Suisse-romande: vols dans les églises (280394)
APIC – Enquête
Pas de panique!
Maurice Page, agence APIC
Fribourg, 28mars(APIC) Il n’est guère de jour sans qu’on entende parler
de vols d’oeuvres d’art dans les églises. La dernière affaire dont la
presse s’est fait largement l’écho remonte au 3 février dernier. Des inconnus ont volé dans une église romaine la fameuse statue du «Santo Bambino»
auquel la population vouait une dévotion particulière. La statue était
pourtant protégée par diverses mesures de sécurité. En 1992, 1’200 vols ont
eu lieu dans les églises polonaises. A Cologne en juillet dernier, des passants ont intercepté un prétendu restaurateur d’art qui venait de voler une
toile dans une église. Qu’en est-il en Suisse-romande? L’agence APIC a tenté d’en savoir plus.
Se faire une idée précise de la situation est assez difficile. Ni les
polices cantonales, ni les responsables du patrimoine ne tiennent de statistiques ou de listes des vols d’objets d’art. Il faut donc se fier à la
mémoire des responsables ou aux nouvelles données par la presse. Un constat
général veut cependant que ces vols restent rares et qu’il n’y pas eu de
recrudescence ces dernières années. Prise de conscience de la valeur de ces
objets et meilleurs mesures de sécurité semblent en être la cause. Dans une
très large mesure la confiance règne.
A Fribourg, si tout le monde garde en mémoire le vol en juillet 1978 de
la vierge ouvrante de Cheyres, une oeuvre rarissime de la première moitié
du XIVe siècle, le dernier cas d’importance remonte à 1989, rapporte Yvan
Andrey, responsable de l’inventaire du patrimoine religieux. La porte massive de la Chapelle du Da, à Granvillard, a été fracassée à coup de hache.
Deux tableaux, un ciboire et un calice ont été dérobés. «J’avais passé sur
les lieux quelques jours auparavant, mais nous n’avions pas de photos et
peu d’éléments d’identification. Quelques temps plus tard, la police vaudoise nous avertissait que les objets avaient été retrouvés à Lausanne dans
le cadre d’une arrestation pour une autre affaire.»
C’est un cas presque idéal, la police n’a pas toujours cette chance, remarque Beat Carlen, porte-parole de la gendarmerie cantonale à Fribourg. La
plupart du temps ces objets changent de mains immédiatement, parfois dans
les heures qui suivent le vol. Heureusement les disparitions d’objets religieux sont rares. La statistique les classe dans la catégorie des vols par
effraction dans laquelle figurent aussi les cambriolages de troncs d’église
beaucoup plus fréquents, eux. Le fait de disposer de photos d’inventaire
facilite beaucoup la tâche des enquêteurs, mais on ne saurait considérer
cette mesure comme une assurance contre les voleurs.
Gaëtan Cassina, responsable des inventaires auprès des archives cantonales à Sion se souvient d’une vague importante de vols dans les années 70.
Dont la fameuse pieta d’Ernen en 1979. Depuis il y a eu un coup de frein.
Les oeuvres très importantes ont été protégées part des systèmes d’alarme
comme dans les musées. C’est le cas à Loèche ou précisement à Ernen. Ailleurs, des délégués locaux aux biens culturels visitent églises et chapelles et proposent des mesures de sécurité. Il y a quelques années un petit
objet, important par sa qualité, avait disparu d’une chapelle du Val d’Anniviers. Il est revenu par voie de confession. Le voleur s’est repenti et
est venu le rapporter au curé. Cas plus curieux encore: celui d’une épée
volée sur un reliquaire en cire à Sierre. On a d’abord cru qu’il s’agissait
d’une blague. Mais l’enquête n’a rien donné.
Dans un autre canton frontalier, le Jura, Joseph Boillat, administrateur
de la collectivité ecclésiastique cantonale, a fait lui-même sa «police».
