L’avortement, le divorce et l’éducation au centre du discours

Visite du pape à Cuba: Messe dans la ville symbole de la Révolution cubaine

De notre envoyé spécial à Cuba, Jean-Marie Guénois

La Havane, 23 janvier 1998 (APIC) Quelque 100’000 personnes ont participé jeudi à Santa Clara à la première des 4 messes que présidera le pape durant son séjour à Cuba. Ville symbole de la révolution cubaine, Santa Clara, distante de 250 km de La Havane, fut la première grande ville occupée par Ernesto «Che» Guevara en 1958. Sa dépouille y repose désormais, après avoir été rapatriée l’an dernier de Bolivie. Le pape a dénoncé le divorce et l’avortement. Il a proposé en échange «la voie de Jésus-Christ» et assuré que celle-ci ne met «en danger aucun projet social».

Dans sa première homélie, le pape a lancé un appel à la réunification des familles divisées, principalement en raison de l’émigration. La messe célébrée à Santa Clara constitue le plus grand rassemblement religieux de l’histoire de Cuba, depuis l’arrivée des premiers missionnaires dans l’île en 1512. Son message contre l’avortement a pris une résonance particulière: selon les chiffres officiels, 132’000 interruptions volontaires de grossesse, soit neuf avortements pour 10 naissances, ont été pratiquées en 1995 à Cuba. A la demande de l’Eglise, la cérémonie a été retransmise en direct par la Télévision publique.

Dans la soirée, à la Havane, le pape a été reçu au Palais de la Révolution, par le président Fidel Castro. Rien n’a filtré de cet entretien de 50 minutes – le temps prévu – dont le pape est sorti visiblement satisfait. Le Vatican s’est refusé à tout commentaire sur le contenu de la discussion et sur son climat.

Au Vatican, on ne cachait pas avant le départ pour Cuba que cette rencontre pouvait être déterminante, compte tenu de la forte personnalité des deux hommes et du respect mutuel qu’ils se vouent.

Le Vatican s’est contenté de faire savoir au terme de la rencontre qu’il avait transmis aux autorités cubaines la demande de clémence pour plusieurs prisonniers cubains qui avaient écrit au pape, mais sans toutefois en préciser le chiffre – une dizaine selon une autre source. Certains pourraient être des prisonniers politiques et un serait condamné à mort. A Cuba, les prisonniers politiques sont estimés à moins de 1’000. Selon le Vatican, les autorités cubaines ont répondu qu’elles examineront ces requêtes avec une «grande attention» compte tenu de la «haute autorité morale représentée par le Vatican».

Premier bilan

Tirant un premier bilan des deux premiers jours de cette visite, le porte-parole du Saint-Siège, J. Navarro Valls, s’est félicité de la décision des autorités cubaines, obtenue à la dernière minute, de retransmettre en direct sur la chaîne nationale les messes célébrées par le pape. Plus globalement, il a estimé que «la réponse du peuple cubain à la visite du pape était spectaculaire».

Au deuxième jour de sa visite à Cuba, le pape, décidément en forme, a mis en cause, lors de l’homélie, les «salaires insuffisants», le «pouvoir d’achat très limité», «les insatisfactions de type idéologique», mais aussi «l’attraction pour la société de consommation» qui conduisent, a-t-il estimé, à «la séparation forcée des familles» et à «l’émigration».

Carences matérielles… Sans doute les effets de l’embargo américain imposé depuis près de 4 décennies et fermement condamné par le Vatican. L’embargo, ses effets surtout, ont encore été durcis ces dernières années par les lois Toricelli et Helms-Burton

Les chiffres de l’émigration sont estimés à 10 % de la population soit 2 millions de personnes, dont 1,5 vivent à Miami. On se souvient qu’en 1994, le régime avait finalement permis aux candidats au départ de quitter l’île. 30’000 cubains, sur une population de 10 millions d’habitants s’étaient engouffrés dans la brèche jusqu’à ce que les Etats-Unis imposent un traité à Cuba selon lequel le pays s’engagerait dorénavant à interdire l’émigration non contrôlée en échange d’une soupape de 20’000 visas accordés annuellement.

Pour «conjurer ces maux», a poursuivi Jean Paul II dans son homélie, «il n’y a rien d’autre que Jésus Christ»: «aucune idéologie ne peut remplacer sa patience et son pouvoir», même si, pour cela, il importe de «réintégrer les valeurs religieuses dans le milieu familial et social».

La responsabilité éducative

Second volet de la voie proposée par le pape: la réintégration, comme droit fondamental, de la responsabilité éducative dans chaque famille. Il a dénoncé, à ce titre, la séparation au moment de l’adolescence des enfants de leurs parents pour cause d’études. Les adolescents sont effectivement envoyés pendant trois ans, loin de leur famille, dans des internats, où tout en étudiant, ils travaillent dans les champs. Une méthode éducative qui a pourtant fait ses preuves, commentent-on dans les milieux pédagogiques en Amérique latine, alors qu’aux même moment en Amérique du Sud, aux Etats-Unis ou ailleurs en Europe, les adolescents sont trop souvent voués à eux-mêmes. Ce fait, a cependant estimé le pape, «conduit à l’appauvrissement éthique» de la jeunesse, dont il énumère «le triste résultat»: «prolifération de la promiscuité, vulgarité, rapport prématrimoniaux à un jeune âge, et recours facile à l’avortement».

Les écoles à Cuba sont aujourd’hui publiques et gratuites – ce qui n’est pas le cas dans l’ensemble des pays latino-américains – et l’enseignement est un monopole d’Etat. L’accès au système scolaire figure parmi les principales revendications de l’Eglise catholique à Cuba.

Il rappelle, à ce point, «l’obligation d’éducation» – un «droit inaliénable et qui ne peut être confié» – qui incombe aux parents. Et d’ajouter: «S’il est vrai que les autorités publiques ont des droits et des devoirs dans le domaine éducatif, en tant qu’elles sont au service du bien commun, elles n’ont toutefois pas le droit de se substituer aux parents».

Jean Paul II a conclu son appel aux parents en leur demandant d’assumer leur mission éducative, en cherchant et en créant les espaces et les moyens adéquats dans la société civile.

Jean-Paul II a également dénoncé l’avortement «crime abominable» et le divorce. Les statistiques indiquent à cet égard qu’il y a quatre divorces pour six mariages à Cuba. Quant à l’avortement, appelé «régulation de la menstruation» dans les cliniques, il touche 38 % des enfants conçus. (apic/imed/pr)

10 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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