Genève: L’Espace solidaire Pâquis: quand un temple se mue en un lieu d’écoute et d’activités

Une initiative originale de l’Eglise protestante de Genève

Genève, 15 décembre 2009 (Apic) Un temple au cœur d’un quartier hanté par les dealers, les vendeurs de drogue. L’Eglise protestante de Genève (EPG) et des habitants du lieu en ont fait un espace de convivialité. Qui, depuis quelques mois, voit sa fréquentation exploser. Visite.

Les Pâquis. Ces derniers temps, il a beaucoup été question dans la presse de ce quartier de Genève, entre gare et lac. A cause de l’insécurité et de la violence, montées en épingle par certains politiciens plus ou moins populistes. Cependant, nul ne nie la réalité du phénomène. Françoise Bourquin, diacre de l’Eglise protestante, l’attribue aux dealers et à leurs clients. Et pas du tout aux «dames de la rue», les prostituées, également fort présentes sur les trottoirs.

Le problème, ce ne sont pas les «dames de la rue»

A peine à l’écart des bars et autres lieux «mal famés», un temple d’allure tout ce qu’il y a de plus traditionnelle. Vu de l’extérieur. Parce qu’à l’intérieur, c’est différent. Des tables, des chaises dans tous les sens. Avec des thermos de café ou de thé, des machines à coudre, des ordinateurs, une «salle de classe» improvisée où une douzaine de convives sont en train de prendre leur repas… Et, tout de même, un coin de méditation. Les personnes qui se trouvent entre ces murs n’ont pas non plus – en tout cas pas toutes – la dégaine des ouailles habituelles des paroisses. Nombre d’entre elles se trouvent dans la précarité, il y a des étrangers, des enfants… Et des bénévoles, tant du quartier que du ministère protestant Evangile et Travail.

«Quand je suis arrivée ici, vers 2000-2001, il n’y avait plus qu’un culte par mois», raconte Françoise Bourquin. Il s’agissait de mettre des activités sur pied. On s’est tourné vers les associations d’habitants qui avaient le souci d’améliorer l’ambiance dans le quartier. Se sont ainsi créés, notamment, des groupes de conversation française. Françoise s’est consacrée, avec d’autres, à une tâche d’écrivain public.

Le «Bureau du Citoyen»

En janvier 2009 s’est constituée une association appelée «Espace solidaire Pâquis», précisant «laïque, multiculturelle et à but non lucratif». Le temple – qui n’appartient plus à la paroisse locale – est désormais voué à l’écoute et à la convivialité. La fonction d’écrivain public est maintenant appelée «Bureau du Citoyen». On y vient pour écrire une lettre, remplir un questionnaire, régler un problème avec son assurance, chercher des renseignements…

On continue les rencontres de conversation française. Il y a encore un atelier informatique et un atelier de couture et tricot. Et, spécialement le mercredi, du soutien scolaire. Plus l’entretien du jardin qui entoure le temple et d’autres activités plus ponctuelles.

Depuis septembre, la fréquentation a explosé. «Ces dernières semaines, nous avions jusqu’à une soixantaine de personnes différentes par jour. Avec chacune, on a un bout d’entretien, on répond à une question, on fait un téléphone… Cela exige une grande concentration. On commence à 9h. Quand on ferme, à 18h, on est sur les genoux», poursuit Françoise Bourquin.

D’où vient-on ? «D’un peu partout. De tout le canton, de France voisine, d’ailleurs. Quand la crise économique a brutalement touché l’Espagne, peu après on a vu arriver plein de gens de ce pays». Quelques habitués vivent dans la rue, dormant quand ils le peuvent dans un abri de l’Armée du Salut ou de la Ville. Certains ont un petit emploi et un logement qu’ils partagent à plusieurs. Des mamans étrangères apprennent le français et amènent leurs enfants. «On voit des personnes, y compris des femmes voilées, qui se recueillent dans notre coin de méditation. Des prostituées allument un cierge, pleurent parfois, cherchent du réconfort».

Se remettre debout

Une partie du succès, estime Françoise Bourquin, vient du fait qu’il n’y a rien de trop organisé. «On s’adapte, chaque jour est différent. Quand des personnes se présentent pour faire du français, hop ! on forme un groupe de conversation française. Parmi elles, nous avons un cuisinier. Alors, on se cotise pour les achats et il prépare le repas de midi. On a un ami, un Français, qui est coiffeur. Il coupe les cheveux, mais il peut aussi faire du français…».

«Nous ne donnons pas de cours, nous faisons de l’initiation». L’objectif: que les gens acquièrent les 500 ou 600 mots permettant de se débrouiller dans la vie quotidienne. Cependant, l’an prochain on enseignera la grammaire. On ne délivre aucun diplôme». Si quelqu’un en a besoin – pour obtenir un emploi – il doit fréquenter une école pour adultes. C’est Riadh Ben Attia qui me donne ces indications. Habitant du quartier d’origine tunisienne, au chômage, il bénéficie d’un emploi-formation à l’Espace solidaire Pâquis. Une autre partie du succès est sans doute due à sa présence quotidienne depuis l’automne dernier.

Riadh confirme les propos de Françoise: «Nous sommes flexibles. Tu viens quand tu veux, tu peux lire un journal, utiliser internet, rédiger ton CV, apprendre à coudre, jardiner… Toutes les activités menées ici favorisent l’apprentissage du français». Des «bénéficiaires» rendent à leur tour des services et deviennent des bénévoles. On leur permet de se remettre debout ? «Exactement. C’est ce que je dis toujours!». Personne n’est sans ressources. «Il suffit de savoir ce que tel ou tel souhaite et est capable de faire et de le valoriser, de lui dire c’est bien, continue ! Il est remotivé et c’est reparti !» Des photos de ce reportage peuvent être commandées à l’agence Apic: apic@kipa-apic.ch. (apic/mba/be)

15 décembre 2009 | 14:35
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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