Après une série de vols au sud de l’Allemagne il a adressé une lettre circulaire dans toutes les paroisses donnant des instructions sur les mesures
de protection à prendre. Joseph Boillat a fait quelques visites pour contrôler par exemple si des statues avaient bien été scellées. Certains n’hésitent pas en y allant au culot, raconte-t-il. Un brocanteur interessé par
une ancienne horloge de clocher s’est fait passer pour un membre de la commission des Beaux-Arts. De fait ces dernières années, le Jura n’a pas enregistré de vols, confirme M. Berthold de l’Office du patrimoine historique à
Porrentruy. Dans les années 50-60 le vent de la modernité et celui de la
réforme liturgique dans l’Eglise catholique ont soufflé en Suisse. Beaucoup
d’objets du patrimoine dont on méprisait la valeur ont été dilapidés. Mais
aujourd’hui la prise de conscience est sérieuse et le Jura dispose également d’un inventaire récent de ses églises et chapelles.
A l’évêché de Fribourg, Mgr Jacques Richoz, vicaire général, rappelle
les normes du droit de l’Eglise. Aucun curé, ni aucun conseil de paroisse
ne peut se prétendre propriétaire de ces biens. Ils n’en sont que les gérants. Ils n’ont donc pas le droit de les aliéner ni de les vendre. Si tel
devait être le cas, l’évêché devrait alors donner son accord. Si la pratique de vendre des biens pour assurer leur conservation ou pour financer la
restauration d’autres objets ou même de l’église était assez courante autrefois, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Force est de constater que pratiquement toutes les églises où des objets se trouvent à portée de main ont
connu des vols. Mais ces objets, chandeliers, crucifix ou lutrins n’ont que
rarement une grande valeur artistique.
A propos des nombreux objets religieux que l’on trouve chez les antiquaires, il est difficile de connaître leur provenance. Si certains proviennent de la filière du vol d’autres sans doute ont été acquis par des
gens assez habiles qui ont réussi à persuader les curés, les responsables
paroissiaux ou des propriétaires de chapelles privées de leur céder des
choses dont ils ignoraient la valeur.
Si la situation actuelle ne lui donne pas trop d’inquiétudes, Yvan Andrey reste tout de même surpris de la confiance des responsables. «A chaque
occasion nous leur faisons remarquer la valeur d’un objet en leur disant:
c’est important, ne le laisser pas à l’église.»
En dernier recours reste saint Antoine. La tradition populaire veut
qu’on l’invoque pour les objets perdus. La petite histoire raconte qu’un
novice quittant le couvent avait dérobé le psautier du saint. Une apparition le fit revenir avec le psautier. (apic/mp)
Encadré
Le Vatican déplore le manque de respect pour l’art sacré
Les innombrables trésors de l’art religieux du monde entier doivent être
mieux soignés et protégés des usages abusifs. Telle est la recommandation
que le Vatican a adressé dans une lettre circulaire aux évêques catholiques
du monde entier en janvier 1993.
Mgr Francesco Marchisano, sécrétaire de la Commission pontificale pour
la conservation du patrimoine artisitique et historique de l’Eglise, remarquait à cette occasion que la formation du clergé dans le domaine de l’art
sacré est jusqu’à présent insuffisante voire même totalement manquante. Les
conséquences de cette inattention sont les vols, les déprédations, les emplois abusifs et les «restaurations» catastrophiques d’objets d’art sacré.
Les évêques sont appelés à veiller à former la sensibilité artistique des
futurs prêtres et à leur offrir un enseignement artistico-culturel. (apicmp)
Encadré
Situation dramatique en Italie
A l’inverse des cantons suisses, l’Italie tient une statistique précise des
vols d’objets d’art. On compte à Rome un vol par jour et pour 1992 pas
moins de 34’972 objets ont disparu lors de 1’664 vols. Il ne s’agit certes
pas uniquement de vols dans les églises, mais en vingt ans, entre 1970 et
1990, on a enregistré la disparition de 300’000 objets dont la «valeur» approche 2 milliards de francs. «Un musée entier disparaît chaque année» déplore-t-on en Italie. (apic/mp)
APIC-ENQUETE
Bernard Bavaud, Agence APIC
Le visage du prêtre diocésain pour l’an 2000 (140492)
Malgré la diminution du nombre des prêtres en activité,
le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg garde l’espérance
Fribourg, 14avril(APIC) En l’an 2000, il restera seulement 130 prêtres
diocésains en activité dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, si
le nombre des ordinations sacerdotales se maintient au rythme actuel. A la
fin 1991, il y avait 281 prêtres en activité dont seulement 199 de moins de
65 ans. Or ils étaient 462 en 1962. Les statistiques diocésaines montrent
deux évidences: la diminution persistante des ordinations sacerdotales par
rapport aux années 1950 -1970 et le nombre considérable de prêtres âgés.
