Croatie: Une historienne juive éclaire les actions héroïques du cardinal Stepinac
Un sauveur de juifs accusé d’avoir collaboré avec les nazis
Zagreb, 24 mars 2014 (Apic) Le cardinal Alojzije Stepinac a risqué sa vie pour sauver des juifs d’une mort certaine. C’est le constat de l’historienne juive américaine Esther Gitman, qui a étudié pendant plus d’une décennie la vie de l’ecclésiastique catholique croate. Le prélat, qui pourrait être prochainement canonisé a pourtant été accusé de crimes de guerre et de collaboration avec les nazis.
Le docteur Gitman, née en ex-Yougoslavie, doit elle-même la vie à des Croates, qui l’ont permis de fuir avec sa mère, à Sarajevo, puis de rejoindre la Palestine, raconte-t-elle dans le journal australien «Catholic Weekly». C’est pour cette raison qu’elle a minutieusement étudié les archives sur le rôle de Mgr Stepinac durant la Seconde guerre mondiale, disponibles depuis la chute du régime communiste en Yougoslavie, en 1993.
Distanciation des Oustachis
La chercheuse de l’Université de New York City explique qu’Alojzije Stepinac avait effectivement sympathisé, au début, avec le parti pro-nazi des Oustachis, célébrant des messes pour eux et leur donnant la communion. C’est principalement ces activités qui lui ont valu d’être accusé plus tard de collaboration avec l’ennemi. Mais, d’après Esther Gitman, celui qui a été nommé archevêque de Zagreb en 1937, s’est rapidement rendu compte de l’ignominie du régime oustachi. Il a cependant maintenu une relation civile avec le parti, afin de mieux pouvoir agir sur lui et de tirer le meilleur d’une situation intolérable.
Deux moins après le début de la guerre, Mgr Stepinac a cependant commencé à se distancer du régime. Il a écrit des lettres aux ministères de l’Intérieur et au fondateur des Oustachis, Ante Pavelic, pour leur demander de changer leur politique envers les juifs.
La priorité de sauver des vies
Selon Gitman, le prélat croate avait en fait commencé à organiser un soutien pour les juifs dès 1936, en particulier en récoltant des fonds pour ceux qui fuyaient les persécutions. Il a été ensuite critiqué pour convertir hâtivement des juifs au catholicisme. Beaucoup de ces convertis ont survécu, certains abandonnant plus tard leur nouvelle foi. Le prélat avisait son clergé en ces termes: «Lorsque des juifs ou des chrétiens orthodoxes viennent vous trouver parce que leurs vies sont en danger, et qu’ils demandent de se convertir le plus vite possible au catholicisme, acceptez les…ne demandez pas de connaissances spéciales de leur part, parce que les orthodoxes sont des chrétiens, comme nous, et que la foi juive est la source de la foi chrétienne». Pour Mgr Stepinac, le rôle et le devoir des chrétiens était avant tout de sauver des vies. «Lorsque cette folie sera terminée, ceux qui se seront convertis par conviction resteront dans notre Eglise, les autres retourneront à leur foi», affirmait-il.
Pas reconnu par Yad Vashem
A la fin de la guerre, l’archevêque s’opposa au régime communiste. Ce dernier l’accusa de crimes de guerre et de collaboration avec les nazis. Il passa cinq ans en prison.
Il fut élevé au rang de cardinal en 1952 et mourut en 1960. Le pape Jean Paul II le béatifia en 1998, après l’avoir déclaré martyr de l’Eglise. Après une guérison inexpliquée qui lui a été attribuée et validée en février dernier, sa cause en canonisation est en bonne voie, à Rome. Certains milieux défendent cependant encore la version d’un Mgr Stepinac collaborateur et criminel de guerre. Yad Vashem, l’organisation israélienne de commémoration de l’Holocauste, a refusé jusqu’à maintenant de lui donner le titre de «Juste parmi les nations». (apic/arch/catw/rz)