Vers une renonciation de François? Les raisons d’y croire, ou pas

Les rumeurs sur une possible renonciation du pape François se sont multipliées ces derniers temps. Panorama des éléments qui parlent pour ou contre une telle perspective.

Depuis quelques semaines, le mot «démission», même s’il convient peu à la fonction papale, fleurit à propos de François, notamment dans les médias catholiques. Les raisons en sont multiples, mais elles concernent surtout son état de santé. Le pontife de 85 ans est en effet depuis quelques temps soumis à une mobilité réduite, à cause d’un de ses genoux qui le fait souffrir. Ces dernières semaines, il se déplace régulièrement en fauteuil roulant, ou marche avec une canne. Le 27 juin, il s’est mis debout pour rencontrer des membres du Chemin néocatéchuménal. Sa marche, assistée par une canne orthopédique, était cependant difficile, et il est douteux que cette amélioration mette fin aux rumeurs.

Réunion inhabituelle des cardinaux

Mais de telles spéculations ne sont pas nouvelles, remarque la journaliste Colleen Dulle, dans le magazine jésuite America. Avant même son élection, des bruits avaient couru selon lesquels le pontife respirerait avec un seul poumon. Une information tout à fait fausse, alors qu’il ne s’est fait enlever, dans sa jeunesse, qu’une partie de l’organe, suite à une pneumonie. Le but de ces bruits de couloirs aurait été de contrecarrer sa candidature. Les mêmes interrogations ont en fait surgi à chaque fois que le pontife a eu un problème de santé.

«Jorge Bergoglio serait en train de façonner un conclave plus en phase avec la réalité de l’Église»

Mais en ce début d’été 2022, plusieurs événements ont intensifié la rumeur, note Colleen Dulle. Tout d’abord, le pape a annoncé la création de nouveaux cardinaux lors d’un consistoire, le 27 août, qui sera immédiatement suivi d’une réunion des cardinaux du monde entier. Un fait inhabituel, alors qu’ils ne se réunissent normalement qu’au moment d’élire un nouveau pontife.

Préparer le prochaine conclave?

Le rassemblement se fait officiellement pour examiner la récente réforme de la bureaucratie centrale du Vatican, l’une des principales tâches pour lesquelles le pape a été élu. Mais il est perçu par certains comme une occasion pour les cardinaux d’apprendre à se connaître. Le pape a en effet nommé des cardinaux originaires de pays d’habitude peu représentés au sein du Collège des cardinaux. De nombreux prélats ne se connaissent donc pas personnellement. François est bien conscient des problèmes liés aux conclaves auxquels il a participé: les Européens étaient surreprésentés et peu de cardinaux se connaissaient.

Jorge Bergoglio serait donc en train de façonner une assemblée élective plus en phase avec la réalité de l’Église universelle et avec sa propre vision. Autant de «manœuvres» que certains associent à la convocation imminente d’un conclave.

La «malédiction» de L’Aquila?

Mais c’est une annonce du Vatican, début juin, qui a particulièrement enflammé les spéculations: alors que tous les cardinaux seront à Rome, le pape fera une excursion d’une journée à la cathédrale de L’Aquila, dans les Abruzzes, où le pape Célestin V est enterré. Ce dernier a été le premier pape de l’histoire à renoncer délibérément à sa charge. Beaucoup se souviennent également que Benoît XVI avait déposé son pallium sur la tombe de ce pape du 13^e siècle. Même si ce fut en 2009 et qu’il renonça en 2013. Ayant achevé sa principale mission de réformer la Curie, le pape serait-il prêt à suivre l’exemple de son prédécesseur?

Des voyages prévus

Pour Colleen Dulle, il y a des raisons sérieuses de douter d’un tel scénario. La vaticaniste relève d’abord une explication simple quant à la date inhabituelle du consistoire, qui devait avoir lieu en novembre: les voyages à Rome sont moins chers pendant la basse saison touristique. Le pape pourrait chercher à ce que les cardinaux économisent de l’argent et limitent le temps passé hors de leurs diocèses en combinant le consistoire et la réunion en un seul voyage. Des préoccupations en somme très «Laudato si’».

«Des observateurs ont noté le danger de ‘confusion’ et ‘l’incongruité’ que représenterait la présence de trois papes à Rome»

Il y a ensuite son calendrier de voyages: François a prévu de se rendre au Kazakhstan en septembre et, selon les rumeurs, d’autres voyages sont prévus pour 2023. Bien que les papes puissent transmettre des visites à leurs successeurs, il paraît improbable que le pontife argentin n’ait pas l’intention de s’y rendre lui-même.

Eviter trois papes

La dernière raison mentionnée par la journaliste américaine, et «peut-être la plus convaincante», est le simple fait que le pape émérite Benoît XVI soit toujours en vie. François voudra probablement apporter quelques changements de statut pour le pape retraité, une fois qu’ils sera lui-même dans cette position- comme celui d’adopter le titre «d’évêque émérite de Rome» plutôt que celui de «pape émérite». Il ne porterait en outre pas de blanc – afin de dissiper l’idée qu’il y a deux papes. Il est difficile d’imaginer François prendre de telles mesures alors que Benoît XVI reste émérite. D’autres observateurs ont noté le danger de «confusion» et «l’incongruité» que représenterait la présence de trois papes à Rome.

Pavement de route

Colleen Dulle doute ainsi «fort» que le pape annonce son départ en août, «à moins que son état de santé ne se dégrade fortement». À l’heure actuelle, le Vatican est en mesure de s’adapter à un pape en fauteuil roulant. La journaliste considère que le pontife n’abandonnerait sa fonction que si ses facultés mentales étaient fortement diminuées.

Si une renonciation imminente est donc peu plausible, il n’est cependant pas irréaliste que François prépare le terrain pour un tel développement à moyen terme. «Il sait qu’il ne vivra pas éternellement et travaille dur pour assurer son héritage par le biais de la réforme de la Curie, du processus synodal global (qui doit se terminer en 2023) et de ses nominations au Collège des cardinaux». (cath.ch/america/arch/rz)