Cette réalité, montre l’enquête de l’agence APIC, est ambivalente. Des inquiétudes se font certes jour devant ce manque sérieux de forces pastorales
dans le futur immédiat, mais en même temps naît une grande espérance: des
laïcs, s’engagent joyeusement dans la pastorale, au service de l’Eglise
diocésaine.
Depuis quelques années, le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg se
pose des questions vitales pour son avenir: «Comment préparer ses communautés à rester ou à devenir encore plus vivantes, en sachant qu’il y aura un
tiers ou une moitié de prêtres en moins dans dix ans?» Ou encore: «Quel sera le visage du prêtre diocésain au début du XXIe siècle?» Certains milieux
militent pour l’ordination d’hommes mariés, les «viri probati», ou même
pour l’accession des femmes au sacerdoce. Ces questions liées à la formation des futurs prêtres, mais aussi à un éventuel changement de statut,
mettent aussi en évidence la participation, de plus en plus nombreuse et
active, des laïcs dans la pastorale de l’Eglise catholique en Suisse romande. Une manière aussi de regarder le futur sans trop de pessimisme, même si
certains chrétiens traditionalistes se lamentent sur ce nombre restreint de
candidats au sacerdoce et voudraient revenir aux séminaires d’antan.
Une enquête partielle
Cette petite enquête se veut volontairement partielle. Elle n’est pas un
sondage pour connaître l’avis des prêtres ou des laïcs catholiques du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Elle veut écouter, pour amorcer le
débat, un évêque, trois prêtres et un laïc, choisis pour leurs fonctions
actuelles ou anciennes dans le diocèse. Ces personnes sont bien placées
pour répondre aux questions posées ci-dessus. Elles ne représentent donc
pas une catégorie représentative de tous les membres actifs de l’Eglise
diocésaine. D’autres personnes mériteraient une écoute attentive et fraternelle, quelle que soit leur position, parfois divergente, sur le visage
souhaité du prêtre diocésain d’aujourd’hui. Des enquêtes supplémentaires
devront être faites auprès des membres de l’Eglise catholique en Suisse romande. Des femmes et des hommes, pratiquants ou non, mais aussi des religieux et des religieuses, voire des prêtres qui se sont mariés, qu’ils se
sentent proches ou lointains de l’Eglise actuelle. Sans oublier – même si
cette problématique est d’abord du ressort de l’Eglise catholique – l’avis
de pasteurs(es) protestants et des membres laïcs des Eglises réformées des
cantons romands.
Le choc des chiffres
Effectivement, si l’on regarde attentivement les statistiques, la chute
du nombre de prêtres en activité par rapport aux années 1950 – 1960 est impressionnante. Comme aussi, (une simple conséquence du manque de relève),
la proportion importante de prêtres âgés. (cf. encadré 1)
L’abbé Jean-Claude Pilloud, curé-doyen de la paroisse urbaine de SaintPierre à Fribourg, a été alerté lors d’une séance du Conseil presbytéral où
l’on présentait des statistiques et des projections pour l’avenir. En l’an
2000, si le nombre des ordinations sacerdotales se maintient au rythme actuel, il n’y aura qu’environ 130 prêtres diocésains en pleine activité. Ce
chiffre «m’a fait tilt», avoue le curé Pilloud. Faut-il s’en inquiéter?
