Jésus: une autre vision du monde pour améliorer la santé mentale

Vaud: Pour Jacques Besson, les psychiatres doivent collaborer avec les théologiens

Déo Negamiyimana, pour l’Apic

Lausanne, 11 avril 2008 (Apic) Bien que de nombreux psychiatres soient agnostiques, le Professeur Jacques Besson pense qu’ils devraient travailler, dans certains cas, de concert avec les théologiens dans le but d’assurer un meilleur service de santé communautaire.

Interview d’un médecin dont la longue expérience allie science et foi, comme il l’a dernièrement déclaré dans une conférence intitulée «L’expérience mystique au risque de la psychiatrie» qu’il a récemment donnée à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne.

Apic: Depuis quand vous intéressez-vous aux relations entre psychiatrie et religion?

Pr. Jacques Besson: En 2006, alors que j’exerçais la fonction de vice-recteur de l’Université de Lausanne, j’ai eu l’occasion de développer des programmes de recherche interdisciplinaires. Après de nombreuses visites dans les différentes facultés, le dialogue entre psychiatrie et théologie m’a paru des plus intéressants. De plus, ayant effectué ma thèse de doctorat sur le rapport entre la psychanalyse et le pasteur Pfister (pasteur et pédagogue zurichois; 1873-1956) en 1986, ce fut pour moi une occasion rêvée de renouer avec un de mes domaines de recherche de prédilection.

Apic: Quand vous lisez la Bible, quel est votre avis de psychiatre sur la personne de Jésus?

JB: Selon moi, Jésus ne remplit pas les critères d’un mystique délirant. Il en est de même pour certains autres personnages bibliques comme Paul. Jésus apporte un message spécial au monde. Il tient un discours cohérent. C’est un homme apaisé. Il porte un regard différent sur le monde. Il veut améliorer la compréhension communautaire de manière concrète par la solidarité, le pardon, l’humanité, et finalement la santé mentale.

Apic: Comment est-ce que la vie spirituelle est perçue en psychiatrie?

JB: Pour la psychiatrie moderne, l’expérience spirituelle fait partie de la vie psychique normale. Toutes les études le prouvent et il me paraît important de le rappeler à l’opinion publique. Evidemment, dans certains cas, on entre dans les critères d’un tableau clinique. Dans le délire mystique, par exemple, les patients manifestent des troubles du comportement et peuvent tenir des propos non reconnus par la communauté. Depuis quelques années, les psychiatres disposent de moyens efficaces pour diagnostiquer ces symptômes cliniques, quelle que soit la culture du patient.

Apic: Y a-t-il de nombreux cas de délires mystiques dans le canton?

JB: Bien qu’il n’y en ait pas plus qu’ailleurs, il n’est cependant pas rare de rencontrer des individus se considérant comme des êtres exceptionnels affirmant parfois même avoir des relations privilégiées avec Dieu. Ils peuvent alors être agressifs ou tenir des discours imprécateurs. Nous pouvons sans peine les identifier et leur venir en aide en ayant potentiellement recours à une hospitalisation.

Apic: Comment pourriez-vous concrètement collaborer avec des théologiens pour améliorer la santé communautaire?

JB: En Suisse comme ailleurs, la collaboration se fait déjà. Des pasteurs ou des prêtres peuvent consulter les psychiatres pour des cas, connus ou suspectés, de troubles psychiques dans leurs paroisses. Ces prochaines années, une intervision entre la psychiatrie et la théologie permettra certainement un éclairage interdisciplinaire bénéfique pour la santé publique. En effet, face aux nombreux troubles psychiques, comme l’addiction ou la dépression, la prise en compte de l’aspect spirituel de la personne constituera sans aucun doute un facteur de progrès pour l’expérience thérapeutique. (apic/dng)

11 avril 2008 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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