Zurich: L’Opus Dei dans le collimateur de la Paulus Akademie (080592)
«Sainte, immuable et immortelle »
Zurich, 8mai(APIC) L’Opus Dei, l’oeuvre catholique controversée dont le
fondateur, Josemaria Escriva de Balaguer, va être béatifié le 17 mai en
grande pompe et en présence de près de 150’000 pèlerins rassemblés sur la
Place St-Pierre, était jeudi soir dans la collimateur de la «Paulus Akademie» à Zurich, une association financée entres autres par la Commission
centrale catholique romaine. A cette occasion, Peter Hertel, un journaliste
allemand connu pour ses critiques de l’Opus Dei, a donné une conférence intitulée «L’Opus Dei – la véritable Eglise?»
A l’inverse de l’Eglise, qui évolue constamment, le renouvellement
n’existe pas pour l’Opus Dei, affirme Peter Hertel. La fondation de cette
oeuvre était pour Josemaria Escriva de Balaguer un acte surnaturel, voulu
par Dieu pour sauver l’Eglise. L’organisation de l’oeuvre a été codifiée
dans ses moindres détails et n’a depuis lors plus changé, poursuit-il.
«Troupe de choc de Dieu ou sainte mafia?»
Avant la conférence de P. Hertel, l’Académie avait présenté lors d’une
conférence de presse un ouvrage collectif sur l’Opus Dei, dont elle est
l’éditrice: «Opus Dei: Troupe de choc de Dieu ou sainte mafia?», publié par
le «NZN Buchverlag». Dans cet ouvrage en allemand, issu d’un colloque tenu
à Zurich en 1990, Peter Hertel dévoile des documents de l’Opus Dei jamais
rendus publics jusqu’ici.
Le journaliste allemand, dans son exposé, a d’abord parlé du devoir de
maintenir le secret, réglé dans les moindres détails, pour ce qui concerne
les écrits de l’Opus Dei. «Ils doivent être tenus sous clé dans le bureau
du directeur et ne doivent pas quitter le centre». Lors d’un déménagement,
ils doivent être transportés dans une serviette ou une mallette «conçues
spécialement à cet usage et qu’un directeur emporte toujours», affirme
Peter Hertel.
Lors de la conférence de presse, il a présenté des documents de l’Oeuvre
en sa possession «qui contiennent des descriptions détaillées sur le recrutement et l’endoctrinement des jeunes, la stricte séparation des hommes et
des femmes, l’index des livres interdits, la confession et les exercices de
mortification, du devoir de recruter de nouveaux membres, de la création de
fondations ou d’autres organismes pour se procurer des moyens financiers».
Il était en possession de divers documents internes comme «Esprit et usages
pieux», «Règles internes d’administration», la revue interne «Cuadernos»,
deux «vademecum» ainsi qu’un «caeremoniale», un document interne dans lequel on trouve par exemple des instructions détaillées concernant l’examen
de conscience.
Protestation du directeur du bureau d’information de l’Opus Dei
Lors de la conférence de presse, le directeur du bureau d’information de
l’Opus Dei à Zurich, Beat Müller, s’est fermement élevé contre la publication de ces documents. Il a expliqué que la non publication de ces écrits
sert la protection de la sphère intime et privée des membres de l’Opus Dei.
Peter Hertel souligne aussi la pratique courante, au sein de l’Opus Dei,
dans un but de sanctification, de la mortification par la discipline ou par
le port du cilice. Il révèle l’existence d’un index interdisant certains
livres aux membres de l’Oeuvre et l’obligation de se confesser uniquement à
un prêtre de l’Opus Dei. Il ressort toujours, affirme-t-il, lors de témoignages d’anciens membres, qu’ils ont été menacé des peines de l’enfer à
l’occasion de leur sortie de l’Oeuvre.
Pour le journaliste allemand, Mgr Escriva se considérait comme un instrument de Dieu et, selon lui, Dieu lui-même était le fondateur de l’Oeuvre. Selon le journal interne «Cronica», l’Oeuvre est d’ailleurs déclarée
«sainte, immuable et immortelle», attributs qui ne s’appliquent autrement
qu’à l’Eglise. La fondation a été pour Mgr Escriva un acte de grâce surnaturelle. Ainsi la branche féminine de l’Oeuvre lui aurait été imposée contre son gré, «par le Christ lui-même». P. Hertel rappelle à ce propos les
«Règles internes d’administration» qui définissent une stricte séparation
des hommes et des femmes. Ne doivent apparaître que les femmes qui servent
les hommes à table, qui portent un uniforme et une coiffure stricte. Ces
auxiliaires n’ont pas de formation académique.
Ce sont les «numéraires» célibataires, notamment les prêtres, qui ont la
plus grande influence au sein de l’Oeuvre. Il existe au sein des «numéraires» un sous-groupe des «Inscritos ou Inscritas». Ces derniers ont prononcé
un voeu spécial de fidélité. En plus des «numéraires» célibataires, il y a
dans la branche masculine comme dans la branche féminine des «sur-numéraires» mariés.
Présentant les buts de politique ecclésiale de l’Oeuvre, fondée pour
«sauver l’Eglise», Peter Hertel cite à nouveau «Cronica» : «Notre Père qui
est aussi le bon pasteur, conduit le troupeau de toute l’Oeuvre». Le journaliste affirme encore que Mgr Escriva s’est difficilement adapté au Concile, qu’il aurait qualifié de «période de l’erreur». Son successeur, Mgr Alvaro del Portillo, a désigné l’Opus Dei comme une troupe mobile puissante
au service du pape.
Le journaliste s’est ensuite penché sur les entreprises terrestres de
l’Oeuvre. Dans la brochure rééditée en 1990, «Esprit et usages pieux», il
apparaît qu’il faut s’efforcer d’obtenir des «postes officiels et des
fonctions de direction». L’Opus Dei peut toujours dire qu’elle n’a pas elle-même de fonctions laïques et que ses membres sont actifs dans la politique ou l’économie uniquement à titre personnel.
Une véritable stratégie de persuasion
Afin de persuader les responsables de l’Eglise de la qualité de l’Opus
Dei, une véritable stratégie a été développée depuis 1970 et des évêques
sont constamment invités au siège de l’Oeuvre à Rome. Aujourd’hui il y a,
en Europe, dix évêques auxiliaires de l’Opus Dei et un évêque diocésain,
Mgr Klaus Küng, à Feldkirch en Autriche et des prêtres de l’Opus Dei sont
présents dans les tribunaux ecclésiastiques des diocèses d’Osnabrück et de
Coire. Un grand succès pour l’Oeuvre a été, pour ce qui était au départ un
institut séculier, de devenir en 1982 une prélature personnelle. Ainsi les
membres de l’Opus Dei vivent dans les diocèses, peuvent y travailler dans
l’esprit de l’Opus Dei et leur appartenance à l’Opus Dei rester cependant
inconnue. Ce n’est normalement pas le cas pour les prêtres membres de
l’Oeuvre.
Peter Hertel s’est enfin penché sur la procédure de béatification de Mgr
Escriva de Balaguer dont il estime qu’elle s’est faite avec une rapidité
inhabituelle. Pour lui, c’est une décision de politique ecclésiale de première importance «car on canonise en même temps une vision préconciliaire
de l’Eglise». Ainsi, déplore-t-il, les membres de l’Opus Dei seront renforcés dans leur idée d’être la vraie Eglise de Dieu. (apic/oe/mp)