Jean-Jacques Friboulet

L’universalité des droits de l’homme: une exigence catholique

Jean-Jacques Friboulet | Dans une conférence récente, le patriarche Bartholomée 1er a critiqué la prétention universaliste de la Déclaration des Droits de l’Homme adoptée par l’ONU en 1948. Il considère que cette Déclaration pousse à une recherche individualiste du bonheur et à l’affranchissement des dogmes religieux et moraux.

Cette conception, partagée paradoxalement par des cercles islamiques, n’est pas celle de l’Eglise catholique. Dans son encyclique Pacem in Terris, Jean XXIII reprend le contenu de cette Déclaration dans son premier chapitre. Il écrit ainsi: «tout être humain est une personne, c’est-à-dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même, il est le sujet de droits et de devoirs, découlant les uns des autres ensemble et immédiatement de sa nature: aussi sont-ils universels, inaliénables». ( Pacem in Terris, paragraphe 9) Cette divergence entre nos deux Eglises est de première importance. Pour la comprendre, il faut faire un rappel historique et revenir au texte même de la Déclaration qui écarte tout malentendu.

L’Eglise catholique a longtemps combattu les anciennes déclarations des droits. Si elle s’est ralliée à celle de 1948, c’est pour trois raisons principales. La première est l’inscription dans son article 18 de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cette inscription, acceptée à titre de compromis par l’URSS après la guerre, a servi de levier aux Eglises d’Europe de l’Est pour résister aux pouvoirs communistes durant l’après-guerre. C’est au nom de ces libertés et de celle d’association que Solidarnosc a défendu les Polonais et en particulier les ouvriers dans les années 1970-1980. Les libertés de conscience et de religion sont sacrées. Elles ne sont en rien le fruit d’une pensée libertine.

La seconde raison est la mise en valeur, par la Déclaration, des droits de la famille, en particulier à l’article 16. Il est précisé «qu’à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion ont le droit de se marier et de fonder une famille». Cet article a toujours été combattu par les intégristes de tous acabits. Il est inséparable de la liberté de conscience et de religion, et n’a rien à voir avec un droit au mariage pour tous que revendiquent certains courants politiques. Attribuer à la Déclaration des tendances libertines, c’est la confondre avec l’usage abusif qu’en font certains cercles occidentaux pour leur propre discours.

La dernière raison de l’acceptation par la papauté de ce texte est la prise en compte de la dimension sociale de la personne à travers les droits économiques et sociaux et les droits civiques: droit au travail, droit à la propriété privée, droit à un salaire équitable, droit d’association, droit de prendre part aux affaires publiques…Ces droits étaient demandés au départ par les pays communistes et refusés par les Etats-Unis. On doit aux rédacteurs de la Déclaration ce bon compromis qui ne s’inscrit pas dans un individualisme occidental exacerbé.

Enfin confondre la Déclaration avec la recherche du bonheur individuel, c’est oublier la réciprocité des droits et de devoirs inscrite dans le texte à l’article 29. Le respect des droits d’autrui signifie autant de devoirs pour les personnes. Jean XXIII le rappelle dans son encyclique: «chez l’homme, leur sujet, les droits sont liés à autant de devoirs». (Pacem in terris, paragraphe 28)

Cette intégration des droits de l’homme dans Pacem in Terris est peu connue des catholiques. Elle confirme la dimension universelle de la Déclaration de 1948. La défense de la dignité infinie des personnes, sur la base de ce texte, est une obligation pour les catholiques qui est plus actuelle que jamais.

Les droits humains sont-ils individuels ou collectifs?
1 mai 2017 | 18:43
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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