Zoug: plainte climatique contre le cimentier Holcim
La cour civile du Tribunal cantonal de Zoug a entendu, le 3 septembre 2025, les débats dans le cadre de la plainte climatique déposée par quatre pêcheurs indonésiens contre le cimentier suisse Holcim. La décision quant à la recevabilité de leur plainte sera prise ultérieurement.
La question de savoir si les plaignants, soutenus entre autres par l’œuvre d’entraide protestante EPER, obtiendront la protection juridique demandée, et donc l’accès à la justice climatique, reste ouverte pour l’instant. Ils exigent de Holcim une indemnisation pour les dommages déjà causés sur l’île, une participation au financement de mesures de protection contre les inondations et une réduction rapide de ses émissions de CO2. La date à laquelle le tribunal rendra sa décision n’est pas encore connue.
Des inondations récurrentes
Depuis quelques temps, les inondations sont de plus en plus fortes sur l’île de Pari, la patrie d’Arif Pujianto. L’eau cause régulièrement des dégâts dans sa maison. Pour ce mécanicien de 54 ans, l’origine du phénomène ne fait aucun doute: «Les changements climatiques entraînent une élévation du niveau de la mer. De ce fait, notre île de faible altitude est de plus en plus souvent inondée lors de tempêtes.»
Face à cette injustice, des habitants de l’île ont décidé de se défendre. Fin janvier 2023, ils ont déposé une plainte auprès du Tribunal cantonal de Zoug contre le cimentier suisse Holcim. En raison de ses émissions massives de CO2, le groupe a largement contribué au changement climatique.
Une première dans une salle d’audience suisse
La prise de parole d’Ibu Asmania était un moment marquant de l’audience. Bien qu’une grande partie des débats se soit déroulée entre les avocats, les juges et le public ont pu entendre, pour la première fois, le témoignage direct d’une personne du Sud menacée par les changements climatiques. »Si notre île disparaît, où irons-nous?» a demandé Ibu Asmania.
L’audience présentait également un caractère inédit dans une salle de tribunal suisse: c’était la première fois que des personnes subissant directement les conséquences des changements climatiques, se retrouvaient face à des représentants d’une multinationale. Désormais, il s’agit de permettre aux plaignants d’accéder à une protection juridique et d’examiner sur le fond leurs revendications concernant la responsabilité de Holcim. Les changements climatiques et leurs répercussions ne doivent pas constituer une zone de non-droit dans le droit civil suisse, estiment leurs avocats.
Confirmation de l’évolution juridique
La plainte civile contre Holcim est une première pour la justice suisse. Jamais une entreprise helvétique n’avait auparavant été attaquée par ce biais pour sa responsabilité présumée dans les dégâts liés au changement climatique.
L’entrée en matière sur les revendications des plaignants s’inscrirait dans une série de décisions et d’avis consultatifs de la Cour internationale de Justice (CIJ), de la Cour européenne des droits de l’homme et de nombreuses juridictions nationales, qui ont déjà défini des obligations juridiques pour les États et les entreprises en ce qui concerne les changements climatiques et leurs conséquences. Au printemps 2025, un tribunal allemand a ainsi décidé que les multinationales polluantes – comme Holcim – pouvaient en principe être tenues pour responsables des coûts des changements climatiques. Fin juillet, la CIJ de La Haye a déclaré, à la suite d’une plainte de l’État insulaire du Vanuatu, que la protection contre les changements climatiques était une obligation du droit international.
«Procès politique»
En face Holcim conteste la recevabilité de la plainte. L’avocate du groupe a qualifié celle-ci de «mise en scène artificielle» et de «campagne coordonnée».
Les habitants de Pari sont autant touchés par le changement climatique que le reste de la population mondiale, a-t-elle souligné. Il ne peut donc pas être question d’intérêts concrets dignes d’être protégés. En Suisse, par ailleurs, la responsabilité de la protection du climat incombe au législateur et non au pouvoir judiciaire. Une cour civile n’a pas le droit d’imposer des mesures supplémentaires, estime la défense.
La plainte civile déposée contre Holcim ne peut donc mener qu’à un «procès politique» mené par des organisations non gouvernementales comme l’Entraide protestante suisse (EPER).
Le groupe Holcim a réaffirmé, en outre sa détermination à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, indépendamment de la décision de la justice civile. Cet objectif correspond au but fixé par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré. (cath.ch/com/ag/mp)