Le projet de loi italien anti-homophobie a fait réagir le Vatican | © Melchior Eltlin
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Vatican: pourquoi la polémique sur le projet de loi anti-homophobie

Une note diplomatique du Saint-Siège a été communiquée à l’Italie le 17 juin 2021 exprimant une inquiétude quant à un projet de loi pour lutter contre l’homophobie notamment. La révélation de cette note dans la presse suscite une vive polémique en Italie. Explications.

Qu’est-ce que le «projet Zan»?

Le projet de loi porte le nom du député Alessandro Zan, membre du parti démocrate et par ailleurs membre de la communauté LGBT. Le projet vise à «prévenir et à combattre la discrimination et la violence fondées sur le sexe, le genre, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et le handicap».

Il prévoit en outre la mise en place d’une journée contre «l’homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie». En novembre 2020, le projet de loi est passé devant la Chambre des députés. Il est actuellement examiné par la Commission Justice du Sénat italien.

Quelle est la position de l’Église italienne sur ce projet?

«Homophobie, pas besoin d’une nouvelle loi», écrivait le président de la Conférence épiscopale italienne, le cardinal Gualtiero Bassetti, en juin 2020, après avoir pris connaissance du projet en question. «Une éventuelle introduction de nouvelles règles incriminantes risquerait d’ouvrir la voie à des dérives liberticides», s’inquiétait-il, sans pour autant nier que «la discrimination – y compris celle fondée sur l’orientation sexuelle – est une violation de la dignité humaine».

En mai dernier, il nuançait quelque peu. «Si une loi spécifique contre l’homophobie est considérée comme utile, c’est très bien», affirmait-il, avant de préciser qu’elle devrait toutefois être plus claire. «Tel qu’il est aujourd’hui, c’est un texte qui se prête à diverses interprétations et peut conduire à d’autres questions qui n’ont rien à voir avec l’homophobie, les insultes ou la violence».

En quoi consistent les révélations du Corriere della Sera?

Le 22 juin, le Corriere della Sera révèle que le Saint-Siège a communiqué une «note verbale» à l’ambassade de l’Italie près le Saint-Siège, le 17 juin. C’est Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États, qui s’en est chargé. Selon le quotidien italien, la note exprime des inquiétudes concernant certains aspects de la loi en cours d’examen au Sénat; des éléments qui «réduisent la liberté garantie à l’Église catholique» par la révision du Concordat en 1984.

Au-delà de la question spécifique de l’organisation de la Journée nationale contre l’homophobie dans les écoles privées catholiques, le Corriere explique que le Vatican s’inquiète plus largement d’une atteinte à la «liberté de pensée» de la communauté catholique. Pour le journal, l’Église craint que l’approbation de la loi puisse entraîner des risques judiciaires pour des catholiques.

Le Vatican est-il réellement intervenu?

Le jour même des révélations, L’Osservatore Romano, journal officiel du Saint-Siège, a inséré un encart confirmant qu’une note de la Secrétairerie d’État avait bien été remise à l’ambassadeur d’Italie près le Saint-Siège le 17 juin. Et d’expliquer qu’il s’agissait de demander une reformulation du projet de loi pour garantir le bon respect du Concordat révisé en 1984. Le projet «risque d’interférer, entre autres, avec le droit des catholiques et de leurs associations et organisations à «la pleine liberté de communion et de manifestation de la pensée […]», comme le prévoit l’article 2 du Concordat.

Sans doute dans un même souci de pédagogie, Vatican News, l’autre média du Saint-Siège, a par ailleurs diffusé un entretien avec un juriste détaillant les raisons selon lesquelles le projet de loi actuel pose problème.

Pourquoi cette note diplomatique crée-t-elle la polémique?

«Jamais auparavant, […] l’Église n’était intervenue dans le processus d’approbation d’une loi italienne», affirme le Corriere della Sera qui assure qu’il s’agit là d’un acte «sans précédent» dans l’histoire des relations entre les deux États, ou du moins, «sans précédent public».

«Il ne peut y avoir d’ingérence étrangère dans les prérogatives d’un parlement souverain», a réagi le député Alessandro Zan sur son compte Twitter, ajoutant que le projet avait déjà été approuvé par une branche du Parlement «à une large majorité» et que le processus n’était pas encore terminé. Pour lui, le «texte ne restreint en aucun cas la liberté d’expression, ainsi que la liberté religieuse. Et il respecte l’autonomie de toutes les écoles».

Dans la classe politique italienne, certains ont crié au scandale tandis que d’autres ont souligné le droit de l’Église d’appeler au bon respect du Concordat.

Du côté du Vatican, une source interne reconnaît un certain embarras suscité par la divulgation de cette note diplomatique qui aurait dû rester confidentielle.

On se défend toutefois d’une quelconque volonté d’ingérence. Dans l’entretien publié par Vatican News, Cesare Mirabelli explique que la note a pour objectif de «signaler» le fait que certains aspects de la loi pourraient être contraires à l’esprit du Concordat. Sans jamais contester la légitimité de l’État italien de protéger certaines catégories de personnes, il explique que la libre expression des convictions catholiques pourraient, avec ce texte, être menacée. (cath.ch/imedia/hl/bh)

Le projet de loi italien anti-homophobie a fait réagir le Vatican | © Melchior Eltlin
23 juin 2021 | 17:58
par I.MEDIA
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