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Suisse

Un religieux et chasseur contre la protection absolue des animaux

Lors des votations du 27 septembre 2020, la protection du loup sera en jeu. Le dominicain Hubert Niclasse ne croit pas en une protection absolue des animaux. Elle est dommageable pour la nature, explique le religieux-chasseur, qui ne chasse jamais le dimanche.

Par Georges Scherrer, kath.ch / traduction et adaptation: Grégory Roth

La nouvelle loi sur la chasse, qui sera votée le 27 septembre 2020, veut autoriser notamment le tir de loups, sous certaines conditions. Hubert Niclasse, procureur du couvent dominicain de Saint-Hyacinthe à Fribourg, n’a aucun problème avec cette disposition. Il n’est pas citadin. Il a grandi à la campagne et est «enraciné dans la terre». Avec son père et un oncle, il allait chasser dans les Préalpes fribourgeoises lorsqu’il était enfant. Aujourd’hui encore, il sort son fusil chaque année pour la période de chasse.

Père Hubert Niclasse, ancien official du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg | © Georges Scherrer

Nécessaire sur le plan écologique

La chasse est une nécessité écologique, explique le religieux. L’homme a toujours été un chasseur. Dans le passé, il s’agissait de se procurer de la nourriture. Aujourd’hui, l’objectif de la chasse a quelque peu évolué. Aucune espèce ne devrait pouvoir prendre le dessus sur la faune en Suisse, prévient le Père Niclasse. Ni le renard, ni le cerf, ni le loup.

La chasse sert à réguler l’espèce. Hubert Niclasse se réfère à un exemple du canton de Fribourg. Dans une zone protégée, les chamois ont pu bien se reproduire. Ils sont devenus presque sédentaires, «ce qui est contraire à leur nature». Devenus sensibles aux maladies, ces mammifères ont commencé à mourir en masse au bout d’un certain temps.

L’homme doit régulièrement intervenir

Les sangliers, déclare le dominicain, sont une aubaine pour les forêts, mais un fardeau pour l’agriculture. Ils peuvent détruire des champs entiers. C’est pourquoi les agriculteurs font régulièrement appel aux chasseurs pour les aider à maîtriser le fléau.

Dans la nouvelle loi sur la chasse, le loup est au cœur des discussions. Pour le Père Niclasse, les loups présents en Suisse ne sont pas des animaux de race pure. Les vrais loups ne tuent que ce qu’ils peuvent manger. Les loups qui attaquent les troupeaux et tuent des moutons à volonté, sans même les manger, sont une race hybride entre chien et loup, le chasseur en est convaincu. Il s’agit probablement d’animaux provenant des élevages de zoos ou de France, par exemple. Mais le religieux, qui a grandi à la campagne, ne peut pas débattre avec les arguments urbains des militants des droits des animaux qui défendent le loup.

Quels droits fondamentaux pour les animaux ?
Un chimpanzé ou un lémurien doit-il avoir des droits fondamentaux comme un être humain ? Le canton de Bâle-Ville va bientôt s’occuper de ces questions. Le Tribunal fédéral a décidé que l’initiative populaire cantonale «Droits fondamentaux des primates» («Grundrechte für Primaten») sera soumise au vote. Le philosophe animalier Markus Wild, professeur de philosophie théorique à l’Université de Bâle, soutient l’initiative.

Hubert Niclasse est contre la protection absolue de certaines espèces animales sauvages en Suisse sous le «manteau» de la biodiversité. Il demande plutôt une «saine compréhension de la chasse» et l’installation des animaux dans des «biotopes adaptés». Il est convaincu que la chasse empêche la transmission des maladies. Par exemple, la transmission de virus à l’homme.

Prévenir les catastrophes

«Si vous mettez tous les animaux au même endroit, comme dans l’arche de Noé, vous ne faites que préparer le désastre», évoque le dominicain. Et cela ne peut pas être bon. La Bible présente une grande variété d’animaux. Certains, comme le corbeau qui nourrit Élie, sont présentés comme des amis de l’homme. D’autres, comme la gazelle, sont loués pour leur grâce. Tandis que d’autres enfin sont considérés comme un danger qu’il faut combattre. A l’instar du psaume qui parle des vignes détruites par le sanglier, la Bible présente l’animal sous deux aspects, le bon et le menaçant, explique le religieux.

La chasse est également un thème de la Bible. Dans l’histoire d’Ésaü et de Jacob, la chasse se termine mal pour Ésaü, car il est déshérité pendant son absence. Mais il n’y a donc rien dans la Bible qui condamne la chasse.

La chasse et l’Église

L’Église et la chasse ne s’excluent pas mutuellement. Avec les princes-évêques, il était de bon ton de participer aux chasses. Saint Eustache a été converti lors d’une chasse lorsqu’il a vu un cerf avec une croix entre ses bois. La même histoire est associée à saint Hubert. Tous deux sont aujourd’hui les saints patrons des chasseurs.

Le Concile de Trente a interdit au clergé de participer aux chasses «parce que crier pendant cette activité était contraire à la dignité du prêtre». Quant au concile Vatican II, il a aboli finalement les règles de chasse pour le clergé. Laïc et clerc, le chasseur doit respecter des normes éthiques. L’animal ne doit pas être blessé inutilement et doit être traité avec respect.