Optimisme, malgré tout
Le curé de Saint-Pierre se déclare optimiste. Il veut aller de l’avant
sans trop se tourmenter. «Cela permet d’exercer notre sacerdoce autrement
qu’autrefois en comptant sur les laïcs qui s’engagent dans la pastorale. Et
dans un sens missionnaire, car le prêtre n’a pas été ordonné pour les seuls
pratiquants. Il y a quelques semaines, poursuit-il, «j’ai commencé le sermon dominical en disant à mes paroissiens: «Mes frères, j’ai besoin de
vous!» Je leur ai parlé des chiffres qui m’avaient impressionné au Conseil
presbytéral. Autrefois il y avait beaucoup plus de prêtres en activité!
Mais aujourd’hui combien plus de laïcs qui s’engagent! L’abbé Pilloud donne
tout de suite un exemple concret. Pour la journée des malades, dans sa
seule paroisse, 140 personnes se sont annoncées pour faire des visites à
domicile ou dans les hôpitaux de la ville. «Il est fini, ajoute-t-il, le
temps où le curé de paroisse était l’homme-orchestre qui faisait tout».
Opinion partagée par Mgr Pierre Mamie, évêque du diocèse. «La diminution
des prêtres, malgré de réelles inquiétudes, aura été paradoxalement une
grâce de Dieu. Il fallait que les prêtres se remettent en question car il y
a 50 ans, ils faisaient pratiquement tout dans la pastorale, que ce soit
dans la catéchèse ou la liturgie, dans la préparation des sacrements, voire
dans la gestion financière des paroisses.» C’est une avance, aussi dans la
foi, si les prêtres n’ont pas toutes les réponses aux questions pastorales.
Les prêtres diocésains ont besoin des laïcs pour que leur langage et leur
manière d’annoncer l’Evangile soient mis à l’épreuve. Certes, ajoute Mgr
Mamie, les chiffres de ces dernières années concernant le nombre d’entrées
au séminaire ont été quelque chose de difficile à vivre, d’éprouvant à accepter. Mais au bout du compte, nous avons 20 fois plus de laïcs engagés
avec nous. Cela est très réjouissant et cela va continuer. Je fais pourtant
parfois cette prière: «Mais maintenant, Seigneur, cela suffit ! On a compris la leçon. Donne-nous quand même davantage de prêtres, ou mieux: que
des jeunes plus nombreux entendent Ton appel!» Mgr Mamie ajoute qu’il faudra bien lire le texte, remarquable à ses yeux, que vient de publier Jean
Paul II sur la formation des prêtres, en conclusion du Synode des évêques
de 1990.
L’espoir d’un renversement de tendance
Par ailleurs, l’évêque du diocèse s’insurge contre une sorte de fatalité
qui affirmerait que la courbe descendante des vocations sacerdotales est
inéluctable. «Certes, dans les 10 ans à venir, nous aurons de graves problèmes pour remplacer les prêtres qui vieillissent, mais pourquoi ne pas
imaginer qu’en 2010, un renversement de tendance puisse arriver, comme
c’est le cas dans les Eglises du tiers-monde. La floraison actuelle des vocations en Corée ou ailleurs pourrait se produire aussi chez nous». Mgr Mamie garde son sourire. Il rappelle que lors de la construction du nouveau
centre diocésain, il avait dit à l’architecte: «Prévoyez la place pour une
aile supplémentaire qu’il faudra construire quand le nombre des séminaristes sera plus grand». Un rêve irréaliste? Non, une espérance chevillée
dans son coeur d’évêque.
La formation des futurs prêtres a évolué depuis le Concile
Actuel Supérieur du Séminaire diocésain, à l’avenue Jean-Paul II, à Villars-sur-Glâne, l’abbé Pierre Burcher estime de son côté que l’on a remis
en valeur le rôle vital des ministères laïcs engagés. Une des conséquences
du Concile Vatican II. Il en va de même pour le diaconat permanent. C’est
une espérance. Ces ministères diversifiés – prêtres, diacres, laïcs – sont
complémentaires. Il faut respecter cette complémentarité.
