Alec Smith, fils rebelle de l’ancien premier ministre Ian Smith

Un Rhodésien bien tranquille : (131187)

Son but : réconcilier Blancs et Noirs en Afrique australe

Lausanne, 13novembre(APIC) Hippie, contestataire, drogué, le fils rebelle

de l’ancien premier ministre rhodésien en faisait pire que pendre avant de

rencontrer Dieu à l’âge de 25 ans. Mais ce n’était pas pour parler de sa

conversion qu’il était vendredi à Lausanne, mais bien de son pays, qui

s’appelle Zimbabwe, depuis l’indépendance et l’arrivée au pouvoir de l’ancien guérillero noir Robert Mugabe en avril 1980. Ardent défenseur de la

réconciliation nationale, Alec Smith est aujourd’hui pasteur presbytérien

et aumônier militaire dans l’armée zimbabwéenne.

Avocat passionné du «miracle zimbabwéen», qui pourrait servir de modèle

à une Afrique du Sud débarrassée du démon de l’apartheid, Alec Smith estime

que son pays est aujourd’hui bien plus démocratique qu’au temps ou son père

avait coupé les ponts avec Londres et unilatéralement déclaré la Rhodésie

indépendante, le 11 novembre 1965. «Maintenant, affirme le fils rebelle,

nous avons une société vraiment démocratique et multiraciale : il n’y a

plus de ségrégation raciale… des écoles qui étaient avant réservées aux

seuls Blancs sont devenues mixtes et les relations interraciales au Zimbabwe sont meilleures que dans tous les autres pays que j’ai visités jusqu’à

présent. Il y a eu moins de violences raciales ces huit dernières années

dans notre pays que par exemple dans la ville anglaise de Birmingham, et la

comparaison vaudrait aussi pour New York ou Chicago!»

Une guerre civile qui a fait 35 à 40’000 morts

Et pourtant, souligne-t-il, en 1980, le pays sortait d’une guerre civile

qui avait fait 35 à 40’000 morts et quelque 100’000 réfugiés. Et d’estimer

que cette coexistence pacifique est un vrai «miracle», car les observateurs

et la presse internationale prédisaient un carnage, la guerre civile et le

chaos économique avec l’arrivée au pouvoir d’une dictature communiste. Aucune de ces prédictions ne s’est réalisée, affirme Alec Smith, puisque nous

avons un parlement multiracial et multipartite, et que nous sommes autosuffisants du point de vue alimentaire au point d’exporter de la nourriture.

La minorité blanche, à laquelle la Constitution réservait jusqu’à

présent 20 sièges, a conservé 11 députés lors des récentes élections partielles, dont 10, qui sans être membres du parti au pouvoir, la ZANU, ont

bénéficié de l’appui du premier ministre Robert Mugabe. Pour le moment,

l’instauration du parti unique n’est pas encore un état de fait et cela

fait partie du débat politique. Dans son discours le jour de l’indépendance, relève-t-il, Robert Mugabe avait d’ailleurs annoncé une politique de

réconciliation : «Pardonnons-nous, oublions le passé et construisons ensemble le futur!»

«Cela vous paraît sans doute trop idyllique, relève-t-il, mais vous pouvez aller vérifier sur place». Il ne cache cependant pas que son pays a de

graves problèmes à affronter : ainsi, chaque année, 100’000 jeunes quittent

l’école et moins d’un tiers trouvent du travail. C’est le problème numéro

un, affirme-t-il, avant de lancer un appel aux investisseurs étrangers pour

créer des emplois. Un autre problème, mais en voie de résolution celui-là :

le problème de la minorité Ndébélé du Matabeleland, regroupée dans le parti

d’opposition ZAPU, dirigé par Joshua N’Komo. Les groupes armés qui étaient

entrés en dissidence pour des raisons tribales et politiques dans les années 81/82 ont presque disparu, non sans que l’Afrique du Sud n’ait tenté

de les utiliser à ses propres fins, en leur fournissant armes et entraînement. Les exactions commises par l’armée gouvernementale dans le Matabeleland datent déjà de trois à quatre ans et la sécurité est maintenant

rétablie. Mais sans l’Afrique du Sud, souligne-t-il, ce problème aura déjà

été depuis longtemps résolu.

Les ennemis d’hier ensemble au combat

L’aspect le plus significatif du «miracle zimbabwéen» – et comme aumônier militaire, Alec Smith en sait quelque chose – a été dès les premiers

jours de l’indépendance l’intégration dans une même armée des soldats de

l’armée rhodésienne et des guérilleros de la ZANLA (Mugabe) et de la ZIPRA

(N’Komo) qui s’étaient entretués une décennie durant. Actuellement, chaque

unité est composée d’un tiers de soldats de chaque tendance et cela fonctionne : il y a actuellement quelque 10’000 soldats zimbabwéens qui combattent avec succès au Mozambique aux côtés du FRELIMO pour combattre les guérilleros de la RENAMO, armés et dirigés par l’Afrique du Sud et qui veulent

couper le «couloir de Beira» qui permet au Zimbabwe d’avoir un accès à la

mer. Si cette réconciliation a été possible, conclut Alec Smith, c’est

grâce au travail de longue haleine des Eglises chrétiennes, et du Réarmement moral (dont le siège est à Caux, au-dessus de Montreux), qui ont permis de créer des ponts entre les nationalistes noirs et la minorité blanche

et qui ont permis aux ennemis d’hier de préparer ensemble l’avenir.

(apic/be)

13 novembre 1987 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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