«Une mère innocente condamnée à mort aux Etats-Unis»

Lausanne: Nouvel ouvrage du militant contre la peine de mort Jacques Secretan

Lausanne, 17 mars 2011 (Apic) Depuis plus de deux décennies, l’Américaine Debra Milke, qui vient de fêter le 10 mars dernier ses 47 ans, croupit dans le couloir de la mort de la prison de Perryville, en Arizona. Elle a – selon la justice américaine – commandité le meurtre de son fils âgé de 4 ans. «Il s’agit une mère innocente, victime d’une grave erreur judiciaire», lance le journaliste vaudois Jacques Secretan, infatigable militant contre la peine de mort. Il vient de publier aux éditions Favre «Une mère innocente condamnée à mort aux Etats-Unis».

Ses recherches sur le sort de Debra Milke, cette jeune Américaine âgée 25 ans lors du drame qui s’est déroulé début décembre 1989, montrent une justice américaine oppressante, ne sachant que très difficilement reconnaître ses torts. Cette justice semble plus intéressée à trouver des coupables présumés que de mener une enquête complète et impartiale. Debra Milke a été condamnée à mort uniquement sur la base d’un rapport écrit par un seul policier, sans autre témoin.

Une conviction personnelle acquise avant même d’avoir rencontré la suspecte

Deux hommes ont rapidement été reconnus coupables du meurtre du jeune Christopher Milke. Cependant, l’inspecteur de police Armando Saldate, uniquement sur la base de sa conviction personnelle, réussit à persuader la justice que les meurtriers avaient agi sur ordre de Debra Milke. Et le policier est arrivé à cette conclusion définitive après un interrogatoire – réalisé sans les formalités requises – mené juste après le drame, auprès d’une mère paniquée qui venait de perdre son enfant. Cet échange a été mené sur le ton d’une conversation informelle, que le policier n’a ni enregistré (*) ni fait signer par la suspecte. L’inspecteur avait d’ailleurs acquis son «intime conviction» de la culpabilité de celle qu’il suspectait avant même d’avoir rencontré pour la première fois Debra Milke.

Au début du mois de mars, le journaliste indépendant Jacques Secretan a fait paraître l’ouvrage «Une mère innocente condamnée à mort aux Etats-Unis», dans le but de tenter sauver de cette femme vieillie avant l’âge suite à sa longue incarcération. Ce livre vise à déceler certains des mécanismes qui peuvent aboutir à la condamnation ou même à l’exécution de personnes innocentes, dans ce pays qui se targue d’être à la pointe du respect des droits de l’Homme.

Environ 3’600 condamnés à mort en attente d’exécution

Quarante-six personnes ont été exécutées aux Etats-Unis en 2010, dont plus d’un tiers dans le seul Etat du Texas, contre 98 en 1999. Le nombre d’exécutions et de condamnations à mort est en déclin constant depuis dix ans dans le pays, «mais il y a toujours actuellement environ 3’600 condamnés à mort, dont une centaine de femmes; Debra Milke pourrait bien être, en 40 ans, la seconde femme dans le couloir de la mort à être reconnue innocente. Jusqu’ici, une seule femme l’a été, et cela fait une quinzaine d’années!»

L’enquête de Jacques Secretan – qui a fait de fréquents séjours aux Etats-Unis pour rencontrer des condamnés à mort dans leur prison – montre que dans ce pays, l’importance de trouver un coupable prime sur celle de mener une enquête complète et juste. Depuis plus d’une décennie, le journaliste romand rencontre des condamnés à mort aux Etats-Unis.

Jacques Secretan a déjà produit un film documentaire sur l’affaire Jaime Elizalde, un prisonnier exécuté en 2006 par l’Etat du Texas. Il a par ailleurs fondé, en 2007 à Lausanne, l’association «Vie en jeu» (www.life-on-edge.info) qui aide des personnes victimes de graves dénis de justice, en priorité des condamnés à mort qui se battent pour prouver leur innocence.

(*) Jacques Secretan rappelle, dans son ouvrage, qu’environ 25% des condamnés à mort aux Etats-Unis, reconnus innocents à la suite d’une analyse ADN ou par d’autres éléments de preuve, avaient été jugés coupables sur la base d’aveux qui se sont révélés faux. Ce constat a incité de nombreux Etats américains à rendre obligatoire l’enregistrement des interrogatoires de police.

Au programme du Festival du film et Forum international sur les droits humains, qui s’est tenu à Genève jusqu’au 13 mars, figurait le documentaire «Debra Milke», de Jean-François Amiguet et Gesenn Rosset, réalisé grâce au travail du journaliste lausannois Jacques Secretan qui lutte depuis des années pour la réhabilitation de Debra Milke. (apic/be)

17 mars 2011 | 16:42
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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