Par conséquent, dans le nombre total, il faut additionner ces ministères
et ne pas se contenter d’analyser le nombre de séminaristes ordonnés telle
année.
Pourtant l’abbé Burcher est persuadé que la prière pour les vocations
doit demeurer au coeur de l’Eglise. On ne serait plus dans l’espérance de
la Bonne Nouvelle à annoncer si on oubliait de prier «le Maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers dans son champ». Mais le mot «vocation», expression autrefois réservée presque exclusivement aux prêtres, religieux et religieuses, désigne aujourd’hui tous ces ministères complémentaires.
Reste qu’il est devenu capital, pour le prêtre diocésain, d’apprendre
maintenant à collaborer avec le laïcat. Pour y vivre la co-responsabilité
et créer la communion. D’où l’importance de l’Eucharistie, au centre de la
communauté chrétienne pour vivre cette communion!
Le Supérieur insiste: «les séminaristes doivent donc apprendre à collaborer et à être des formateurs des autres qui le seront à leur tour et à se
former aussi auprès des laïcs. Il y a d’ailleurs maintenant, (une nouveauté
par rapport à un passé encore proche!) des professeurs laïcs qui enseignent
la théologie aux futurs prêtres».
Concrètement, les séminaristes, dans leur formation, restent en contact
avec leur paroisse d’origine. Ils font une année de stage pastoral dans une
paroisse du diocèse après la 3e année de théologie. Ce stage leur permet de
mieux comprendre la vie réelle qui les attend plus tard et aussi de mieux
discerner leur vocation. Il permet aussi de donner une motivation nouvelle
à leurs études théologiques et pastorales.
D’abord, des communautés vivantes
L’abbé Jean-Marie Pasquier est aumônier à l’Université de Neuchâtel tout
en partageant une charge pastorale à la paroisse Notre-Dame. Durant dix ans
jeune Supérieur du Séminaire diocésain, il offrit ensuite ses services pendant cinq ans au Grand Séminaire de Bangui, en République Centrafricaine.
Pour lui, il est surtout urgent que prêtres et laïcs bâtissent des communautés chrétiennes vivantes. «D’abord, ce qui paraît de plus en plus évident
dans nos régions, c’est que le problème ne réside pas seulement et premièrement dans le manque de prêtres, mais dans le manque de chrétiens engagés
dans une communauté vivante. Il arrive déjà que ce ne soit pas le prêtre
qui manque aux fidèles, mais les fidèles qui ’manquent aux prêtres’, comme
on le voit dans certaines assemblées liturgiques ou autres réunions»…
«On constate aussi, poursuit l’abbé Pasquier, que les laïcs «engagés
(catéchistes, militants…) vieillissent et qu’il n’est pas plus facile de
les remplacer que les prêtres. Dès lors, ce qu’il est urgent de trouver, ce
sont des chrétiens qui témoignent de leur foi dans ce monde, ce sont des
’évangélisateurs’, ce sont des ’prophètes’, des ’apôtres’ capables de faire
renaître des communautés. La question des ’pasteurs’, donc des prêtres, célébrants et responsables de communautés est importante aussi, mais elle est
seconde».
Des voies nouvelles à explorer
Quand on lui pose la question: cependant, comment et où trouver des prêtres pour l’Eglise de demain?, Jean-Marie Pasquier se fait audacieux et
souhaite que l’Eglise catholique explore d’autres voies que celles suivies
jusqu’ici. «On dit avec raison que Dieu est libre de ses dons et que
l’Esprit souffle où il veut. C’est vrai pour les vocations de type traditionnel: Dieu peut encore appeler des enfants, des jeunes, qui pourront
être acheminés vers le presbytérat selon la filière classique. Mais les
candidats de ce genre se font rares chez nous et ne suffisent plus… Alors
pourquoi ne pas ’permettre à Dieu’ d’appeler par d’autres voies, parmi les
chrétiens adultes, à travers un discernement communautaire comparable à celui qu’on trouve dans les Actes (6, 1-6): ? ’Cherchez plutôt parmi vous,
frères…’ Et cela sans mettre préalablement de condition limitative pour
être fidèle à une tradition sans doute vénérable, mais d’importance seconde
par rapport aux besoins spirituels et sacramentels des communautés. Des
candidats existent, il faut oser…»
L’abbé Pasquier n’esquive pas une objection que certains posent aujourd’hui: Mais qui va payer? Il répond en suggérant des pistes nouvelles.
