Yougoslavie: catholiques accusés d’avoir empoisonné des enfants (140890)
Une «campagne de calomnie», affirment certains représentants de l’Eglise
Zagreb/Skopje/Vienne, 14août(APIC) La discussion à propos de la vague
d’empoisonnements d’écoliers albanais vivant dans le Kosovo est de plus en
plus intense en Yougoslavie. Samedi 11 août, le quotidien serbe «Politika»,
la chaîne de télévision «RTV Belgrad» et l’agence de presse yougoslave
«Tanjug» rendaient des catholiques de la ville d’Urosevac responsables de
ces empoisonnements.
Mgr Nikola Prela, évêque auxiliaire de Skopje-Prizren et vicaire général
pour les fidèles de langue albanaise, a repoussé énergiquement cette accusation. Dans une lettre de protestation, il a demandé de la part des médias
en cause une excuse publique pour calomnie. Il parlait d’une campagne médiatique contre l’Eglise catholique, campagne dont le but serait de détourner l’opinion publique des vrais responsables des empoisonnements.
En mars dernier, quelque 400 écoliers albanais présentant des symptômes
d’empoisonnement avaient été hospitalisés. Deux organisations de défense
des droits de l’homme de l’étranger – accompagnées de médecins – ont examiné les enfants, mais les résultats de cet examen n’ont pas encore été publiés. En tout, ce sont des milliers d’enfants et de jeunes qui sont tombés
malades au Kosovo. On a supposé que de l’eau potable contenant du poison en
était la cause.
Dans une interview accordée lundi 13 août à l’agence catholique «Kathpress» à Vienne, le rédacteur en chef du journal ecclésial «Drita», destiné
aux catholiques albanais de Yougoslavie, l’abbé Dode Gjergi a reproché aux
autorités serbes et aux médias de mener, dans le contexte de l’empoisonnement d’enfants albanais au Kosovo, une véritable campagne de calomnie contre l’Eglise catholique.
Aide bloquée par la police
«Quand la vague d’empoisonnements a débuté, des enfants se sont effondrés dans les rues, a rapporté le religieux albanais. L’Eglise a aidé toutes les victimes, qu’elles soient catholiques ou non, albanaises ou serbes.
Elle a mis ses locaux à disposition de ceux qui avaient besoin d’aide».
Mais «la police serbe bloquait déjà les installations médicales à ce moment-là». Il était impossible de transporter des malades dans d’autres centres médicaux, «parce que la police bloquait les rues». C’est pourquoi
«l’Eglise a ouvert ses locaux pour recevoir les personnes empoisonnées».
L’Eglise catholique a installé des ambulances provisoires à Urosevac et
dans le couvent de Binc. «Il y a aussi eu des cas où la police s’est postée
devant l’église et n’a pas laissé entrer les malades», a affirmé le religieux. A plusieurs reprises, la police s’est livrée à de véritables provocations. Des policiers ont accroché des slogans nationalistes pro-serbes
aux portails des églises.
Du côté serbe, on a d’abord contesté les empoisonnements. Des médecins
serbes auraient constaté qu’il n’y avait pas eu d’empoisonnement, prétendant que les enfants avaient fait semblant de tomber malades. Comme l’affirmait l’abbé Gjergi à «Kathpress», des représentants de la Fédération
d’Helsinki ont examiné les enfants en mars, en arrivant à dire que les empoisonnement étaient dus à des substances neuro-toxiques. Entre-temps, le
soupçon d’empoisonnement ayant été confirmé par l’examen d’un médecin français, on voulait, a relevé l’abbé Gjergi, rendre l’Eglise catholique responsable des empoisonnements.
L’abbé Gjergi a mentionné, dans ce contexte, l’action policière du 4
août, dirigée contre des installations de l’Eglise catholique au Kosovo, à
laquelle participaient une trentaine de policiers. Ces derniers ont pénétré
dans l’église et la cure d’Urosevac ainsi que dans le couvent de Binc et se
sont emparés de médicaments et de matériel de secours appartenant à diverses organisations caritatives.
Mgr Nikola Prela, évêque des catholiques albanais du Kosovo, qui réside
à Urosevac, ainsi que des prêtres et des religieuses, auraient subi jusqu’à
cinq heures d’interrogatoire par la police. La presse a prétendu qu’au
cours de son action, la police avait trouvé les médicaments qui auraient
causé les empoisonnements. Des politiciens serbes ont annoncé que les
responsables des empoisonnements seront punis.
Appel à l’»opinion publique démocratique»
Le rédacteur en chef de «Drita» considère comme absurde le fait de rendre responsables des empoisonnements ceux qui ont aidé les victimes. Selon
lui, on doit s’attendre à ce que des actions semblables contre l’Eglise
catholique se reproduisent au Kosovo. «C’est pourquoi tous ceux qui veulent
la paix au Kosovo doivent élever la voix», a-t-il déclaré. Il lance un appel à l’»opinion publique démocratique» pour qu’elle accroisse son influence en Serbie afin que la crise soit réglée «de manière démocratique» et
dans l’intérêt de ceux qui vivent là-bas.
Il faut aussi pousser les autorités serbes à permettre à des oeuvres
d’entraide de l’étranger d’apporter légalement du matériel de secours au
Kosovo. «Nous voulons aider les gens, mais les pharmacies sont vides et
dans les hôpitaux il n’y pas de médicaments», a souligné l’abbé Gjergi.
L’Eglise catholique de l’étranger doit aussi «élever la voix et demander
aux gouvernements d’examiner la possibilité de sanctions économiques et diplomatiques» contre la Serbie.
Inquiétude de l’opinion publique
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Le président de la Conférence épiscopale yougoslave, le cardinal Franjo Kuharic a déclaré suite aux
perquisitions effectuées par la police dans divers sièges ecclésiastiques
au Kosovo: «L’opinion publique et en particulier religieuse est profondement inquiète à cause de l’intrusion injustifiée de la police dans la maison paroissiale et l’église d’Urosevac et dans la maison des Filles de la
Divine Providence à Binc, où a été effectuée de manière arbitraire une perquisition durant laquelle des médicaments ont été confisqués. Ces médicaments provenaient d’institutions humanitaires et étaient destinés aux personnes dans le besoin indépendamment de leur nationalité ou de leur religion».
Mgr Nikola Prela s’est pour sa part adressé aux gouvernements des républiques et des régions autonomes de la Yougoslavie en demandant la garantie
des droits civiques, l’inviolabilité des habitations, ainsi que la restitution des médicaments confisqués sans aucun mandat. Il a ajouté que les actions de la police ont provoqué une «grand trouble au sein de la population
du Kosovo». (apic/kna/kpr/gbr/jt/cor)