La patinoire devant la mairie de Paris peu avant la manifestation du dimanche 11 janvier 2015 (Photo: Pascal Fessard)
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Sacralité et gigantisme républicains

Pascal Fessard

Dimanche 11 janvier 2015, j’afflue avec de nombreux manifestants vers la place de la République, je ne l’atteindrai pas aujourd’hui, car tout Paris conflue. Combien de personnes? Les officiels n’osent articuler un chiffre, peut-être 2 millions, mais le décompte s’avère vite impossible tant les rues se gorgent de monde, enlisant quelques voitures imprévoyantes dans une épaisse marée humaine.

Quel gigantisme au nom des valeurs républicaines, contre le terrorisme, contre l’extrémisme islamiste, contre le fanatisme, l’antisémitisme, etc. Le monde politique a voulu tous ces «ismes» en réponse aux attentats. On peut dire que les Français sont allés bien au-delà des espérances politiciennes. Voilà l’unité nationale réalisée. La France a un nom, elle s’appelle Charlie.

Revenons un jour plus tôt, au lendemain de la neutralisation des trois «terroristes», la capitale respire un peu mieux, osant à peine croire à la fin des attentats. Quelques personnes déposent des fleurs à un coin de rue des bureaux de Charlie Hebdo. Un couple de retraités traîne là, tant par recueillement que par nécessité, leur quartier entre l’Avenue Jean Jaurès et les Buttes Chaumont aurait été bouclé par la police. Les Parisiens hésitent à vivre normalement. Dans un restaurant des Grands Boulevards, un serveur avoue être venu à son travail par obligation. Il serait bien resté chez lui comme beaucoup d’autres. Mais d’heure en heure le métro se remplit, un signe certain que la vie revient; Paris se libère de ses maux.

Et pourtant, malgré tout le tragique de l’évènement, ce n’était pas grand chose: trois forcenés parisiens, une vingtaine de morts, trois jours de crainte et un jour de liesse; pas vraiment un 11 septembre. D’ailleurs, une jeune trentenaire me confiait que les Parisiens eurent peur en 1995 lors de l’attentat du métro, mais pas en 2015; ce qui n’empêche pas la colère et la douleur. Charlie rappelle Valmy, une petite bataille, peu de morts et peu de dégâts, mais un évènement fondateur légitimant la République.

Il ne servira personne, ni le Président, ni le gouvernement, ni les partis, ni le Peuple, mais tout le monde se l’appropriera; il ne devrait déboucher sur à peu près rien de politiquement concret, mais on lui attribuera toutes les réussites, comme si l’Etat laïc ne pouvait renoncer à une forme de sacralité. Finalement, sous ce regard, Charlie c’est un peu Mahomet, Bouddha ou Jésus, il n’échappe pas à ce qu’il dénonçait; j’en connais certains qui déjà se retournent dans leur tombe!

La patinoire devant la mairie de Paris peu avant la manifestation du dimanche 11 janvier 2015
12 janvier 2015 | 09:39
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture: env. 2 min.
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