Il fait un rapprochement de plusieurs phénomènes actuels: la raréfaction
des prêtres, la difficulté de trouver et aussi de payer des laïcs formés et
engagés à plein temps, et d’autre part la montée du chômage, dans toutes
les classes sociales, y compris parmi les cadres. Alors il pose cette question: «Puisqu’il faudra, dans notre société de plus en plus informatisée et
automatisée, répartir autrement le travail et pour cela en diminuer la durée, n’y aurait-il pas là une possibilité pour des laïcs travaillant à
temps partiel et gagnant leur vie, de se former et de s’engager au service
de l’Eglise, dans un ministère qui pourrait devenir diaconal ou presbytéral, selon les charismes et les besoins ? On aurait alors des prêtres à la
fois présents et engagés dans le ’monde’ (travail, vie familiale, etc) et
dans l’Eglise, non en position d’auxiliaires et de subalternes, mais avec
une entière responsabilité pastorale, consacrée par l’ordination.»
Le regard d’un théologien laïc
Christoph Uehlinger, marié, trois enfants, est maître assistant à l’Université de Fribourg. Il y enseigne l’exégèse de l’Ancien Testament. Bien
placé pour donner son regard de croyant et de formateur, il répond avec
calme et lucidité aux questions posées.
Contrairement à la situation d’il y a 10-15 ans, explique Christoph Uehlinger, les candidats au sacerdoce ne sont plus aujourd’hui le seul public
ni l’auditoire privilégié de la formation en théologie. A la Faculté de
Théologie de Fribourg, dans les deux sections linguistiques, les laïcs en
général, les femmes en particulier, représentent une part de plus en plus
importante des étudiants. Il va de soi que cela demande une certaine réorientation de l’enseignement théologique qui doit tenir compte, à la fois
d’une plus grande variété d’origines, d’expériences et de situations de la
foi chez les étudiants et d’une grande pluralité d’options professionnelles
ultérieures.
Dans la section germanophone, les candidats à la prêtrise sont même nettement minoritaires. Il y a, par contre, de plus en plus d’étudiant(e)s qui
choisissent des études combinées (théologie et une autre branche, science
humaine ou sociale). Ceci traduit en général une réelle volonté de mettre
la théologie et la foi aux prises avec les défis concrets de la vie et de
la société contemporaine.
Si les candidats au sacerdoce ne représentent plus le public privilégié
de la formation théologique universitaire, on ne doit en aucun cas en conclure que leur formation spécifique serait négligée, ou que l’Université
tendrait même à dissuader des jeunes de la voie du sacerdoce. Mais la Faculté n’est certainement plus un univers clos, comme pouvait l’être un séminaire à d’autres époques.
On peut comprendre que certains étudiants candidats au sacerdoce puissent ressentir leur place minoritaire comme marginale et inconfortable.
Plutôt que de s’en plaindre, estime le maître-assistant Uehlinger, «ils feraient mieux de voir dans cette situation une chance et un défi pour approfondir leur vocation».
La Faculté ainsi n’échappe pas à certaines tendances de polarisation
telles qu’elles se manifestent dans l’Eglise de Suisse et dans l’Eglise
universelle. Certains étudiants, qui ne supportent apparemment pas ce pluralisme, choisiront alors des lieux de formation plus «homogènes», plus
traditionalistes.
Ouvrir le débat sur le statut du prêtre.
