Zurich: décès du Père jésuite Ludwig Kaufmann, (090791)
rédacteur en chef de la revue «Orientierung»
Un journaliste engagé et souvent dérangeant
Zurich, 9juillet(APIC) Le Père jésuite Ludwig Kaufmann, un théologien et
journaliste zurichois connu pour ses positions «originales», «engagées» et
«souvent dérangeantes», est décédé lundi 8 juillet à Zurich à l’âge de 73
ans. Il s’était fait connaître par ses articles sur le Concile Vatican II
(1962-1965) publiés dans différents quotidiens et ses reportages à la radio. Ses contributions étaient alors largement demandées dans tout l’espace
germanophone. En 1963, il entre comme rédacteur à la revue jésuite «Orientierung», dont il devient le rédacteur en chef en 1973. Comme successeur du
célèbre Père Mario von Galli, il assumera ce poste jusqu’à sa mort.
Ludwig Kaufmann est né à Zurich en 1918. Durant ses études à Lyon, il a
connu une Eglise en plein changement où la réflexion théologique, dans la
«nouvelle théologie», redécouvrait ses propres sources et où les prêtresouvriers tentaient de témoigner de l’Evangile en milieu ouvrier, relève un
communiqué publié mardi par la revue «Orientierung» à Zurich.
Il a gardé toute sa vie un peu le «feu sacré» de cette époque, que ce
soit durant ses longues années d’enseignement religieux à Bâle (1951-1963),
puis dans ses activités de plume: au journal pour les scouts catholiques
«Kompass» – qu’il a transformé pour le rendre plus attractif -, comme journaliste libre dans différents médias puis comme rédacteur à la revue
«Orientierung». Partout où il s’est engagé, il n’a cessé de se battre pour
une Eglise capable de renouvellement, proche de l’Evangile et des exigences
de son époque, une Eglise qui ne reste pas indifférente à l’homme, commentent ses confrères d’»Orientierung».
Le Père Kaufmann a rendu compte avec compétence et avec son sens critique habituel de tous les Synodes romains de 1967 à 1990, ainsi que des Synodes des Eglises de Suisse, des Pays-Bas, d’Autriche et de la République
fédérale allemande. Il était également présent à la IIIe Assemblée générale
de l’épiscopat latino-américain à Puebla, en 1979.
Un doctorat honoris causa refusé à Fribourg
La Faculté de théologie catholique de l’Université de Tübingen lui a décerné le titre de docteur honoris causa pour la valeur théologique de son
activité journalistique en novembre 1988, juste un an après que la Faculté
de théologie de Fribourg ait été empêchée de décerner ce titre au remuant
théologien jésuite. Les évêques suisses n’étaient pas intervenus de leur
propre initiative à Rome pour empêcher l’octroi de cette distinction, mais
avaient pris position sur une demande expresse qui leur avait été adressée.
Contrairement à d’autres Facultés de théologie (comme Münster ou Tübingen),
Fribourg doit demander dans ce cas le «nihil obstat» à la Congrégation romaine pour l’éducation catholique, en passant par le maître général des Dominicains, qui est Grand chancelier de la Faculté de théologie. Les évêques
suisses avaient alors fait part de leurs réserves et avaient jugé cette attribution «inopportune».
Cette «affaire» avait fait à l’époque un certain bruit et suscité quelques manifestations étudiantes et le mécontentement de professeurs de la
Faculté de théologie de Fribourg. D’autres étudiants par contre avaient signé une pétition pour soutenir la décision de la Conférence des évêques.
«Pour une Eglise plus ouverte»
Dans ses commentaires et ses analyses, le Père Kaufmann a toujours milité «pour une Eglise plus ouverte» et cherché les signes d’espérance pour
les faire partager à ses lecteurs. Témoin l’hommage publié à l’occasion de
ses septante ans, intitulé «Biotope de l’espérance». Journaliste combatif,
il s’est beaucoup engagé pour la défense des droits de l’homme, aussi à
l’intérieur de l’Eglise. Il a, en 1987, publié un livre de plus de 1’200
pages, «Un conflit ecclésial non résolu – Le cas Pfürtner», sur une affaire
qui avait divisé l’opinion il y a une vingtaine d’années. Dans «Pour que
nous puissions être demain des chrétiens», un ouvrage publié en 1984, Ludwig Kaufmann dresse le portrait de témoins d’une Eglise en mouvement: Jean
XXIII, Charles de Foucauld et Mgr Oscar Romero.
Le rédacteur en chef de la revue «Orientierung» a lutté jusqu’au bout
pour la mise en oeuvre des intuitions du Concile Vatican II. Il s’est intéressé à l’Eglise latino-américaine et la théologie de la libération lui a
ouvert de nouvelles perspectives et de nouvelles espérances. Son dernier
grand voyage, il l’a effectué à San Salvador, sur la tombe des six jésuites
assassinés par l’armée le 16 novembre 1989 à l’UCA, l’Université catholique
centro-américaine. (apic/com/cor)