Les messes dédiées à saint Hubert ont survécu jusqu’à ce jour. Le Père Niclasse célèbre régulièrement ces messes, en Suisse romande et en France. La légende raconte également qu’un cerf blanc apparut à Hubert. «Au Moyen Age, le cerf blanc était considéré comme un animal qui ne pouvait pas être tué. Celui qui l’abattait était condamné à mourir la même année», raconte le Fribourgeois.

L’Église a utilisé cette légende pour ses propres besoins et l’a reliée à la signification du dimanche. Ainsi, elle voulait s’assurer que les clercs n’iraient pas chasser le septième jour, jour de repos et de célébration de Dieu: «C’est pourquoi je ne vais jamais à la chasse le dimanche». (cath.ch/kath/gs/gr)

Légendes et animaux, avec saint Eustache

Saint Hubert et saint Eustache sont considérés comme les patrons des chasseurs. Ce dernier aurait subi le martyre avec sa famille le 20 septembre 118. L’histoire d’Eustache présente des caractéristiques similaires à celle de Job, dans l’Ancien Testament, mélangées à des échos de romans d’aventure orientaux. Sous le nom païen de Placidus, il a d’abord été un général couronné de succès sous l’empereur Trajan. Pendant la chasse, Placidus suit un magnifique cerf qui, lorsqu’il l’affronte enfin, porte une croix brillante entre ses bois et se révèle comme le Christ. «Pourquoi me persécutes-tu?», demande l’animal au soldat – comme Paul sur le chemin de Damas – et lui ordonne de se faire baptiser, ainsi que sa famille, par l’évêque de Rome.

Loup et lion

Après qu’Eustache eut pris son nom de baptême, le Christ lui apparaît une seconde fois, annonçant qu’il aurait, lui et sa famille, à passer par de rudes épreuves de foi. Comme Job, Eustache est privé de tous ses biens, les uns après les autres. Ses terres sont brûlées, ses troupeaux sont attaqués par la peste et sa fortune est dérobée. Avec sa femme et ses deux fils, il embarque vers l’Égypte, afin de construire une nouvelle existence. Hélas, à bord, le capitaine kidnappe sa femme Theopisté comme butin pour la traversée. Eustache et ses fils sont contraints de traverser un fleuve à la nage, mais un loup dévore un de ses fils, puis un lion prend l’autre. Désespéré, Eustache se retrouve seul dans un petit village qui l’accueille et qui apprend à apprécier sa loyauté, sa serviabilité et sa frugalité.

15 ans plus tard, l’empereur Trajan est en difficulté militaire. Il envoie ses troupes dans tout l’empire pour retrouver son ancien commandant Placidus. Enfin retrouvé, ce dernier retourne à Rome et vole de victoire en victoire.

Famille réunie

En marge d’une des batailles menées par Eustache, deux jeunes capitaines qu’il a engagés se racontent leur vie et découvrent avec étonnement qu’ils ont tous deux été enlevés par des prédateurs, qu’ils ont survécus et qu’ils sont frères. La scène, qui se passe le soir dans une maison, est observée par la femme de ménage, – en réalité, Theopisté – qui peut maintenant embrasser ses deux fils. Lorsque Theopisté va voir le commandant pour lui demander d’accompagner ses fils, elle reconnaît spontanément son mari, Eustache. La famille est ainsi complètement réunie. Dieu a tenu sa parole et ils ont survécu aux épreuves de foi. Mais pas pour longtemps. Dieu veut pour eux davantage la gloire éternelle que les lauriers de l’État.

Le lion et le feu

Dans sa procession triomphale à Rome, Placidus/Eustache doit sacrifier à la tradition selon les dieux. Il refuse et confesse le christianisme sous les yeux du nouvel empereur, Hadrien, qui condamne la famille à mort. Dans l’arène, le lion n’attaquera pas la famille, mais s’inclinera devant elle. Hadrien ordonne alors de les ébouillanter dans un taureau d’airain, faisant ainsi d’Eustache et de sa famille des martyrs.

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18 septembre 2020 | 12:23
par Rédaction
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Ne pas tirer sur les animaux pour le bétail

La loi révisée sur la chasse représente un pas en arrière pour la protection des animaux et des espèces. C’est une erreur éthique et politique, déclare Christoph Ammann. Le pasteur zurichois est le président du l’association chrétienne pro-animale «Arbeitskreis Kirche und Tiere" (AKUT).

La dignité de l’animal est ancrée en Suisse dans la loi sur la protection des animaux, a-t-il expliqué dans une interview au journal Reformiert.Info. Il a déclaré qu’il n’était pas acceptable que des espèces animales protégées puissent être abattues pour le bétail parce qu’elles pourraient causer des dommages.

En 2004, l’association œcuménique indépendante Aktion Kirche und Tiere (AKUT-CH) a été fondée. C’est le capucin et écrivain Anton Rotzetter qui en a été président pendant dix ans. Après sa mort, il a été remplacé par le théologien réformé Christoph Ammann. En 2019, le nom a été changé en «Arbeitskreis Kirche und Tiere» (AKUT). L’association se décrit comme politiquement neutre et interconfessionnelle. (cath.ch/gs)