Christoph Uehlinger ne craint pas de parler de l’avenir et de
l’éventuelle modification du statut du prêtre catholique. Ce n’est d’ailleurs pas un sujet tabou ni dans le Conseil presbytéral (cf. encadré 2), ni
dans la préoccupation des évêques qui se doivent d’accueillir les questions
nouvelles pour les répercuter plus haut. «Plutôt que de se lamenter sur le
manque de vocations sacerdotales, ajoute le théologien, l’Eglise devrait
tenir compte des vocations de tous ceux et celles qui se présentent, hommes
et femmes, qui sont prêts à offrir leurs services et leurs compétences. Le
sacerdoce, comme toute institution historique, peut s’adapter aux données
d’une nouvelle époque. La possibilité des ’viri probati’, celle de la dissociation du célibat obligatoire et du sacerdoce comme celle l’ordination
des femmes, doivent devenir des questions ouvertes dans l’Eglise catholique. Plutôt que d’empêcher ou d’éviter le débat, nous avons besoin de le
rendre raisonnable et intelligible».
Ne pas voir l’avenir du diocèse en noir
Finalement une première conclusion s’impose. Malgré les perspectives
pessimistes de certains qui regrettent le temps passé, il faut garder
l’espérance. Tous ont un regard de foi. Il y aura toujours des prêtres dans
les communautés chrétiennes. Dieu n’abandonne pas son Eglise. Mgr Mamie, le
curé Pilloud, l’abbé Burcher, l’abbé Pasquier et Christoph Uehlinger pensent tous (avec des accents plus ou moins novateurs) que la baisse des vocations sacerdotales a permis l’engagement des laïcs dans la pastorale et
la redécouverte, comme aux temps de l’Eglise des premiers siècles, de ministères, ordonnés ou non, que se partage le «peuple de Dieu», ce beau nom
réaffirmé au Concile Vatican II.
Ecoutons encore, en terminant cette enquête, Christoph Uehlinger, qui
parle cette fois non comme formateur mais comme «consommateur» : «Il y a
encore, parmi les prêtres que nous connaissons en Suisse romande, des personnes qui sont des témoins – pour les adultes ou pour les enfants. Ils le
sont d’autant plus qu’ils ne se cramponnent pas à des rubriques désuètes,
mais s’attachent à témoigner de l’essentiel, qu’ils ne transpirent pas la
peur de se tromper, mais osent inventer des mots nouveaux pour une foi qui
s’enracine dans les amours et les larmes du quotidien».
E N C A D R E
Prêtres diocésains ordonnés et prêtres décédés de 1968 à 1990
ordinations décès
de 1968 à 1977 63 89
de 1978 à 1990 46 133
Total 109 222
Prêtres incardinés du diocèse: statistique des âges
1970 1980 1990
66 ans et plus 18% 35% 45%
61 à 65 ans 11% 11% 8%
51 à 60 ans 26% 20% 22%
41 à 50 ans 19% 20% 16%
31 à 40 ans 18% 13% 8%
moins de 31 ans 8% 1% 1%
Total 100% 100% 100%
Nombre de prêtres 527 455 390
En 1990, échelle des âges des prêtres incardinés dans le diocèse
Jusqu’à 40 ans 36 ( 9%)
De 41 à 60 ans 145 (38%)
61 ans et plus 209 (53%)
Total 390 (100%)
E N C A D R E
Consultation au Conseil presbytéral sur les «viri probati»
L’évocation de l’éventuelle ordination d’hommes mariés dans l’Eglise
catholique n’est pas nouvelle. Le synode des évêques sur les prêtres, tenu
à Rome en 1971, l’avait évoquée. La majorité des évêques ne l’avait pas retenue, même s’il y a, depuis toujours, des prêtres mariés dans l’Eglise
catholique de rite oriental. Cependant cette perspective est reprise souvent dans l’Eglise universelle. On peut lire, dans le numéro de la mi-juin
1986 d’»Evangile et Mission», l’hebdomadaire pastoral officiel des diocèses
suisses romands, l’information suivante:
«Lors de sa dernière séance du 5 juin, le Conseil presbytéral du diocèse
de Lausanne, Genève et Fribourg a évoqué la question d’une nouvelle consultation sur les «viri probati». Cette question, soit le cas d’hommes mariés
«ayant fait leurs preuves», qui pourraient être présentés à l’ordination
sacerdotale, a fait l’objet d’un rapport présenté par le Père Joseph Hug.
