Lausanne : Les féministes refusent l’interdiction du port du voile dans l’école publique
Une grossière manipulation populiste
Lausanne, le 6 mai 2010 (Apic) Quatre collectifs féministes s’insurgent contre une motion du député Pierre-Yves Rapaz de l’Union démocratique du centre (UDC). En vue d’une prétendue promotion de « l’épanouissement de la fille musulmane », le texte exige du Conseil d’Etat vaudois d’interdire le port du voile tout au long de la scolarité obligatoire. « Hypocrite, raciste et sexiste », s’indignent Emilie Bovet et Justine Detraz, deux jeunes féministes du Mouvement de lutte contre le racisme.
Le Mouvement de lutte contre le racisme, les Sorcières en colère, le Collectif L. et la Furie collective. Les noms désignent 4 collectifs farouchement opposés à la motion du député UDC Pierre-Yves Rapaz sur l’interdiction du port du voile dans l’école publique* .
En novembre dernier, l’homme de droite a déposé une motion qui demande au Conseil d’Etat vaudois de modifier la loi scolaire pour introduire l’interdiction du port du voile tout au long de la scolarité obligatoire. Le politicien entendait ainsi se servir de la loi pour barrer la route aux manifestations qui tendraient, selon lui, à tolérer la soumission d’un sexe par un autre au moyen de symboles religieux. « Cette motion instrumentalise le droit des femmes à des fins islamophobes », réplique Emilie Bovet co-coordinatrice du Mouvement de lutte contre le racisme (MLCR), association qui poursuit sa campagne contre l’islamophobie en signant une prise de position publique. Pour la féministe, Pierre-Yves Rapaz surfe sur la vague de la victoire de l’UDC sur la votation anti-minarets. « il faut enrayer ce processus qui stigmatise et discrimine les musulmanes et les musulmans et les enferme dans un « communautarisme », dit haut et fort Justine Detraz, co-coordinatrice du MLCR. «Le député veut prendre le problème de la soumission par le bout du foulard islamique. C’est inacceptable», estime-t-elle en ajoutant que la Suisse a encore beaucoup à faire sur d’autres plans si elle veut instaurer une véritable égalité entre hommes et femmes.
Sexisme et le patriarcat restent d’actualité en Suisse.
Pour les deux féministes, le sexisme et le patriarcat restent pleinement d’actualité. «Le pouvoir actuel défend la domination des hommes envers les femmes et maintient des rôles sociaux », peut-on lire dans la prise de position rédigée au nom du MLCR. C’est ici-même qu’elles démontrent combien la violence conjugale demeure la première cause de mortalité pour les femmes de 15 à 44 ans. D’après les militantes antiracistes, une femme sur 5 est victime de violences sexuelles. Elles ajoutent que la Suisse ne fait pas exception en matière de division sexuelle du travail. Ainsi, elles condamnent la motion du député Rapaz et de tous ceux qui , comme lui, appellent à l’interdiction du port du voile en invoquant les principes d’égalité au même moment qu’ils bafouent les acquis sociaux issus des luttes féministes de longue haleine. Elles pensent entre autres ici à l’initiative du parti évangélique (PEV), de l’UDC, de l’Union démocratique fédérale (UDF) et de membres du PDC qui demandent de supprimer les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base. «C’est une attaque de plein fouet aux droits des femmes», s’indignent-elles dans la réaction à la motion Rapaz.
Privilégier une culture de liberté d’expression
Enfin, Emilie Bovet et Justine Detraz proposent des pistes pour instaurer une véritable laïcité que ce soit en Suisse ou dans le reste de l’Europe judéo-chrétienne. Pour les militantes en colère, il faut privilégier une culture de liberté d’expression et de la libre pensée, un ordre institutionnel instaurant la séparation entre institutions religieuses et institutions étatiques, tout en garantissant la liberté de pratiquer ou de quitter sa religion, de la critiquer, le tout notamment grâce à l’exercice des droits démocratiques.» Au vu de l’actualité sur le voile, les deux Vaudoises savent que ce combat contre l’islamophobie s’avère difficile. Elles confient cependant qu’elles resteront déterminées à aller jusqu’au bout pour que le peuple suisse comprenne qu’une telle motion et l’ensemble des discours qui l’entourent relèvent d’une grossière manipulation. (Apic/Dng)