Vers une interdiction des signes religieux «ostentatoires» sur la place de travail

Québec: Le projet de charte des valeurs québécoises inquiète les communautés religieuses

Montréal, 4 novembre 2013 (Apic) Le projet de charte des valeurs québécoises inquiète nombre de communautés religieuses du Québec, craignant d’être touchées directement par les changements proposés dans le port de signes religieux. Le gouvernement provincial de Pauline Marois prévoit l’interdiction des signes religieux «ostentatoires» chez les employés de l’Etat.

A Longueuil, les Filles de Sainte-Marie de Leuca ont deux garderies subventionnées qui accueillent un peu plus de 160 enfants. Avec leur longue robe blanche, leur ceinture bleue et leur voile noir – qu’elles troquent pour un voile blanc en présence des enfants – elles sont 27 à garder les petits. Cette pratique est au cœur de leur mission depuis plusieurs décennies. Si le projet du gouvernement Marois venait à être adopté, ces religieuses seraient confrontées à un choix cornélien: ou enlever leur habit religieux ou abandonner la subvention.

Sans hésiter, elles abandonneraient la subvention

Sœur Clarice, supérieure locale et directrice de la garderie Royaume de l’enfant située au 125 de Coulonges, à Longueuil, explique que l’habit religieux n’est pas n’importe quel vêtement pour ses consoeurs et elle. «L’habit est lié à un statut de vie. Personne ne nous a poussées à faire religieuses. C’est notre propre volonté, faite avec joie. On a trouvé un trésor dans notre vie», fait-elle valoir.

Les Filles de Sainte-Marie de Leuca présentes sur la rive sud de Montréal proviennent principalement des Philippines et de l’Inde, note la radio chrétienne Radio Ville-Marie. Elles partagent entre elles tout l’argent qu’elles gagnent à garder les enfants. Face au projet de charte, elles s’inquiètent surtout de ce qu’il adviendra de certains d’entre eux, dont les parents n’ont pas les moyens de payer 35$ par jour pour une place en garderie privée non-subventionnée.

Abandon de la prière

Il y a quelques années le gouvernement de l’ancien Premier ministre du Québec Jean Charest leur avait demandé d’abandonner la prière qu’elles récitaient à la garderie. Les religieuses avaient obtempéré, au regard des différentes religions présentes chez elles.

«J’ai voulu consacrer totalement ma vie au Seigneur, dit Sœur Clarice. Avec mon travail, sans aucun salaire, je veux servir le Seigneur entièrement. Les parents nous demandent: pourquoi êtes-vous toujours joyeuses ? C’est comme ça. C’est difficile à expliquer… Chaque étape de notre vie de religieuse a été faite solennellement à l’église. Comme un mariage. Nous sommes heureuses d’avoir trouvé notre voie».

Selon elle, quand on comprend la profondeur de l’engagement spirituel de leur vocation, leur demander d’enlever leur habit n’a pas de sens. Les Filles de Sainte-Marie de Leuca partagent le souci des parents qui risquent de ne plus avoir les moyens d’y envoyer leur enfant si le projet de charte est avalisé.

Une école et un hôpital

A Montréal-Nord, les Sœurs de Charité de Sainte-Marie gèrent une école et un hôpital. L’école Marie-Clarac est un établissement privé subventionné qui abrite également une garderie privée non-subventionnée. Plus de 1’300 élèves fréquentent les lieux. L’hôpital privé de 200 lits est lui aussi subventionné. Le projet actuel de charte des valeurs québécoises n’affecterait pas directement ces établissements et les religieuses qui y travaillent. Ce qui ne les empêche pas de suivre le dossier de près. «Le projet ne s’intéresse pour l’instant qu’aux établissements publics. Mais à long terme, le ministère pourrait-il décider de ne pas subventionner les écoles qui ne se conforment pas à la charte ?», se demande Sœur Martine Côté, directrice générale de l’école Marie-Clarac, qui a clairement un projet éducatif catholique.

Le cours «Ethique et culture religieuse» est donné en plus du cours d’enseignement religieux. Tous les matins, les enseignants font une prière dans leur classe, même si certains enfants ne sont pas catholiques. Quant à la garderie, elles ont préféré refuser des places subventionnées qu’on leur offrait il y a quelques années. Elles peuvent ainsi conserver un volet religieux qui comprend notamment une prière le matin. Pour elles non plus, il n’est pas question de retirer leur habit religieux, qui comprend notamment un voile qui recouvre les cheveux. «Ce n’est pas une option», laisse entendre sœur Martine Côté.

«L’habit fait partie de notre mission, de notre vie, de notre communauté. Ça ne fait de mal à personne. Ça peut même favoriser la confiance. Parfois, les parents viennent se confier. Ça affiche les couleurs», illustre-t-elle. La religieuse se demande ce qui dérange au point de vouloir contrôler certains signes religieux. «Que veulent-ils améliorer ?», s’interroge-t-elle au sujet des intentions du gouvernement du Québec.

La rébellion contre la charte des valeurs ne suscite pas seulement la crainte du côté catholique: le diocèse anglican d’Ottawa, qui comprend 17 communautés chrétiennes situées sur le territoire québécois, demande lui aussi au gouvernement de Pauline Marois de revoir sa position. Une motion qui condamne le projet de charte a été votée à l’unanimité lors du synode d’Ottawa le 19 octobre dernier. (apic/rvm/be)

4 novembre 2013 | 16:09
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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