L’étude de ce problème doit être faite à la Conférence des évêques, qui ne
l’a pas encore mis à son ordre du jour, et surtout par la Congrégation (romaine) du clergé. Mgr Mamie est d’accord de demander aux évêques suisses
d’en parler, mais il veut connaître l’opinion du Conseil presbytéral, qui
préfère se donner un délai: le document de travail, bien apprécié, reprendra le chemin des délégations cantonales pour une plus large consultation.
Au centre des débats, le dilemme: l’ordination d’hommes mariés serait, aux
yeux de certains, une mise en question de la valeur du célibat consacré et
provoquerait une interrogation sur la vie et le statut des ministres; mais,
face au manque de prêtres, l’acceptation de «viri probati» ordonnés serait
un bien pour de nombreuses communautés».(apic/ba)
E N C A D R E
La position de Jean Paul II sur le célibat sacerdotal
La pensée du pape Jean Paul II sur la règle du célibat est connue: Il
vient de la réaffirmer avec force dans son Exhortation apostolique «Pastores dabo vobis» (»Je vous donnerai des pasteurs»), publiée le 7 avril 1992.
Après avoir donné les références bibliques de ce conseil évangélique, le
pape redit la position traditionnelle de l’Eglise catholique sur ce sujet
controversé. «A cette lumière, on peut facilement comprendre et apprécier
les motifs du choix pluriséculaire que l’Eglise d’Occident a fait et qu’elle a maintenu, malgré toutes les difficultés et les objections soulevées au
long des siècles, de ne conférer l’ordination presbytérale qu’à des hommes
qui attestent être appelés par Dieu au don de la chasteté dans le célibat
absolu et perpétuel».
Mentionnant l’orientation prise par le dernier Synode romain sur la formation des prêtres en octobre 1990, le pape ajoute: «Restant sauve la discipline des Eglises orientales, le Synode, convaincu que la chasteté parfaite dans le célibat sacerdotal est un charisme, rappelle aux prêtres
qu’elle constitue un don inestimable de Dieu à l’Eglise et représente une
valeur prophétique pour le monde actuel». Cf. «Exhortation apostolique
post-synodale «Pastores dabo vobis». Edition «Libreria Editrice Vaticana»
p. 76. (apic/ba)
E N C A D R E
Dans «L’Express» de Neuchâtel du 30 mars 1992, on peut lire:
«Prêtres et laïcs demain». Journée cantonale de réflexion.
«Journée importante que celle qui a réuni samedi 28 mars 160 personnes
dans les locaux de Paroiscentre au Locle, les délégués des conseils de paroisse, des conseils de communauté des paroisses catholiques et des missions linguistiques du canton de Neuchâtel.
Trois questions, sept carrefours ou réunions, des réponses fort variées.
Pensons à l’appel au bénévolat, sans pour autant remplacer les curés, au
regroupement de paroisses avec une équipe de prêtres ou un prêtre partagé,
l’accès au sacerdoce, donc l’ordination de femmes ou d’hommes mariés, avec
la remise en cause du lien entre célibat et l’ordination sacerdotale, la
formation au bénévolat et son coût. On ne peut pas remplacer un prêtre par
un non-prêtre, mais on peut poursuivre la mission de l’Eglise avec d’autres
forces.» (apic/phn/ba)
L’agence APIC publie cette enquête à l’occasion du Jeudi-Saint, jour
consacré à l’institution de l’Eucharistie. Ce jour est aussi dédié à l’évocation de la vocation sacerdotale dans l’Eglise. Ce texte peut être publié
en tout ou en partie à cette occasion, mais aussi pour le «Dimanche des vocations» qui, cette année, tombe le 10 mai.