Un scrutin déterminant pour l’avenir du «pays des cèdres»

Liban: Les évêques maronites en conclave pour élire un nouveau patriarche

Beyrouth, 10 mars 2011 (Apic) 39 évêques en charge des différents diocèses maronites répartis aux quatre coins du monde sont en conclave depuis mercredi 9 mars au siège patriarcal de Bkerké, près de Beyrouth, pour élire un nouveau patriarche d’Antioche des maronites. Il prendra la succession du cardinal libanais Nasrallah Pierre Sfeir, dont la démission comme patriarche a été acceptée fin février par le pape Benoît XVI.

Les Libanais, dans leur grande majorité, considèrent que le résultat du scrutin sera déterminant pour l’avenir de leur pays, en reconnaissant que le patriarche Sfeir a joué un rôle essentiel dans l’histoire du «pays des cèdres» au cours de ces vingt dernières années.

Le cardinal Sfeir fêtera ses 91 ans le 15 mai prochain. Il a été un «phare» durant les 15 années de guerre civile qui ont ensanglanté le Liban, relèvent ses partisans. Son hostilité à l’ingérence syrienne dans les affaires libanaises lui a valu des inimitiés dans les milieux prosyriens. Certaines factions maronites, notamment celle du général Michel Aoun, alliée du Hezbollah, se sont opposées ces dernières années à Bkerké. Mercredi 9 mars, au sortir d’une rencontre avec le patriarche Nasrallah Sfeir à sa résidence de Bkerké, Michel Aoun, chef du Courant Patriotique Libre, le bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, a affirmé qu’»il n’y a jamais eu de malentendu entre nous, mais deux points de vue (…), cela ne veut pas dire qu’il y avait de l’hostilité».

«L’importance du scrutin est énorme, à l’aune du rôle immense joué par Mgr Sfeir dans la vie du pays ces vingt dernières années», écrit jeudi 10 mars le journaliste Fady Noun, du quotidien beyrouthin «L’Orient-Le Jour».

39 évêques maronites participent au scrutin

Le collège électoral qui doit élire le futur patriarche est formé de 41 évêques, mais deux d’entre eux, Hanna Chédid et Estephan Doueihy, sont absents pour cause de santé. Le collège électoral est donc réduit à 39 évêques, dont les deux tiers ont dépassé les 70 ans. L’élection doit se faire aux deux tiers des suffrages. A raison de quatre votes par jour, des sources estiment qu’un nouveau patriarche sera élu dans un délai d’une semaine au plus. Les votes sont secrets et les bulletins détruits après la publication des résultats de chaque tour de scrutin.

Pour Fady Noun, il va de soi que les évêques à la retraite ont peu de chances d’être élus, ainsi que les évêques dont l’état de santé est aléatoire. Les évêques trop jeunes ont également moins de chances d’être élus, estime-t-il, «car cela risque de prolonger leur règne au-delà de la raison». Il reconnaît toutefois que cette donnée reste contingente, personne ne pouvant préjuger de la longévité d’un homme, comme l’a amplement prouvé le patriarche Nasrallah Sfeir, élu chef de l’Eglise maronite à l’âge de 66 ans, et qui va atteindre en mai ses 91 ans!

L’aggiornamento de l’Eglise maronite est souhaité par le clergé et les fidèles

De même, certains critères internes à l’Eglise maronite sont déterminants: les évêques préfèrent que le futur patriarche vienne du clergé diocésain et non des ordres religieux. De plus, souligne le journaliste du quotidien francophone beyrouthin, le fossé des générations existe aussi, et «il va de soi qu’un évêque choisi dans la tranche d’âge supérieure sera moins ouvert à ’l’aggiornamento’ souhaité par le clergé et les fidèles», dans le sillage du Synode patriarcal maronite qui s’est tenu entre 2003 et 2006, et de l’Exhortation apostolique post-synodale de Jean Paul II «Une espérance nouvelle pour le Liban» (1997).

Ces textes induisent ou prévoient le renouvellement des structures du patriarcat, l’installation d’un secrétariat et la création de conseils, un peu à l’image de ce que l’on voit au Vatican.

Il va de soi que la présence d’un secrétariat, l’institutionnalisation de certains efforts de Bkerké, ne sauraient qu’enrichir le rôle national que joue le patriarcat maronite. «Encore faut-il les vouloir!», insiste Fady Noun.

Pas d’intervention du Saint-Siège dans l’élection

A la question du rôle du Vatican dans l’élection du patriarche, le cardinal Leonardo Sandri a répondu, avant son départ pour Rome: «Le Saint-Siège n’interviendra pas!». «En principe, le Saint-Siège respecte les particularités des Eglises orientales et les mécanismes de vote posés dans le code canon de ces Eglises. En cas d’impasse, cependant, le Vatican pourrait avoir son mot à dire», poursuit le journaliste de «L’Orient-Le Jour».

Compte tenu de toutes ces données, les trois principaux candidats à la succession du patriarche Sfeir étaient, à la veille du conclave, son vicaire Mgr Roland Aboujaoudé (80 ans), Mgr Youssef Béchara (76 ans), évêque d’Antélias, et Boulos Matar (70 ans), archevêque de Beyrouth. Selon des milieux ecclésiastiques, la bataille initiale opposerait Mgr Youssef Béchara, qui dispose d’un capital de départ d’une quinzaine de voix, à Mgr Roland Aboujaoudé, partisan d’un «patriarcat de transition» qui permettrait le rajeunissement du corps électoral prochain par l’élection de remplaçants à la dizaine d’évêques ayant atteint ou devant atteindre dans les trois prochaines années l’âge de la retraite (74 ans). (apic/orj/be)

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10 mars 2011 | 10:36
par webmaster@kath.ch
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