Jérusalem: Une coutume bruyante pour marquer la rupture de la journée de jeûne pendant le Ramadan

Une famille musulmane annonce la rupture du jeûne par un coup de canon

Jérusalem, 14 juillet 2013 (Apic) La tradition du canon de Ramadan date depuis la nuit des temps dans les pays musulmans. Au coucher du soleil, la bruyante détonation indique la rupture d’une longue journée de jeûne du Ramadan. Être canonnier est une tâche honorable transmise de génération en génération, du père au fils. Reportage à Jérusalem.

Un petit portail en fer donne accès au cimetière musulman «A Sa’ira» à quelques pas de la vieille ville de Jérusalem. Les murailles brillent dans les derniers rayons de soleil. La vie entre la rue Salah-ed-Din et ces petits marchés, centre animé du quartier, jaillit dans ces quelques moments qui précèdent le coucher du soleil – moment ardemment désiré par la population musulmane croyante.

Pourtant, le silence contrastant de l’enclos funéraire n’est guère inattendu. Entre des sourates gravées sur des pierres tombales, le canonnier Rafat Sandouqa contrôle une dernière fois l’heure. Puis le fracas d’une détonation perce la nuit tombante – signe de la rupture d’une longue journée de jeûne de Ramadan.

La tradition du canon de Ramadan date depuis la nuit des temps. «Min zaman», sourit le jeune Palestinien. La tâche est transmise de génération en génération, de père en fils, explique Rafat, qui a appris le métier de son père Rajaj. «Mon grand-père, se souvient-il, tirait déjà avec un vrai canon.» Cette relique du temps ottoman se trouve aujourd’hui au musée d’Al Aksa.

Une tradition ancienne

La tradition du coup du canon de Ramadan est née il y a plus de mille ans – et par hasard, ajoute Rajaj Sandouqa: «Un calife du Caire a reçu comme cadeau un canon. Il ordonna un coup d’essai – justement un premier jour de Ramadan au moment du coucher du soleil. La population entendit le coup de canon et le considéra comme signe de la rupture du jeûne. Ainsi les coups de canon furent répétés les jours suivants.» La coutume s’est rapidement propagée dans d’autres pays. «Partout en Palestine, on avait des canons», raconte Rajaj. Seul le canon de Jérusalem a survécu, même s’il «n’est plus le même», regrette le canonnier.

Les temps ont beaucoup changé ces derniers 120 ans, depuis que la famille Sandouqa a repris cette bruyante tradition. Aujourd’hui, un seul coup, le matin, annonce le début du jeûne, le deuxième déclare sa rupture. Le coup de canon suivant au petit jour, avant le réveil, n’est plus exécuté. Aussi, avec le passage du canon à pyrotechnie moderne, la portée du tonnerre et de la fumée est moins étendue, expliquent les canonniers.

«Jusqu’à il y a dix ans, nous avons utilisé le canon jordanien qui est encore sur le cimetière», dit Rajaj Sandouqa. «Aujourd’hui, tous les matins un spécialiste israélien vient avec la charge explosive dans une boîte en métal qui est allumée par télécommande.»

Jamais depuis qu’il est en charge, il n’y a eu d’accidents, et même les ratés d’allumage sont rares. Néanmoins, les consignes deviennent plus strictes chaque année. Rajaj Sandouqa hoche la tête. «Après plus de vingt ans comme canonnier, ils m’ont obligé de faire un cours de pompier à Tel Aviv.» Et depuis deux ans, ajoute-t-il, un gardien accompagne la livraison de la charge explosive et un policier israélien surveille le portail d’entrée au cimetière.

Les temps changent

Par moments, le canonnier caresse l’idée d’en finir avec les coups de canon. Au temps de la radio et des autres médias, personne n’a plus besoin de tonnerre et de fumée pour connaître les périodes de jeûne. Mais Rajaj Sandouqa pense au siècle qui lie sa famille avec les canons du cimetière et transmet son savoir aux deux fils aînés.

La coutume du canon de Ramadan captive le Palestinien. En dehors du mois de Ramadan, Sandouqa senior travaille comme acteur et auteur dramatique. Il écrit un manuscrit sur le dernier des canons palestiniens.

Tonnerre et fumée se perdent au loin, et soudain le calme remplace l’activité habituelle. Une longue journée de jeûne est arrivée à sa fin et les repas longuement attendus créent un répit avant que la vie empressée ne reprenne dans les rues du quartier. Rajaj et son fils Rafat se hâtent de rentrer à la maison où leurs proches les attendent avec le repas. Demain matin, vers quatre heure, le musulman va à nouveau tirer son canon, annonçant le début d’un autre jour de jeûne du mois de Ramadan. (apic/kna/cw)

14 juillet 2013 | 11:46
par webmaster@kath.ch
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