Jean Paul II à Nazareth, ville de Marie et de Jésus, où le Verbe s’est fait chair

Visite de Jean Paul II en Terre Sainte

2000 ans après  » le grand mystère qui s’y est accompli «

De notre envoyée spéciale Caroline Boüan

Nazareth, 25 mars 2000 (APIC) Jean Paul II a fait une visite triomphale samedi dans la plus grande ville arabe d’Israël, Nazareth, la ville de l’Annonciation et de l’Incarnation qui compte une forte minorité chrétienne (40%). Grâce aux signes de fraternité lancés en direction des autres fils d’Abraham, le pape a calmé le jeu – le temps d’une messe en l’honneur de la Vierge Marie – et s’est abstenu de faire allusion à la «mosquée de la discorde» que les militants islamistes veulent imposer au pied de la basilique de l’Annonciation. Mais la trêve n’a été que de courte durée.

Certes, les militants islamistes qui étaient sous haute surveillance – on craignait un coup d’éclat, un responsable religieux islamiste ayant mis en garde la veille de l’arrivée du pape contre toute intervention contre l’implantation de la mosquée – se sont abstenus d’utiliser leurs haut-parleurs. Une pancarte proclamait: «Une mosquée près d’une Eglise est un symbole d’unité et d’harmonie». Pourtant, de retour à Jérusalem, le porte-parole du Vatican Joaquin Navarro Valls a révélé que le Vatican était intervenu auprès des autorités civiles israéliennes pour les faire revenir sur l’autorisation de construire cette mosquée sur un terrain convoité appartenant à la Municipalité.

C’est pour célébrer à Nazareth la fête de l’Annonciation (25 mars) que Jean Paul II avait spécialement choisi cette date pour venir en Terre Sainte. Le fait que la fête chrétienne tombait sur un jour du Sabbat avait suscité la grogne bruyante des juifs ultraorthodoxes ces jours derniers. Le pape a présidé en matinée une messe en l’honneur de la Vierge, dans cette ville de Galilée qui reçoit chaque année près d’un million de visiteurs et où Paul VI était lui-même venu en pèlerinage le 5 janvier 1964. «Je voulais depuis longtemps revenir dans la ville de Jésus pour ressentir une fois de plus, en contact avec cet endroit, la préésence» de Marie, a lancé le pape pendant la messe.

Une ville pavoisée aux couleurs du Vatican

Avant d’arriver jusqu’à la basilique de l’Annonciation, Jean Paul II a traversé en papamobile le quartier musulman de la plus grande agglomération arabe d’Israël, dont les habitants – des chrétiens mais aussi des musulmans – étaient venus nombreux se placer le long de son parcours pour le saluer. Pavoisée aux couleurs du Vatican, la petite place de la basilique était comble lorsque le pape y est arrivé, avant d’entrer dans cet édifice moderne achevé il y a une trentaine d’années, sur les vestiges d’églises plus anciennes.

Accueilli par les franciscains de la Custodie de Terre Sainte qui en ont la charge, et en particulier par le Custode, le Père Giovanni Battistelli, et par le ministre général des franciscains, le Père Giacomo Bini, le Souverain pontife s’est rendu immédiatement dans la partie inférieure de la basilique à deux étages, où quelque 500 personnes l’attendaient.

Un millier d’autres idèles en revanche se trouvaient dans la partie supérieure. Là, une large ouverture pratiquée au centre, de forme octogonale, permet d’apercevoir la crypte par laquelle on accède à la grotte traditionnellement reconnue comme une dépendance de la maison de la Vierge, où celle-ci se trouvait lorsque l’ange Gabriel est venu lui annoncer qu’elle allait devenir la mère du Christ.

En entrant dans la petite chapelle construite à cet endroit, le pape n’a pas gagné immédiatement le prie-Dieu qui lui avait été préparé. Il a tenu à s’approcher d’abord de l’autel qui commémore l’événement, pour s’agenouiller sur le sol et se pencher afin d’embrasser une inscription latine rappelant l’Incarnation du Christ :  » Verbum caro hic factum est  » (Ici, le Verbe s’est fait chair). Jean Paul II s’est ensuite longuement recueilli sur son prie-Dieu, la tête entre ses mains jointes légèrement tremblantes, position qui lui est très familière. Quelques instants plus tard, des applaudissements et un chant à la Vierge interrompaient sa prière, et il remontait les marches conduisant à la basilique supérieure, pour y célébrer une messe essentiellement dans le rite latin, qui est celui de la plus grande partie de la communauté catholique de Nazareth.

