Zimbabwe: «Justice et Paix» dénonce les massacres du Matabeleland dans les années 80
La Conférence épiscopale divisée sur la publication du rapport
Harare, 9 juillet 1997 (APIC) Le directeur de la Commission catholique «Justice et paix» du Zimbabwe, qui a rédigé un rapport dénonçant les atrocités systématiques commises par des soldats de l’armée zimbabwéenne dans les années 80, se dit aujourd’hui «déprimé et découragé» car le rapport n’a pas été publié officiellement au Zimbabwe. Même la Conférence épiscopale est divisée sur la publication de ce rapport brûlant.
Ce rapport intitulé «Rompre le silence, construire une paix authentique» – rédigé par la Commission «Justice et Paix» et par la Fondation indépendante des ressources juridiques – contient des informations sur plus de 1’000 allégations de massacres, d’infanticides et de viols. Ces atrocités ont été perpétrées par les membres de la «Five Brigade», unité de choc entraînée par des Coréens, au cours de la campagne de répression menée contre les guérilleros dissidents, dans la province méridionale du Matabélé.
En mai, lors d’une cérémonie de funérailles, le président Robert Mugabe avait critiqué les «semeurs de discorde, revêtus de l’habit religieux», et la presse gouvernementale y avait vu une allusion directe aux auteurs du rapport. Mais il n’a jamais donné de réponse officielle. Au début juin, la Conférence épiscopale catholique avait jugé qu’il était prématuré de publier le rapport, malgré la divulgation de ce document confidentiel par un journal sud-africain, qui en avait donné des extraits au début mai, et sa large diffusion grâce au réseau Internet.
Directeur de la Commission «Paix et justice», Mike Auret a déclaré à l’agence de presse œcuménique ENI à Genève qu’il était aujourd’hui «déprimé et découragé». «Je ne crois pas que le président va répondre maintenant», a-t-il fait remarquer. Mike Auret craint que ce retard n’entraîne une perte d’intérêt et espère que le rapport sera tout de même publié et analysé très rapidement.
Le rapport réclame toute la lumière sur les faits et l’établissement d’une commission de réconciliation pour aider les victimes et les communautés affectées. En mars, lors de la remise d’une copie du rapport au président Mugabe, Mgr Patrick Fani Chakaipa, archevêque catholique de la capitale Harare, ne désirait pas que le rapport soit publié avant d’avoir reçu une réponse du président.
Le président Mugabe n’a pas répondu au rapport
Selon certains observateurs, la Conférence épiscopale est divisée sur ce point. Le secrétaire de la Conférence épiscopale, Anthony Berridge, a rappelé à ENI que «les évêques essaient d’obtenir un entretien avec le président Mugabe pour parler du rapport et demander que le gouvernement l’accepte et fasse des recommandations.»
A ce jour, les évêques n’ont reçu aucune réponse, a-t-il ajouté. «Et certains évêques reconnaissent que cela est malencontreux, voire offensant». Malgré cette rebuffade, a-t-il précisé, les évêques vont inviter un grand nombre d’organisations religieuses et civiques à participer à l’élaboration des recommandations. «Nous recevons beaucoup de réponses du public et de la presse et nous les prenons en compte.» Dans les zones directement affectées de la province du Matabélé, certains se plaignent de ne pas avoir reçu le rapport. Un homme, qui a désiré garder l’anonymat, a déclaré qu’il était injuste que seules «certaines personnes, pour la plupart étrangères, aient accès au rapport, alors que les victimes n’avaient rien». (apic/eni/be)