la prostitution enfantine et le tourisme du sexe
Zurich : Lancement d’une semaine d’action contre (240492)
«Briser le silence complice»
Zurich-Kloten, 24avril(APIC) Quelque 25 à 30’000 «touristes du sexe»
suisses s’envolent chaque année pour la Thaïlande, les Philippines, le Sri
Lanka ou le Kenya. C’est la raison pour laquelle la Campagne suisse contre
la prostitution enfantine avait choisi, vendredi, de lancer sa semaine
d’action nationale dans un aéroport, à Zurich-Kloten plus précisément, dans
le but d’attirer l’attention de ceux qui se rendent dans le tiers monde sur
l’ampleur de ce fléau. Elle l’a fait par le biais de six saynètes jouées
dans le hall de l’aéroport par le «Theaterkoffer» de Lucerne.
Sous le regard plutôt indifférent de voyageurs pressés, le théâtre de
rue a cherché à dévoiler ces thèmes tabous : les abus sexuels contre les
enfants commis en Suisse et dans le tiers monde, et la prostitution enfantine causée par le tourisme de masse vers des pays considérés comme des
«paradis du sexe». Le sketch intitulé «Prisonniers du silence» a bien montré – en caricaturant un couple «suisse moyen bon chic, bon genre» – que
les abus sexuels contre les enfants restent cachés ou sont considérés comme
relevant de la vie privée: «cela ne nous concerne pas, il ne faut pas s’en
mêler, ils ont leurs coutumes…»
Les organisateurs de cette campagne de sensibilisation – soutenue par
une trentaine d’oeuvres d’entraide suisses, confessionnelles ou neutres considèrent que l’exploitation sexuelle des enfants est toujours l’expression d’un abus de pouvoir des adultes contre les enfants, une réalité qui
n’épargne pas la Suisse: entre 40’000 et 45’000 enfants sont victimes de
tels abus chaque année dans notre pays!
La plupart du temps, comme l’a relevé au cours de la conférence de presse Maya Krell, coordinatrice de la campagne à Berne, les touristes du sexe
n’éprouvent aucun sentiment de culpabilité, même si leurs «partenaires»
sont des filles ou des garçons mineurs et que ces crimes relèvent, dans ces
pays comme en Suisse, du code pénal. Christine Plüss, du groupe de travail
«Tourisme et Développement» à Bâle, a souligné que les «touristes du sexe»
non seulement n’ont pas l’impression de commettre une injustice, mais se
considéreraient volontiers comme des bienfaiteurs et voire même comme des
coopérants au développement. Et de qualifier cette acceptation sans problème par beaucoup de voyageurs de «prestations sexuelles» durant leur séjour
dans le tiers monde comme une «normalité de la déviance».
Pour Christine Plüss, malgré les directives (facultatives) de la Fédération suisse des agences de voyage, qui condamnent explicitement le «tourisme du sexe», les agences de voyage n’ont pas tellement fait de pas concrets, «de peur de perdre du terrain face à la concurrence»: dans le choix
des itinéraires, excursions et hôtels concernés, dans la formation des guides et l’information aux clients. D’autre part, la branche touristique «exploite de plus en plus fréquemment les enfants à des fins publicitaires»,
ce qui est, affirme C. Plüss, interdit en France. Si elle n’affirme pas, en
montrant les prospectus vers les destinations «chaudes», que l’on a tout à
fait consciemment choisi pour les illustrer de photos de beaux enfants souriants, elle se demande ce qu’a vraiment à voir le portrait d’un enfant
avec la vente d’un séjour aux Caraïbes, en Thaïlande ou au Kenya.
Invitée à témoigner dans plusieurs villes de Suisse, Amihan Abueva, directrice de l’organisation de protection de l’enfant Salinlahi Foundation,
aux Philippines, a relevé que le phénomène de la prostitution enfantine a
pris une grande ampleur dans des villes comme Olongapo City, en raison de
leur proximité de grandes bases militaires américaines comme «Subic Bay».
Ce phénomène a plus que doublé ces dernières années et s’est étendu à toutes les zones touristiques et aux grandes villes. L’on estime que 50 à
60’000 enfants vivent actuellement de la prostitution aux Philippines, sans
compter ceux qui s’y adonnent occasionnellement.
«Touristes du sexe, go home!»
A part les maladies sexuelles, les hépatites, le sida, la prostitution
enfantine a également des conséquences psychiques très graves pour ceux qui
en sont victimes: il y a beaucoup de suicides, d’avortements clandestins,
de consommation de drogues bon marché comme les colles et les solvants; la
structure familiale est détruite dans la mesure où c’est l’enfant prostitué
qui fait vivre ses parents, qui dépendent de ce revenu. D’autre part, un
tiers de ces enfants ont eux-mêmes été victimes de violences sexuelles dans
leur famille.
Il y a ainsi de fortes chances que leurs propres enfants – et il y a déjà des enfants de prostituées qui «travaillent» autour des bases américaines et dans les zones touristiques – seront à leur tour mis dans le circuit. Un signe d’espoir: les parlementaires philippins viennent d’adopter
une loi de protection de l’enfance plus dissuasive et plus répressive. Désormais, les touristes du sexe pourront être punis non seulement s’ils sont
pris sur le fait, mais déjà s’ils tentent d’abuser d’un enfant, et ils ne
seront plus expulsés du pays au bout de deux ou trois jours d’arrêts, comme
jusqu’à présent, mais devront purger leur peine sur place. Encore faut-il,
conclut Amihan Abueva, que cette législation soit effectivement appliquée!
Et que l’on n’en reste pas à la répression, mais que l’on change les structures socio-économiques qui enferment de plus en plus de Philippins dans le
cercle vicieux de la misère… (apic/be)