Marie, fille d’Abraham

Au cours de la cérémonie, le pape a témoigné «de la joie et du bonheur immense» que représentait pour lui sa venue à cet endroit le 25 mars de l’année du Jubilé.  » Aujourd’hui, les yeux de toute l’Eglise sont tournés vers Nazareth, a-t-il affirmé. Nous sommes ici pour célébrer le grand mystère qui s’y est accompli il y a 2000 ans.»

Jean Paul II a développé ensuite une comparaison entre la Vierge Marie et Abraham, qui, pour lui, malgré leurs différences évidentes, sont d’une certaine manière «très semblables». Tous les deux ont reçu une «promesse merveilleuse» de Dieu, a-t-il expliqué, en évoquant la naissance d’un fils annoncé à Abraham alors que sa femme était âgée et stérile, puis l’annonce de la naissance du Christ faite à Marie. Abraham et Marie ont tous les deux répondu avec confiance à Dieu, a fait remarquer le pape. La Vierge a répondu à l’ange: «Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole.» «Par ces mots, a expliqué le pape, Marie s’est montrée véritable fille d’Abraham, et est devenue la mère du Christ et la mère de tous les croyants.»

L’obéissance humble et joyeuse à l’Evangile

«Nous sommes aussi venus ici pour supplier Marie, a affirmé le pape. Que demandons-nous à la mère de Dieu, nous, pèlerins du troisième millénaire? «Et le pape de poursuivre:

«Je prie avant tout, a-t-il lancé, pour un grand renouvellement de la foi de tous les fils de l’Eglise «qui ne soit pas seulement une attitude générale de vie». «Je demande à la sainte famille d’inspirer tous les chrétiens pour qu’ils défendent la famille contre les nombreuses menaces qui pèsent aujourd’hui sur sa nature, sa stabilité et sa mission», a ensuite confié Jean Paul II.

«A Nazareth, où Jésus a commencé son ministère public, je demande à Marie d’aider l’Eglise partout à prêcher la bonne nouvelle aux pauvres comme il l’a fait lui-même. Je lui demande de nous enseigner la voie de l’obéissance humble et joyeuse à l’Evangile dans le service de nos frères et de nos sœurs, sans préférences et sans préjugés.»

«O Mère du Verbe incarné, a conclu Jean Paul II, en reprenant une prière traditionnelle, ne méprise pas mes prières, mais écoute-les favorablement, et daigne les exaucer.» Quelques minutes plus tard, lors du chant du «Credo», aux mots «le Verbe s’est fait chair», le pape s’est levé avec une agilité inhabituelle pour aller s’agenouiller sur son prie-Dieu, afin de souligner l’importance de ce passage. A midi précise, il a répété ces paroles avec solennité lors de la prière de l’Angélus.

A propos de la «mosquée de la discorde»

A l’issue de la cérémonie, le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah, a invité Jean Paul II à bénir le «plan pastoral commun» élaboré par les membres de l’Eglise catholique de Terre Sainte au cours d’un synode commencé en 1995, et qui s’est conclu il y a un mois à Bethléem. Des applaudissements nourris et des acclamations ont longuement salué le pape quand il a quitté la basilique pour en traverser lentement la petite place en papamobile. Le cortège du pape a été accompagné tout au long de son parcours par les habitants de Nazareth, avant qu’il ne s’éloigne du centre ville. Jean Paul II devait ensuite repartir immédiatement en hélicoptère pour Jérusalem.

Aucun événement relatif aux tensions concernant le projet de construction de la «mosquée de la discorde» sur la place de Nazareth n’est donc venu troubler cette visite du pape. Le patriarche Michel Sabbah y a fait toutefois allusion au début de la messe en s’adressant à Jean Paul II. «La ville de Nazareth a connu ces années des moments difficiles, et ce n’est pas fini, a-t-il souligné. Nous espérons que la crise passera grâce à la bonne volonté de toutes les parties. Nous espérons, avec la grâce de Dieu, que le peuple de cette ville sera capable de retrouver la fraternité, le respect mutuel et l’amour.» (apic/imed/fides/be)

26 mars 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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