Tunisie: Human rights watch dénonce un projet de loi sur la diffamation des religions
Une menace contre la liberté d’expression, estime l’organisation
Tunis, 9 août 2012 (Apic) Human rights watch (HRW), organisation américaine de défense des droits de l’homme, dénonce un projet de loi sur la diffamation des religions en Tunisie, déposé le 1er août au parlement par le parti islamiste Ennahda, au pouvoir.
Le texte vise à punir «l’atteinte au sacré» , ce qui implique les attaques contre Dieu, ses prophètes, les livres saints, la sunna de son dernier prophète Mohammed, la Kaaba, les mosquées, les églises et les synagogues. Le projet de loi précise que l’offense peut prendre la forme d’insultes, d’ironie, de sarcasme, de dérision ou bien de profanation physique ou morale de la sacralité des valeurs religieuses. Elle peut être commise au travers de mots, d’images ou d’actes. Toute représentation figurative de Dieu et des prophètes serait également punie.
Le projet de loi prévoit une peine allant jusqu’à deux ans de réclusion et une amende de 2’000 dinars (1’200 francs suisses). En cas de récidive, la période d’incarcération et l’amende seraient doublées.
Ce projet de loi fait suite à des manifestations de grande ampleur, le 10 juin, contre une exposition d’art près de Tunis qui présentait des œuvres jugées par certains tunisiens «insultantes envers l’islam et les sentiments des musulmans».
La Tunisie est soumise au droit international qui garantit la liberté d’expression
Dans un communiqué, HRW a rappelé que le droit international concernant les droits humains, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, tous deux ratifiées par la Tunisie, garantissent la liberté d’expression et n’autorisent les gouvernements à la limiter que sous des circonstances à la fois restreintes et clairement définies.
Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’organisation, a déclaré que s’il était adopté, ce projet de loi introduirait une nouvelle forme de censure en Tunisie, pays qui en a déjà tellement souffert sous le président déchu.
La liberté d’expression déjà attaquée
Depuis que le président Ben Ali a été chassé du pouvoir en janvier 2011, les tribunaux tunisiens ont cependant emprisonné des personnes pour des discours «insultants envers l’islam ou les musulmans», en l’absence de telles lois. Ils se sont servis de l’article 121-3 du code pénal qui pénalise les actes troublant l’ordre public ou les bonnes mœurs.
Récemment, un tribunal de Mahdia, au sud de Tunis, a condamné deux jeunes hommes à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur internet des caricatures et des commentaires se moquant du prophète Mohammed de façon obscène. «Les législateurs tunisiens devraient travailler à abolir les lois qui sont toujours utilisées pour museler la liberté d’expression, au lieu d’en ajouter», a préconisé Eric Goldstein.
Encadré
Cheikh Abdelfattah Mourou, théologien et cofondateur du mouvement islamiste tunisien Ennahda, a été agressé le 5 août lors d’une conférence sur la tolérance en islam à Kairouan, au centre de la Tunisie, ont rapporté les médias tunisiens. Lors de la rencontre, le membre d’un groupe salafiste tunisien lui a lancé un verre en pleine figure, le blessant au front.
Cheikh Mourou a perdu connaissance et a été transporté à l’hôpital. Son agresseur a été arrêté.
«Cette agression n’est pas un acte isolé mais plutôt un phénomène qui se répète et que l’on doit diagnostiquer et traiter», a déclaré Cheikh Mourou.(apic/ibc/rz)