première instance, critiqué «le préjudice économique face à la concurrence». Un argument balayé par Rafaël Gomes: «Si l’on considère que verser un salaire à la production est un avantage économique, il est donc évident qu’un tel avantage est obtenu à travers l’exploitation du travailleur».
12 tonnes coupées à la main par jour
De fait, d’après une étude réalisée en 2006 par Francisco Alves, un chercheur de l’Université Fédérale de Sao Carlos, les efforts fournis par un coupeur de canne à sucre s’apparente à ceux d’un athlète de haut niveau. Un travailleur coupe ainsi en moyenne 12 tonnes de canne par jour. Ce travail est évidemment loin d’être statique, puisque un travailleur parcourt, en moyenne, 8,8 km par jour en transportant sur des distances de 3 à 5 mètres des fagots de 15 kg. Pour couper les cannes, un travailleur donne, toujours selon l’étude, quelques 3’800 coups de machette par jour et accomplit plus de 3’400 flexions! Des efforts effectués souvent sous un soleil de plomb et qui fait perdre 8 litres d’eau par jour à l’ouvrier.
Travailler à en mourir
La sentence rendue par le Tribunal de Campinas rappelle que le paiement à la tonne de canne à sucre, en moyenne 3,5 reais (1,40 frs) par tonne coupée, facilite de tels rythmes et efforts. «Le coupeur de canne à sucre ne travaille pas davantage parce qu’il le veut. Au contraire, il travaille jusqu’à mourir parfois dans les champs de canne à sucre, uniquement par besoin. Sa liberté de choix est largement altérée par la nécessité de survivre et de nourrir sa famille et pousse ce dernier à réaliser des efforts qui vont au-delà des limites de son corps». Parmi les risques encourus, figurent notamment l’épuisement, la déshydratation, les crampes et les chocs thermiques. Des conditions qui entraînent parfois la mort.
23 morts en cinq ans
Ainsi la Pastorale des Migrants, liée à la Conférence épiscopale brésilienne (CNBB), précise que, pour le seul Etat de Sao Paulo, 23 personnes sont mortes entre 2004 et 2009 pour n’avoir pu supporter de telles conditions de travail. Selon le Ministère de l’Agriculture, l’Etat de Sao Paulo concentre à lui seul 60% des plantations de canne à sucre du Brésil destinées, notamment, à la production d’éthanol. La production y est en augmentation constante, mais pas le nombre de coupeurs de canne à sucre. Entre 2007 et 2011, avec l’essor de la mécanisation, les effectifs ont baissé de 27%. (apic/jcg/bb)